La question de l'augmentation du délai de prescription sur les agressions sur mineur avait été posée lors de l'examen de la loi du 27 février 2017, dont j'étais le rapporteur. Nous n'avions pas jugé utile de modifier ce délai, considérant alors que les choses n'étaient pas suffisamment mûres. Nous avions privilégié le statu quo.
Au printemps 2018, les choses ont changé, suite à l'écho médiatique de certains procès, et je me réjouis d'avoir refusé l'amendement de M. Kanner car il a généré une réflexion dont les fruits sont devant nous. Pendant de nombreuses années, nous avons réagi comme des juristes purs, considérant que seul le droit permettait de raisonner sainement. Malheureusement, la rationalité ne doit pas seule être prise en compte en cette matière, puisqu'il s'agit de victimes faibles, à savoir des enfants.
Nous avons réussi à bousculer nos modes de pensée : les délais rassurent les juges, les juristes. L'article 3 témoigne de la nécessité, avant tout, de protéger l'enfant mineur. La présomption simple, et non pas irréfragable qui serait interdite en la matière, a l'avantage de nous libérer de ces limites d'âge avec ses effets de seuil. Entourés d'avis médicaux, les magistrats auront la possibilité d'apprécier chaque situation.
L'article 2 instaure une prescription de 30 ans pour les viols commis à l'encontre des mineurs. C'est une avancée. J'entends ce qui est dit sur l'imprescriptibilité : je m'interroge sur le sujet. L'imprescriptibilité est limitée aux crimes contre l'humanité. Un des buts était de se protéger contre la perte de preuves ou d'éléments susceptibles de caractériser les crimes commis. En la matière, nous devons nous interroger sur la révélation par la victime de l'infraction qu'elle a subie. Or, certaines personnes ont besoin de temps pour parler, d'où cette tentation d'instaurer l'imprescriptibilité. L'amnésie post-traumatique pourrait peut-être nous permettre de résoudre ce problème. Des éléments objectifs semblent permettre de caractériser les amnésies post-traumatiques : ainsi, un médecin est capable de dire si une personne est victime d'amnésie post-traumatique. Dans la loi du 27 février 2017, nous avons écrit que l'obstacle insurmontable à révéler un évènement constitue une cause possible de suspension de la prescription. Nous pourrions considérer valablement que la personne reconnue victime d'amnésie post-traumatique constituerait un obstacle insurmontable qui entraînerait la suspension de la prescription. Cela nous permettrait d'avoir sur ce point une capacité pour la victime d'ester en justice en dehors des délais dont nous débattons. Je vous propose de travailler sur un tel amendement avant la séance publique.