Intervention de Franck Menonville

Réunion du 21 mars 2018 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 22 et 23 mars 2018

Photo de Franck MenonvilleFranck Menonville :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, nous sommes face à une actualité européenne et internationale extrêmement dense.

Je souhaiterais évoquer en préambule deux faits qui rappellent combien, même dans un monde devenu multipolaire, les agissements des États-Unis et de la Russie sont toujours au premier rang de nos préoccupations.

Tout d’abord, le président Donald Trump vient d’exiger de l’Union européenne un abaissement des barrières douanières et réglementaires sur les produits américains. Ajoutons à cela la taxation des importations d’acier et d’aluminium. J’espère que la commissaire européenne Cecilia Malmström, actuellement à Washington, trouvera une issue favorable à ce dossier.

Ensuite, je voulais également souligner la réélection du président russe Vladimir Poutine. Quoi qu’on en pense, c’est une donnée avec laquelle notre diplomatie doit continuer de travailler. La Russie détient en effet, on le sait, une des clés de la résolution du conflit syrien.

L’actualité récente m’amène également à évoquer la montée des populismes en Europe. Les dernières élections italiennes le confirment, hélas, avec les scores élevés du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue. Néanmoins, cette réalité politique occulte à tort les vraies attentes d’une majorité de citoyens européens : ils veulent, non pas moins d’Europe, mais plus d’Europe pour faire face à des défis dont on sait que la seule dimension nationale ne suffira pas à les résoudre.

Je pense en particulier au phénomène migratoire. Sans l’intervention de l’Union européenne, il aurait débordé encore un peu plus les États membres qui l’affrontent en première ligne. Faut-il alors rappeler à tous ces partis eurosceptiques que, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, le repli sur soi n’est pas la solution ?

En réponse à la crise migratoire, l’Europe a mené un certain nombre de politiques qu’il faut poursuivre et approfondir, que ce soit le développement de la coopération avec les pays d’origine ou de transit, le renforcement du contrôle aux frontières extérieures ou encore la gestion des flux par des dispositifs tels que les accords de réadmission. Je n’oublie pas non plus la réforme du régime d’asile européen, sur laquelle il faudra encore avancer.

Le Conseil européen est censé parvenir à mettre au point une « politique migratoire durable » d’ici à juin 2018. Espérons qu’il y parvienne ; pour cela, il faudra que les États membres aient la même vision de l’Europe : celle d’une communauté de destin, et non pas celle d’un simple marché unique.

J’en viens ainsi au cas du Royaume-Uni, un pays qui a voulu jouer sa propre carte du destin, mais qui essaie aujourd’hui de ne pas trop se couper de l’Europe.

Il sera bien sûr largement question du Brexit au prochain Conseil européen. Comme vous le savez, mes chers collègues, il ne reste que six mois pour négocier le traité de sortie, un nouveau traité bilatéral et la période de transition entre les deux statuts.

Force est de constater que la marge de manœuvre entre les lignes rouges britanniques et les principes fondamentaux de l’Union européenne est extrêmement étroite.

Trois points sont essentiels ; nous sommes nombreux, me semble-t-il, à y tenir. Je citerai la garantie des droits des citoyens européens résidant au Royaume-Uni et des citoyens britanniques sur le territoire de l’UE, la solution à la question irlandaise et le règlement financier.

Avant-hier, une étape a été franchie grâce à un accord entre Londres et Bruxelles sur la période de transition pendant laquelle le Royaume-Uni bénéficierait des avantages du marché unique.

Nous pouvons y adhérer, car personne n’a au fond intérêt à une relation déséquilibrée avec un pays qui reste malgré tout lié à l’histoire de l’Europe et un partenaire commercial important.

Je souhaite à présent aborder un autre sujet majeur : la fiscalité du numérique.

À ce jour, deux critères ont été arrêtés : la taxe viserait les entreprises qui se présentent comme un réseau social ou comme une plateforme d’échange. Les rentrées fiscales annuelles pourraient atteindre entre 5 et 8 milliards d’euros par an à l’échelle de l’Union européenne ; c’est une bonne chose au regard des enjeux budgétaires de l’Union.

Au-delà de l’aspect financier, on ne peut que partager l’objectif d’envoyer un signal politique aux citoyens de l’Union en leur prouvant la détermination de Bruxelles à lutter activement contre l’injustice fiscale.

Je voudrais poursuivre mon intervention sur les perspectives de l’Union européenne plus de soixante ans après le traité de Rome.

Profitons de l’amélioration de la conjoncture économique pour oser une véritable refondation de l’Union européenne, même si la fenêtre est limitée, compte tenu des élections prévues en mai 2019. La France et l’Allemagne ont promis une impulsion commune pour réformer la zone euro et relancer l’Union européenne. On ne peut que s’en réjouir. La grande coalition nouvellement réinstallée autour de la Chancelière Merkel pourra nous y aider.

Lors de son discours à la Sorbonne, en septembre dernier, le Président de la République a affirmé que les défis lancés à l’Union et à ses États membres exigeaient de faire revivre une ambition politique européenne sur le plan interne comme sur le plan externe.

Le groupe du RDSE partage cette volonté. Pour qu’elle s’accomplisse, il faut que soient défendus nos valeurs, nos préférences collectives et nos intérêts communs tant géopolitiques qu’économiques. C’est le sens de « l’Europe souveraine » défendue par le Président de la République.

Je souhaiterais revenir sur cette défense de nos préférences collectives en me concentrant notamment sur l’agriculture. Comme vous le savez, madame la ministre, les agriculteurs ont fermement exprimé des craintes quant à leur avenir lors du récent Salon international de l’agriculture.

Le groupe du RDSE reste très vigilant quant aux accords de libre-échange que négocie actuellement l’Union européenne. Le Sénat est d’ailleurs très mobilisé à ce sujet : il prend régulièrement l’initiative de propositions de résolution européenne invitant à la protection de nos filières agricoles les plus fragiles. C’est le cas de la proposition de résolution relative aux échanges européens avec le Mercosur, portée par Jean-Claude Requier, président de notre groupe.

Enfin, en tant que sénateur d’un territoire rural, je voudrais relayer les inquiétudes de nos agriculteurs sur la réforme de la politique agricole commune, la PAC, même si cela n’est pas à l’ordre du jour du Conseil européen. Les sénateurs du RDSE sont opposés à toute renationalisation. La PAC ne doit pas être une variable d’ajustement budgétaire. Il nous semble essentiel, et non négociable, que cette politique reste « commune », conformément au C du sigle PAC. Le cadrage financier prévu pour mai prochain nous permettra sûrement d’y voir plus clair et, je l’espère, de ne pas sacrifier ceux qui ont contribué à la richesse et au progrès économique de l’Europe.

Pour conclure, je tiens à rappeler que la construction européenne est consubstantielle au groupe du RDSE. Je réaffirme donc qu’il faut plus d’Europe et mieux d’Europe ! C’est la solution qu’il faut à ce monde tourmenté, comme s’y emploie très bien le Président de la République, à qui nous apportons notre soutien sur le projet européen.

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