Intervention de Jean Bizet

Réunion du 21 mars 2018 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 22 et 23 mars 2018

Photo de Jean BizetJean Bizet :

… puisqu’il sera désormais un État tiers. Les quatre libertés, en particulier la liberté de circulation, devront être maintenues. Nous prenons bonne note d’un accord trouvé par les négociateurs sur cette transition. Pouvez-vous, madame la ministre, apporter plus de précisions au Sénat sur ce point ?

Pendant que le Royaume-Uni organise son isolement, parce que c’est ainsi, je crois, qu’il faut le nommer, l’Europe doit continuer à avancer, en affirmant son unité. Le Conseil européen de juin devra marquer une étape importante pour la relance européenne. Mais, dès sa réunion de mars, le Conseil européen abordera des questions cruciales. Je pense à la stratégie du marché unique, au marché unique du numérique, à l’union des marchés de capitaux et à l’union de l’énergie. D’ici à décembre, la Commission devrait faire un point sur la mise en œuvre de la législation existante. Il appartient aussi à l’Union de se doter d’une stratégie industrielle forte. C’est un enjeu majeur.

En s’appuyant sur l’atout que constitue son marché unique, véritable joyau, fruit de plus de cinquante ans de travail en commun, l’Europe doit organiser une véritable reconquête industrielle. Le défi du numérique et, maintenant, de l’intelligence artificielle est à relever. L’Europe ne peut être simplement consommatrice ; elle doit être aussi productrice. Pour cela, il nous faut faire émerger des champions européens. Nous le répétons souvent depuis plusieurs années, ici, au Sénat, la politique de la concurrence a été conçue voilà plus d’un demi-siècle dans un contexte, dirais-je, particulier : les enjeux d’autrefois n’ont plus rien à voir avec ceux d’aujourd’hui. Le monde a changé. L’autorité de la concurrence doit en faire de même et réformer sa politique, pour permettre à l’Union de relever le défi de la reconquête industrielle. La fiscalité du numérique est aussi un enjeu important.

Madame la ministre, que peut-on attendre du Conseil européen sur cette épineuse question, au regard des propositions et des réflexions de la Commission et de l’OCDE en la matière ?

Le Conseil européen devrait affirmer son engagement pour un multilatéralisme commercial régulé, avec l’Organisation mondiale du commerce en son centre, et soutenir les négociations en cours sur des accords de libre-échange. Le système multilatéral est malheureusement en crise. Les États-Unis ne sont pas étrangers à tout cela : ils empêchent depuis plusieurs mois, si ce n’est quelques années, le bon fonctionnement de l’organe de règlement des différends, à savoir le tribunal commercial international, en refusant la nomination de trois juges en remplacement de ceux qui sont partis à la retraite.

L’Union européenne a un rôle actif à jouer pour tenter de redresser ce multilatéralisme. Dans un tel contexte, des accords commerciaux bilatéraux peuvent lui être bénéfiques, à condition qu’elle défende fermement ses intérêts et exige la réciprocité. Le Sénat a fait valoir cette position lorsqu’il a débattu de la proposition de résolution européenne sur les directives de négociation en vue d’un accord avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Notre commission examinera, à l’issue de ce débat, le rapport de Pascal Allizard et Didier Marie relatif à la proposition de notre collègue Jean-Claude Requier sur les négociations avec le Mercosur. Nous pourrons ainsi réaffirmer avec beaucoup de clarté nos positions.

Enfin, le Conseil européen devrait évoquer les relations avec les Balkans occidentaux, le président Cambon l’a mentionné précédemment, et ce quelques semaines avant le sommet qui se tiendra à Sofia, le 17 mai prochain. Nos rapporteurs, Claude Kern et Simon Sutour, se rendront en Serbie et au Monténégro, qui négocient leur adhésion. Nous sommes favorables aux initiatives qui permettront de renforcer la connexion de cette région avec l’Union ou de prévoir un engagement commun sur des défis tels que la sécurité ou les migrations. Mais nous devons aussi veiller à prendre en compte l’état de nos opinions publiques à l’égard d’une procédure d’élargissement qui a paru aller un peu trop vite. Ayons donc le courage de dire qu’il faut assumer et confirmer le moratoire sur l’élargissement, pour conforter l’acquis communautaire !

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