Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 21 mars 2018 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 22 et 23 mars 2018

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de ces derniers mois, le contexte économique au Royaume-Uni, en Allemagne ou encore en Italie, ainsi que les divergences, toujours aussi profondes, entre les États membres sur l’avenir de la zone euro ont pu éloigner la perspective d’un Conseil européen ambitieux.

Néanmoins, concernant le Brexit, l’accord trouvé lundi dernier sur la période de transition va permettre d’enrichir considérablement les échanges entre les États membres et d’ouvrir le début des discussions relatives aux relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Plus précisément, après avoir ouvert la seconde phase de négociations en décembre dernier, les vingt-sept États membres devront adopter les orientations présentées par le président Tusk au début du mois et relatives au cadre des relations futures avec le Royaume-Uni.

La question de l’inclusion des services financiers dans le futur accord de libre-échange cristallise les tensions. Le projet d’orientation, qui devait être initialement présenté au Conseil européen, les en écartait. Toutefois, les ministres des affaires étrangères et européennes des vingt-sept États membres ont approuvé hier, cela a été dit, un projet incluant les services financiers dans une annexe.

Comme je l’avais déjà rappelé en décembre, notre commission des finances a estimé, dans le cadre de ses travaux sur la compétitivité des places financières, qu’un accord couvrant l’ensemble des services financiers ne s’imposait pas. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a évoqué la mobilisation des régimes d’équivalence existants. Notre commission des finances a souhaité appeler votre attention l’année dernière sur la nécessité de rendre plus exigeants ces régimes d’équivalence, afin d’éviter les risques de divergence réglementaire. Cela pourrait se traduire par l’introduction d’un mécanisme de réexamen régulier des décisions d’équivalence ainsi que par une obligation de réciprocité.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que les services financiers seront bien inclus dans les négociations à venir sur l’accord de libre-échange avec le Royaume-Uni ? Si tel est le cas, compte tenu des risques que je viens de rappeler, je souhaiterais souligner qu’il est préférable que les services financiers soient soumis à des régimes d’équivalence renforcés plutôt qu’à un régime ad hoc propre au Royaume-Uni.

Par ailleurs, concernant l’accord de transition, l’impasse politique semble résolue. En achevant la période de transition le 31 décembre 2020, la question de la participation du Royaume-Uni au prochain cadre financier pluriannuel est donc tranchée.

Madame la ministre, bien que ce point ne soit pas spécifiquement inscrit à l’ordre du jour du Conseil européen, je me permets de souligner que les discussions portant sur le prochain cadre financier pluriannuel soulèvent des inquiétudes quant à l’avenir des politiques communes. Nous souhaiterions donc une clarification de la position française, notamment au sujet du financement de la politique agricole commune, dans un contexte où le retrait du Royaume-Uni devrait se traduire par une perte d’au moins 10 milliards d’euros pour le budget de l’Union européenne.

J’en reviens à l’ordre du jour du Conseil européen, car de nombreux autres points intéressent notre commission des finances.

S’agissant tout particulièrement du sommet de la zone euro, les propositions avancées par la Commission européenne en décembre dernier s’avéraient plus pragmatiques que celles qui étaient défendues par le Président de la République. Toutefois, aucune mise en œuvre concrète n’est envisagée et les blocages politiques demeurent, comme l’a souligné le refus de huit pays d’Europe du Nord, y compris les Pays-Bas, de mener des réformes « ambitieuses ». Le seul point d’accord est celui de la mise en place d’un Fonds monétaire européen, un FME, qui servirait de prêteur en dernier ressort au Fonds de résolution unique, appelé plus communément FRU, en cas de défaillance bancaire. Je me réjouis de cette avancée, mais je tiens également à réaffirmer la nécessité, pour le futur Fonds monétaire européen, de voir sa responsabilité engagée devant les parlements nationaux.

Dans ce contexte, il semble que la consolidation de la zone euro devra encore attendre le sommet de juin prochain. La publication d’une feuille de route franco-allemande sera sans doute nécessaire pour avancer. Certes, nous sommes a priori moins pressés, compte tenu de l’embellie économique constatée au sein de la zone euro. Néanmoins, il semble plus que jamais opportun de renforcer la résilience de notre système bancaire et la convergence des économies nationales.

Madame la ministre, mes chers collègues, je terminerai en abordant la question de la fiscalité du numérique, qui, vous le savez, intéresse particulièrement la commission des finances du Sénat.

Sur ce sujet, la Commission européenne a présenté ce matin trois textes différents pour mettre en œuvre une taxation des entreprises du secteur numérique dans les pays où elles réalisent leurs activités. À court terme, il s’agirait d’instaurer une taxe de 3 % sur les recettes brutes de certaines activités numériques.

Dans une perspective de plus long terme, la Commission présentera une proposition de directive visant à taxer non plus le chiffre d’affaires, mais le bénéfice, grâce à la notion de « présence numérique significative », appréhendée par des critères tels que l’utilisation des données personnelles. Je tiens à saluer ces propositions, qui s’inscrivent dans le sillage des recommandations de la France et qui vont, évidemment, dans le bon sens. Comme vous le savez, la commission des finances du Sénat travaille depuis plusieurs années sur la fiscalité du numérique, et ce dans le cadre d’un groupe de travail.

Toutefois, il est à craindre que cette méthode graduée ne permette pas pour autant d’aboutir à des résultats aussi probants que souhaités avant longtemps. À cet égard, je rappelle que notre commission des finances avait déjà regretté cette approche graduée de la Commission européenne, notamment en matière d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, plus communément appelée ACCIS. On a vu aujourd’hui les limites d’une telle approche.

Madame la ministre, j’espère que la France encouragera ses partenaires européens à prendre une décision en matière de taxation des entreprises du secteur numérique, pour prolonger l’initiative à laquelle elle a participé l’année dernière. C’est un enjeu absolument majeur, au regard du faible taux d’imposition auquel sont aujourd’hui soumises les entreprises connues sous l’appellation GAFA et les enjeux que cela représente. Pas plus tard que ce matin, la commission des finances a organisé une nouvelle table ronde sur ce sujet, qui, comme de nombreux autres dans des domaines variés, retient particulièrement son attention.

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