Nous devons avoir tout cela à l’esprit au moment où nous travaillons sur la réforme de l’Union européenne, comme nous l’avons pleinement au moment où nous travaillons sur celle du régime de l’asile et des migrations, y compris sur le plan national, puisque le projet de loi Asile et immigration vise précisément à pouvoir davantage harmoniser l’examen des demandes d’asile à travers l’Union européenne, ce qui est directement inspiré des pratiques, notamment, de nos voisins allemands.
J’en viens à l’ordre du jour du Conseil.
Vous avez été nombreux à évoquer le Brexit. Je vous en remercie, monsieur le président Bizet, monsieur le rapporteur général, madame Keller, messieurs Gattolin et Menonville, car vous me donnez l’occasion de revenir sur ce sujet important.
Oui, monsieur Gattolin, oui, monsieur le président Bizet, le mode de règlement de la question irlandaise est encore flou, je vous le concède bien volontiers, et cela constitue un objet de préoccupation pour nous. Éclaircir cette question avant octobre est une priorité. Il reste, malgré tout, que l’accord exprimé par les Britanniques sur ce qu’on appelle le back stop, ce qui revient à ce que, faute de mieux, l’Irlande du Nord reste, de fait, dans l’union douanière, constitue un petit progrès.
S’agissant des services financiers, nous avons rappelé que le Royaume-Uni ne pouvait plus bénéficier des passeports financiers, la Première ministre britannique l’ayant elle-même reconnu. Nous avons insisté pour que les services financiers soient traités en dehors de l’accord de libre-échange, par des mécanismes d’équivalence renforcée définis unilatéralement par l’Union européenne. J’espère ainsi avoir répondu à votre préoccupation, monsieur le rapporteur général.
Monsieur le sénateur André Gattolin, vous avez rappelé la gravité de ce qui vient de se passer à Salisbury, au Royaume-Uni. Nous avons exprimé notre totale solidarité à l’égard de notre voisin, partenaire et allié britannique. Qu’il reste dans l’Union européenne ou qu’il la quitte ne change rien à ce voisinage, à ce partenariat et à cette alliance. Le Conseil européen reviendra sur la question jeudi soir et s’exprimera sans doute fortement. La double tentative d’assassinat intervenue à Salisbury est en effet le premier exemple, depuis 1945, d’utilisation, sur le sol européen, d’un agent neurotoxique prohibé ; c’est donc une affaire particulièrement sérieuse.
Plusieurs d’entre vous ont également souhaité revenir sur les sujets relatifs à la zone euro. Monsieur le rapporteur général, mesdames Keller et Mélot, croyez bien que nous sommes pleinement mobilisés à travailler au renforcement de la zone euro, à la finalisation de l’union bancaire, au renforcement du mécanisme européen de stabilité ou bien encore à la création d’une capacité budgétaire de la zone euro, afin de faire face aux prochains chocs économiques et de pouvoir maintenir le niveau d’investissement. C’est précisément au moment où la croissance est revenue dans la zone euro que nous sommes en situation de travailler à ces sujets. Il y a évidemment des nuances dans les positions des différents États membres, des sujets techniques qu’il faut surmonter les uns après les autres. Nous progressons, je l’ai dit précédemment, puisque nous nous sommes engagés à présenter conjointement une feuille de route avec l’Allemagne pour le prochain Conseil européen de juin.
J’ai bien noté, madame la sénatrice Keller, votre intérêt pour un contrôle parlementaire accru, intérêt que je ne saurais contester ici, en ces lieux, et que nous partageons. J’oserai tout de même dire qu’aujourd’hui la priorité est à la finalisation de l’union bancaire, à l’union des marchés de capitaux et à la mise en place d’une capacité budgétaire. C’est petit à petit que nous progresserons dans le renforcement de la zone euro.
Vous l’avez signalé s’agissant du semestre européen, madame la sénatrice Mélot, la sortie de la France de la catégorie des déséquilibres excessifs est une bonne nouvelle. Nous ne devons pas pour autant relâcher nos efforts : la reprise est là, elle doit encore être soutenue, notamment par des réformes structurelles. C’est également indispensable pour garantir la soutenabilité de nos finances publiques. À ce titre, pour 2017, pour la première fois depuis dix ans, notre déficit public passera sous la barre des 3 % du PIB.
S’agissant du budget européen, monsieur le rapporteur général, monsieur Menonville, madame Robert, il nous faut aborder la négociation du prochain cadre financier pluriannuel en étant cohérents avec nos ambitions pour l’Union européenne. Il y a un consensus, d’une part, pour considérer que de nouvelles priorités doivent être traitées au niveau de l’Union européenne et, d’autre part, pour ne pas sacrifier les politiques traditionnelles. De ce point de vue, notre détermination à poursuivre les politiques historiques, en priorité la PAC, est totale. Nous sommes d’ailleurs clairement opposés, je vous rassure, monsieur Menonville, à toute renationalisation de la PAC, et donc à tout cofinancement national du premier pilier. Cela signifie qu’il faut d’abord fixer nos priorités avant de définir l’enveloppe du budget européen.
Je relaie, madame Robert, votre encouragement à explorer de nouvelles ressources propres. Un gros travail de réflexion a été accompli dans ce domaine ; je pense en particulier au groupe de haut niveau présidé par Mario Monti. En matière de nouvelles ressources propres pour le budget de l’Union européenne, il n’est plus temps d’en faire l’objet de colloques et de discussions intellectuelles, il s’agit de traduire, dans les faits, ce sur quoi nous pouvons nous mettre d’accord. J’ajouterai que, au moment où le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, l’heure est venue de mettre fin à toutes les formes de rabais qui avaient été négociés et adoptés au fur et à mesure des années et qui n’ont plus leur place, aujourd’hui, dans le budget européen.
S’agissant de la politique de cohésion, je voudrais aussi vous dire dans quel état d’esprit nous abordons la négociation. Selon nous, celle-ci doit être conditionnée au respect des valeurs de l’Union européenne et, donc, en particulier, de l’État de droit, ainsi qu’aux efforts de convergence fiscale et sociale, qui sont le gage de la cohésion.
Vous avez été nombreux à parler de fiscalité du numérique. Monsieur le rapporteur général, monsieur Menonville, mesdames Keller et Mélot, il s’agit d’un des défis majeurs de notre temps. Nous sommes, à ce titre, déterminés à aboutir à une juste taxation des géants du numérique au niveau européen, sans attendre qu’un accord soit trouvé à l’échelon international. Nous voulons une Europe de l’équité et de la justice fiscales. Bien entendu, le sujet est complexe, mais le statu quo ne peut perdurer. Nos concitoyens attendent des résultats, et nous sommes, de ce point de vue, pleinement en phase avec la proposition présentée aujourd’hui par la Commission, qui fera demain l’objet d’un débat lors du dîner du Conseil.
Vous avez également mentionné, madame la sénatrice Keller, monsieur le rapporteur général, les discussions sur l’ACCIS, qui, vous le savez, au sein du Conseil, ne progressent pas. Nous le regrettons, et nous sommes déterminés à avancer sur une harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés au niveau franco-allemand. À cet égard, le travail a repris avec la nomination d’un nouveau gouvernement allemand, et nous allons essayer d’aller de l’avant, en bilatéral, afin que la France et l’Allemagne, dirais-je, donnent l’exemple, pour faire en sorte que ce qui est faisable entre Paris et Berlin s’élargisse à l’ensemble de l’Union européenne.
En matière d’Europe sociale, mesdames Mélot et Robert, la Commission vient de présenter son projet d’autorité européenne du travail, que nous sommes en train d’examiner en détail. L’enjeu est important, puisqu’il s’agit de lutter contre les fraudes et de nous donner les moyens, collectivement, de faire respecter nos règles du jeu communes. L’absence d’une telle autorité explique une partie des fraudes au détachement des travailleurs. Sur ce dernier sujet, vous l’avez évoqué, l’accord intervenu permet d’encourager la mobilité des travailleurs tout en convergeant vers le haut, en avançant vers une Europe qui protège mieux ses citoyens.
Sur les Balkans occidentaux, messieurs les présidents Cambon et Bizet, je partage votre point de vue. Fixer une échéance théorique pour l’adhésion de nouveaux membres de l’Union européenne est artificiel et n’a pas de sens en soi. À sa décharge, ce n’est pas exactement ce que fait la Commission. Le président Juncker a été très clair publiquement sur le caractère impératif des critères à remplir pour les pays candidats. Nous serons fermes sur le respect de ces critères, y compris pour l’Albanie et l’Ancienne République yougoslave de Macédoine. Ceux-ci, de notre point de vue, ne paraissent pas aujourd’hui en situation de les remplir dans un délai rapproché, ce qui ne permet pas d’ouvrir les négociations.