En 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé, dans son arrêt Costeja, qu’un célèbre moteur de recherche entrait dans le champ de la directive de 1995 sur le traitement des données personnelles.
Dès lors qu’ils proposent des contenus publicitaires à partir de l’indexation des sites, les moteurs de recherche réalisent un traitement de données à caractère personnel. Il s’ensuit que la CJUE a reconnu la possibilité pour tout internaute d’obtenir qu’un lien n’apparaisse plus quand son patronyme, et uniquement son patronyme, est saisi sur le moteur de recherche. C’est le droit au déréférencement. Ce droit est naturellement à mettre en balance avec d’autres impératifs, tels que le droit à l’information du public.
Pour autant, une question n’a pas été arbitrée : quelle en est la portée territoriale ? Autrement dit, lorsqu’un moteur de recherche est tenu de déréférencer, doit-il le faire uniquement dans la zone géographique couverte par le texte réglementaire – dans notre cas, l’Union européenne – ou doit-il le faire à l’échelle mondiale, partant du postulat que, Internet étant un monde ouvert, indifférent aux frontières, l’information demeurerait accessible ?
Prenons un exemple concret. Si je demande à un moteur de recherche de déréférencer un lien me concernant et qu’il accède à ma requête, ce lien ne sera plus accessible depuis l’ensemble des extensions européennes de ce site – « .fr », « .it », etc. En revanche, il le demeurera depuis la version américaine du moteur de recherche – donc en « .com ». Le droit au déréférencement est par conséquent aujourd’hui limité territorialement.
D’ailleurs, la CNIL souhaite étendre sa portée. Son raisonnement est que les moteurs de recherche, ayant souvent choisi d’avoir un traitement mondial, doivent, dès lors que le droit au référencement est appliqué, le rendre effectif sur l’ensemble des extensions liées à ce traitement.
Si en passant en un clic d’une extension « .fr » à une extension « .com » vous avez accès au lien censé être désindexé, mes chers collègues, on peut considérer que le droit au déréférencement n’est que parcellaire !
Certes, des questions préjudicielles sur ce point fondamental ont été soumises par le Conseil d’État à la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois, à défaut d’anticiper les décisions de la CJUE en intégrant d’ores et déjà une disposition dans notre ordre juridique interne, nous aimerions au moins connaître la position du Gouvernement sur la question. Celui-ci est-il favorable à ce que le droit au déréférencement ne soit pas limité territorialement ?
Le sujet est essentiel, car le droit au déréférencement est un corollaire du droit à l’oubli, évoqué précédemment.