Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la rapporteur, permettez-moi de prendre quelques instants pour développer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à déposer cet amendement.
L’article 19 bis, voté par votre commission des lois, crée à destination des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre une nouvelle dotation qui s’élèverait, au total, à 170 millions d’euros. Cette dotation serait compensée par la hausse de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.
Le Gouvernement vous demande de revenir sur la création de ce fonds, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il est loin d’être certain que ce dispositif permette d’atteindre les objectifs que vous lui avez assignés. En effet, il est difficile de déterminer dans quelle mesure cette nouvelle dotation, d’un montant financier relativement élevé, correspondra réellement aux besoins qu’éprouvent les collectivités territoriales en la matière. De plus, son mode d’attribution, à l’ensemble du bloc communal et selon le seul critère de la population, peut susciter des interrogations : quelle serait l’équité d’un versement de cette nature ?
Ensuite, cette dotation entrerait dans le périmètre des concours financiers, tel qu’il est défini à l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, lequel comprend les prélèvements sur recettes. Or ce même article a fixé un plafond annuel de l’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités locales. Ce montant est globalement stable jusqu’en 2022.
Dès lors, la création d’un concours financier d’un montant de 170 millions d’euros conduirait mécaniquement à réduire dans une proportion équivalente les autres concours financiers de l’État aux collectivités, et ce afin de respecter le plafond prévu par la loi de programmation.
Les concours susceptibles d’être réduits à ce titre pourraient être, par exemple, les dotations de soutien à l’investissement local, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, ou encore la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.
De surcroît, cette dotation spéciale serait destinée, dans son esprit, à la mise en conformité des collectivités territoriales au RGPD. Pourtant, elle ne s’appliquerait qu’à partir de l’exercice 2019. Or – nous n’avons cessé de le dire depuis hier – ce règlement doit entrer en vigueur au 25 mai 2018.
Depuis 2004, les collectivités territoriales sont, en tant que responsables de traitement, déjà soumises à des obligations en matière de protection des données. Nous l’avons rappelé hier, et plusieurs d’entre vous l’ont souligné.
Si le RGPD énonce bien de nouvelles obligations, comme la désignation d’un délégué à la protection des données, il ouvre également la voie à une réduction tout à fait substantielle des formalités préalables auxquelles les collectivités sont soumises.
Je pense non seulement aux autorisations diverses, mais aussi à l’obligation de déclaration auprès de la CNIL, dont la Commission européenne a estimé, dans son étude d’impact, qu’elle représente un coût unitaire de 200 euros : ce n’est pas négligeable.
Je songe également à la suppression du régime d’autorisation par arrêté des traitements destinés à mettre à la disposition des usagers de l’administration des téléservices de l’administration électronique, ainsi qu’à l’assouplissement des traitements utilisant le numéro d’inscription au répertoire, le NIR.
Je vous l’assure, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a véritablement pris la mesure des inquiétudes exprimées par les collectivités territoriales. Au demeurant, le Sénat est pleinement dans son rôle en s’en faisant l’interprète, et il est tout à fait normal que, sur votre initiative, nous puissions avoir ce débat.
J’ai déjà évoqué le regard tout à fait favorable que le Gouvernement porte sur plusieurs mesures proposées par la commission des lois pour accompagner les collectivités locales. Je vous l’ai dit hier, j’ai moi-même alerté les préfets la semaine dernière, en insistant sur la nécessité de nous mobiliser sur la question de la protection des données.
De concert avec la CNIL, nous avons revu la possibilité de mener des actions conjointes avec les associations d’élus, notamment les réseaux d’associations de maires. Ces dernières disposent de la meilleure connaissance du terrain et sont capables, non seulement de faire remonter des questions pertinentes, mais aussi de tracer les solutions d’appui qui peuvent être adoptées.
À cet égard, la mise à jour d’un guide par la CNIL doit être une priorité. La constitution de centres de ressources dans les territoires, qui, elle aussi, a été évoquée hier, sera sans doute également un levier très puissant.
J’y insiste : j’entends vos préoccupations et, pour moi, il n’est nullement question de les traiter à la légère. À mon sens, il est de notre responsabilité que cette nouvelle loi de 1978 s’applique dans les meilleures conditions possible partout, dans tous les territoires.
Il n’en demeure pas moins que le Gouvernement n’est pas favorable à l’établissement de la dotation ici proposée. Ce dispositif conduirait à réduire les dépenses nécessaires à d’autres politiques publiques menées par les collectivités territoriales.