Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi présenté permet la ratification de l’ordonnance 2017–1252 qui transposait la directive « DSP 2 » de 2015.
La directive européenne n° 2015/2366, dite « services de paiement 2 », met à jour et complète le dispositif européen d’encadrement des services de paiement, en vue d’encourager cette activité dans le marché intérieur de l’Union européenne.
Cette directive constitue ainsi une mise à jour de la directive du 13 novembre 2007 relative aux services de paiement, dite « DSP 1 », qui avait introduit un premier cadre d’activité en complétant la typologie des acteurs bancaires. Cette directive a notamment créé le statut d’établissements de paiement, complété en 2009 par le statut d’établissements de monnaie électronique. La reconnaissance d’un statut spécifique a permis le développement de ces services très usuels aujourd’hui grâce aux paiements en ligne. Ces acteurs bénéficient notamment d’un régime simplifié par rapport aux établissements de crédit.
Quelles ont été les avancées permises par la directive DSP 2, dont nous achevons la ratification par ce projet de loi de ratification présenté aujourd’hui devant vous ?
Premièrement, la directive complète le cadre juridique applicable aux prestataires de services de paiement : supervision des prestataires de services de paiement, droits et obligations des parties à un service de paiement.
Deuxièmement, elle élève les standards de sécurité des transactions, en particulier en généralisant le principe d’une authentification forte pour les transactions en ligne.
Troisièmement, elle apporte une reconnaissance juridique à deux nouvelles catégories d’acteurs : les agrégateurs de comptes, qui offrent un accès pédagogique à l’information financière individuelle tant pour les entreprises que pour les particuliers ; les initiateurs de paiement, dont l’activité d’intermédiaire doit permettre de fluidifier la réalisation des virements.
La traduction dans notre droit de cette directive constitue une opportunité pour la place financière française et s’inscrit pleinement dans les objectifs poursuivis par le Gouvernement : favoriser l’innovation, renforcer la concurrence pour dynamiser la croissance, et améliorer les services rendus aux consommateurs et aux entreprises, tout en assurant un niveau de sécurité maximal des paiements.
La France a toujours été à la pointe de l’innovation en matière de paiements – nous avons ainsi été pionniers dans le paiement par carte à puce. Elle doit le demeurer, et continuer de l’afficher. C’est l’ambition que nous nous sommes donnée au travers de cette transposition.
Aussi le Gouvernement a-t-il souhaité transposer avec plusieurs mois d’avance cette directive, afin de permettre à l’ensemble des acteurs de la place de s’approprier ces nouvelles dispositions, d’asseoir la confiance du marché et d’attirer les innovateurs.
L’ordonnance portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur a ainsi été adoptée le 9 août 2017, avec près de six mois d’avance par rapport à sa date d’entrée en vigueur, faisant de la France l’un des premiers pays à transposer la directive, et le premier à avoir officiellement agréé un agrégateur de compte et initiateur de paiement.
Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l’habilitation donnée au Gouvernement par la loi n° 2016–1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Le projet de loi qui vous est soumis vise à procéder à la ratification de cette ordonnance par le Parlement.
Le Gouvernement souhaite au travers de ce texte compléter le dispositif défini dans l’ordonnance sur deux principaux points : l’accompagnement du nouveau service de remise d’espèces lors du passage en caisse, dit « cashback », et l’accélération de la sécurisation du dispositif issu de la directive.
En premier lieu, l’article 2 du projet de loi qui vous est présenté vise à accompagner le développement de la pratique du rendu d’espèces complémentaires à la demande du client lors d’un achat, plus connu sous l’appellation « cashback ».
Ce service existe chez la plupart de nos voisins, par exemple en Allemagne, en Espagne, en Belgique et au Royaume-Uni. La directive « services de paiement 2 » indique que ce service peut, en théorie, être fourni sans être soumis aux règles prévalant pour les services de paiement. Elle laisse de fait très largement aux États le soin d’en définir les modalités pratiques d’exercice.
Ce service présente de nombreux avantages sur lesquels je souhaite attirer votre attention.
C’est un net progrès pour favoriser l’accès aux services financiers de base pour tous les Français, qui permettra de répondre à l’isolement des territoires les plus reculés, dont les relais d’accès aux espèces sont souvent trop limités ou éloignés. C’est un sujet sur lequel, je le sais, les élus locaux sont très mobilisés.
C’est une opportunité de services nouveaux pour les consommateurs et pour les commerçants : ce service permettra d’attirer davantage de clientèle, par l’ouverture d’un service additionnel. Il offrira un moyen de gérer plus efficacement les encours en caisse pour les commerçants. Les associations de commerçants écoutées sur ce sujet ont souligné leur intérêt pour l’apparition d’un tel service.
Le dispositif que nous proposons dans ce projet de loi permettra ainsi d’offrir un cadre lisible et stable pour les commerçants, afin d’encourager cette pratique, mais également d’assurer la qualité de la circulation de la monnaie fiduciaire sur l’ensemble du territoire et de prévenir les risques de blanchiment en précisant ses modalités, par la fixation de seuils de retrait par voie réglementaire.
En deuxième lieu, le Gouvernement propose de mettre en œuvre sans attendre le dispositif de sécurisation des conditions d’exercice des initiateurs de paiement et agrégateurs de compte.
La directive DSP 2 prévoit que l’essentiel de ses dispositions entre en vigueur au 13 janvier 2018. La directive renvoie toutefois à une norme technique réglementaire, ou NTR, de l’Autorité bancaire européenne, l’ABE, un pan essentiel du dispositif, relatif aux modalités informatiques d’accès aux comptes de paiement par les nouveaux acteurs.
Concrètement, cette norme technique détaille le fonctionnement des interfaces de communication sécurisées, appelées « API », par lesquelles ces acteurs pourront accéder, en pleine sécurité, aux données individuelles de comptes bancaires. Mais cette norme, qui a été publiée tout récemment, n’entrera en vigueur que 18 mois plus tard, soit en septembre 2019.
Il nous semble que cette période transitoire peut engendrer des risques en termes de cybersécurité pour l’ensemble des acteurs, car elle conduit à pérenniser pendant cette durée la pratique actuelle dite du « web scraping », qui consiste, en récupérant les identifiants et mots de passe de l’usager, à accéder pour lui à son compte bancaire en ligne.
Le gouverneur de la Banque de France et le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, nous ont alertés sur les risques, lesquels seront maîtrisés une fois les API disponibles et applicables, en vertu de cette norme technique.
Il est donc proposé d’anticiper son entrée en vigueur, afin que, pour les banques prêtes en avance, l’API puisse être testée et rendue obligatoire, et ce dès la fin de 2018, si elle satisfait aux exigences de performance et de qualité définies par la norme technique et qu’elles assurent que les nouveaux acteurs tiers pourront continuer d’exercer leur activité. Cette disposition a pour objectif de garantir la protection des utilisateurs de ce type de service.
Enfin, et pour conclure, nous savons que la transposition de cette directive a suscité des questions sur les modalités d’exercice des nouveaux acteurs tiers, notamment lorsque ceux-ci accèdent aux données de comptes d’épargne.
La directive DSP 2 se limite à encadrer l’accès, par les agrégateurs de comptes et initiateurs de paiement, aux comptes de paiement et ne traite pas de l’accès aux autres comptes – épargne, crédit, ou autres. Les négociateurs européens s’en sont tenus au champ qui avait été identifié par la directive, ce que l’on peut comprendre. Mais l’accès aux données sensibles des comptes tels que les comptes d’épargne ou les comptes titres mérite un cadre aussi sécurisé que celui qui est prévu pour l’accès aux données de comptes de paiement. Le nouvel article 1er ter introduit par le rapporteur et adopté par la commission des finances met le doigt sur cette difficulté.
Le Gouvernement partage la volonté de soutenir les acteurs innovants tout en maîtrisant les risques attachés à leur activité pour ce qui dépasse le champ de la directive DSP 2.
Toutefois, il nous semble que la réponse à cette question passe en premier lieu par une modification des textes européens. Le Gouvernement s’est engagé à lutter contre toutes les surtranspositions du droit européen à l’échelle nationale, notamment pour ce qui concerne le droit financier.
La raison en est simple : alors que nous faisons des efforts importants pour renforcer l’attractivité de notre place financière en vue d’attirer davantage d’acteurs et d’institutions en France, notamment dans le secteur porteur des paiements, il serait peu compréhensible que nous imposions aux acteurs qui se développent chez nous des règles supplémentaires qui n’existent pas ailleurs. Or l’obligation de disposer d’une assurance de responsabilité civile professionnelle ou d’une assurance comparable associée à une obligation d’enregistrement engendre des formalités dont l’impact doit être soigneusement évalué, dans un contexte très concurrentiel au niveau européen.
Ainsi, tout en rejoignant la préoccupation du rapporteur, il nous semble qu’un travail complémentaire est indispensable pour calibrer au mieux les modalités d’encadrement de l’accès aux comptes d’épargne, et sur cette base, pour engager dans les meilleurs délais une modification du droit européen.
Nous devrons en effet réfléchir à une intervention au niveau national, sur la base d’une étude d’impact plus documentée que celle dont nous disposons aujourd’hui. À cet effet, nous engagerons une mission de réflexion pour formuler des propositions adéquates à porter auprès de nos partenaires européens et de la Commission européenne. Cette réflexion pourra, le cas échant, conduire à formuler toute mesure transitoire pertinente à adopter au niveau national.