Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet de ratifier l’ordonnance portant transposition de la directive européenne concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
En ratifiant cette ordonnance, nous ferons œuvre de modernisation de notre code monétaire et financier pour l’adapter aux évolutions de l’industrie financière et, surtout, à la numérisation de l’économie.
Cette modification de notre droit est nécessaire à la fois pour l’activité des entreprises, mais également dans un souci de protection des consommateurs, de sécurité et de responsabilisation des acteurs financiers.
Cette directive comporte trois dispositions essentielles, qui ont été rappelées.
D’abord, elle pose les bases d’un droit d’accès aux comptes de paiement, en consacrant de nouveaux acteurs dans cette activité.
Ensuite, elle renforce les normes de sécurité des données en rendant obligatoire l’authentification forte et en précisant les modes d’accès du client à son compte de paiement en ligne.
Enfin, elle consolide les droits des utilisateurs de services de paiement et améliore la supervision transfrontalière des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique.
J’ajouterai que cette directive vise également à développer en France une pratique répandue en Europe, celle du cashback, c’est-à-dire la possibilité de retirer des espèces chez un commerçant au moment d’un paiement. Ce service était théoriquement applicable en France mais, à défaut de cadre juridique prévoyant ses modalités d’application, il ne pouvait être mis en œuvre.
Le présent projet de loi, dans sa version issue de l’Assemblée nationale, prévoit ainsi d’autoriser mais aussi d’encadrer cette pratique du cashback, notamment en fixant un montant maximal.
C’est une bonne mesure, mais nous espérons que ce montant sera suffisamment élevé pour préserver l’intérêt du service pour le client, tout en permettant la prévention des risques.
Tous ces éléments techniques sont importants. Ils permettent d’avancer vers un système financier européen et français plus performant et plus sûr. Je voudrais néanmoins évoquer à présent l’enjeu politique de ce texte et, en creux, ce qu’il révèle de la construction européenne.
Nous avançons à grands pas vers l’Union des capitaux. La libre circulation des capitaux et des services financiers est une réalité, perfectible certes, mais c’est une réalité ! Sous la double influence des traités et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, toute mesure nationale dissuadant les mouvements de capitaux entre les États membres est désormais interdite.
Mais qu’en est-il des citoyens européens ? L’Union des travailleurs, l’Union des étudiants, l’Union des artistes, l’Union des chercheurs sont-elles aussi complètes que l’Union des capitaux ?
Les combats menés par la France et par une député européenne française courageuse, Élisabeth Morin-Chartier, sur la question des travailleurs détachés illustre la peine que nous avons à bâtir l’Europe sociale, c’est-à-dire, mes chers collègues, l’Europe des êtres humains.
Je salue ainsi l’accord qui a été trouvé cette semaine sur la directive « travailleurs détachés » au Parlement européen. Nous nous rapprochons du principe élémentaire de justice « à travail égal, salaire égal, sur un même lieu de travail ».
Je salue aussi la proposition de la Commission européenne de créer une « Agence européenne du travail » chargée de mieux contrôler la circulation des travailleurs, pour éviter le dumping social entre les États.
Je salue enfin de manière générale, et mon groupe Les Indépendants avec moi, les mesures qui équilibrent l’intégration économique par une intégration sociale et culturelle. L’une ne va pas sans les autres, sous peine d’alimenter les accusations d’Europe à deux vitesses, Europe pour les élites, Europe pour les marchands.
Je me permets cette digression – je m’en excuse, monsieur le rapporteur, mes chers collègues – sur ce projet de loi éminemment technique, afin de rappeler que, derrière la technique, il y a toujours de la politique, et que la politique consiste à faire des choix.
Notre groupe Les Indépendants choisit un système financier plus sûr et plus moderne : nous voterons donc bien entendu en faveur de ce projet de loi. Mais nous choisissons également une construction européenne plus soucieuse de citoyens que de consommateurs, et moins soucieuse de circulation de capitaux que de progrès social et humain.