Intervention de Delphine Gény-Stephann

Réunion du 22 mars 2018 à 10h30
Services de paiement dans le marché intérieur — Article 1er ter A

Delphine Gény-Stephann :

Le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de cet article 1er ter A que la commission des finances a adopté à l’unanimité, comme cela a été rappelé au cours de la discussion générale.

Ce nouvel article introduit une obligation d’assurance pour les initiateurs de paiement et les agrégateurs agissant sur les comptes autres que de paiement et donc non couverts par la DSP 2.

Cet amendement vise à protéger le consommateur. Nous rejoignons bien évidemment la préoccupation de la commission des finances, tout en partageant le souhait de soutenir le développement des fintech.

Le dépôt de cet amendement de suppression reflète la perplexité et les nombreuses questions qu’a soulevées l’examen de cette proposition de nouvel article.

Nous n’avons pas eu le temps d’évaluer l’impact de cette disposition assez innovante, voire très innovante, car elle impose une obligation d’assurance sur un service non réglementé. Il s’agit d’un dispositif encore inédit, à notre connaissance.

Surtout, le caractère imparfait de la protection proposée nous a gênés : certains agrégateurs ne seraient pas couverts, en particulier ceux qui décideraient de ne pas accéder aux comptes de paiement et donc de ne pas demander d’agrément. Ils pourraient alors proposer une agrégation sur tous les autres comptes, sans obligation d’assurance.

De même, les acteurs qui choisiraient de se faire agréer dans un autre État membre que la France sur les comptes de paiement pourraient, assez paradoxalement, nous semble-t-il, agréger des comptes d’épargne en France sans obligation d’assurance.

Techniquement, la sécurisation des comptes de paiement est moindre que dans la solution retenue par le Gouvernement de recourir à la protection forte d’une API.

Tous ces éléments nous ont rendus perplexes. Nous reconnaissons la complexité du sujet et nous n’avons pu, en quelques jours, trouver de solution.

Par ailleurs, et comme certains d’entre vous l’ont souligné, le Gouvernement est réticent à tout élément de surtransposition qui créerait un décalage avec nos partenaires européens. Or il s’agit bien ici d’une surtransposition.

La proposition du Gouvernement vise simplement à accélérer la mise en place des API, normes définies techniquement dans un cadre européen. À l’inverse, la solution technique retenue par votre commission des finances n’a pas été coordonnée au niveau européen.

Nous souhaitons engager une mission de réflexion permettant d’associer les acteurs de façon très précise et technique afin de formuler des propositions à porter auprès de la Commission européenne. Cette mission pourra, le cas échéant, recommander toute mesure transitoire pertinente à adopter au niveau national.

J’insiste sur la complexité du sujet, sur la nécessité d’analyser les impacts industriels que pourraient engendrer l’intervention de ces nouveaux acteurs et le développement de nouveaux modèles économiques dans les segments de l’épargne et sur le fait que cet effort de sécurisation va au-delà du secteur bancaire – les compagnies d’assurance et les gestionnaires d’actifs sont également susceptibles d’être concernés par un dispositif de sécurisation plus large que celui des seuls comptes de paiement.

Il importe donc de mener une mission à la fois technique et industrielle précise.

Cela étant, j’entends les arguments qui viennent d’être présentés. Encore une fois, je souhaitais faire part de la perplexité et des interrogations que ce nouvel article a suscitées.

Je comprends que vous considériez que le temps de la négociation européenne n’est pas compatible avec celui, plus rapide, de l’avancée des usages qu’offre la technologie.

À défaut de partager votre enthousiasme pour la solution technique suggérée, je rejoins votre souci de sécurisation des consommateurs. Aussi, à ce stade de la procédure parlementaire, le Gouvernement retire son amendement de suppression.

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