Intervention de Arnaud de Belenet

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Arnaud de BelenetArnaud de Belenet :

Oui, on peine à le croire !

Le groupe de travail sur les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs, remarquablement présidé par Marie Mercier, a été créé en réaction à certaines décisions de justice rendues cet automne et incomprises du grand public, pour que nous soyons prêts lors de la présentation du projet de loi.

La transcription, avec une célérité inouïe, de ces travaux de qualité en une proposition de loi, puis une inscription très rapide de celle-ci à l’ordre du jour de notre assemblée seraient de nature à conforter la rumeur que j’évoquais. Où sont, mes chers collègues, la précipitation, l’improvisation, l’effet cosmétique – peut-être… –, l’instrumentalisation ou encore la polémique lorsque l’on élabore aussi rapidement une proposition de loi ? Et si la rumeur était fondée ? Ce serait accablant !

Accablants, les faits le sont également : une victime de viol sur deux l’a été lorsqu’elle était mineure ; en 2017, 14 000 agressions ou atteintes sexuelles et 8 000 viols ont été commis sur mineur.

L’ampleur des atteintes portées à l’intégrité des enfants en France aujourd’hui, la gravité des faits et l’écœurement qu’ils ont inspiré à tous les membres du groupe de travail obligent à la sobriété et à l’honnêteté intellectuelle. La lutte contre ces réalités est, me semble-t-il, le seul enjeu. En tout cas, il devrait l’être. J’irai droit au but sur le texte lui-même et son pendant, le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale, qui couvre un champ plus large.

Les sujets de prévention, de formation, d’éducation, de qualité du recueil de la parole et, plus largement, d’accompagnement des petites victimes font consensus, tout comme l’allongement de dix ans, vingt ans à trente ans, du délai de prescription. Cette dernière mesure est un symbole, mais aussi une exigence. Elle est essentielle, car elle intègre la problématique du retour d’amnésie post-traumatique.

Certains des amendements examinés ce matin en commission posent question. La reconnaissance de l’amnésie post-traumatique comme un obstacle de fait insurmontable poserait un problème juridique insurmontable, l’imprescriptibilité également. Nous reviendrons sur ces sujets lors de la discussion des articles.

Je note que le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est plus respectueux de la cohérence de l’échelle des prescriptions, réorganisée en février 2017, en prévoyant d’étendre l’allongement de dix ans à l’ensemble des crimes commis sur mineurs.

L’article 3 de la proposition de loi vise à instituer une présomption de contrainte lorsque l’acte « est commis par un majeur sur la personne d’un mineur incapable de discernement ou lorsqu’il existe une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur des faits ». L’honnêteté intellectuelle et le rejet de tout artifice politicien amènent à constater une convergence d’objectifs, sinon de moyens, avec le Gouvernement.

Contrairement à ce qui a pu être exprimé devant les médias, le groupe de travail n’a pas rejeté le seuil du consentement à quinze ans avec cette proposition de présomption non irréfragable, suggérée lors des auditions par un magistrat de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il s’agissait de contourner astucieusement les effets pervers du seuil et, pour certains membres du groupe de travail, de valider effectivement l’âge de quinze ans, en considérant également les autres articles du code pénal, notamment l’article 227–25 qui concerne les moins de quinze ans.

Contrairement à ce qui a été de nouveau affirmé ici aujourd’hui, le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes n’envisage pas de présomption irréfragable pour les viols ou atteintes sexuelles commis sur les moins de quinze ans ; il prévoit en réalité la même innovation juridique que celle qui figure dans le texte soumis à nos débats.

Reconnaissons néanmoins que la version du projet de loi, à savoir une présomption de contrainte liée, tout simplement, à un âge de moins de quinze ans, est plus aboutie et plus solide juridiquement… §On en rediscutera.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement n’a pas envisagé de présomption irréfragable : il suffit pour s’en convaincre de prendre la peine de relire l’avis du Conseil d’État en date du 21 mars dernier.

La meilleure prise en compte des cas d’inceste par l’article 4 est en revanche une singularité de la proposition de loi. Elle a fait l’objet de demandes répétées lors des auditions du groupe de travail et mériterait d’être intégrée au projet de loi précité.

L’aggravation des peines en cas d’atteinte sexuelle, contenue dans l’article 5, fait également consensus sur le principe, mais pas sur la durée de la peine encourue, le Gouvernement souhaitant aller plus loin – je reprends vos propres mots, madame la secrétaire d’État.

Pour conclure, je souhaiterais, une fois encore, mes chers collègues, attirer votre attention sur les mineurs handicapés : 80 % des petites filles mentalement handicapées sont victimes d’atteintes sexuelles avant leur majorité, et 90 % des mineurs autistes, filles ou garçons. Voilà qui appelle à une certaine dignité, ainsi qu’à la qualité et à l’honnêteté intellectuelle de nos débats.

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