Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, en 2016, 21 000 cas d’enfants victimes de violences sexuelles ont été recensés par les services de sécurité. Les enfants représentent 56 % des victimes d’infractions sexuelles. Parmi eux, 16 000 sont âgés de moins de quinze ans, et 79 % sont des petites filles.
En 2017, 8 788 plaintes ou signalements pour des faits de viol concernant des victimes mineures ont été enregistrés par les services de police ou de gendarmerie.
Ces chiffres, déjà considérables, sont pourtant en deçà de la réalité, étant donné qu’ils ne comptabilisent que les actes ayant fait l’objet d’une plainte auprès des services de police et de gendarmerie. Les associations estiment, quant à elles, que 20 % d’une classe d’âge ont été victimes d’atteintes sexuelles. Deux affaires récentes, très médiatisées, ont relancé le débat sur le consentement des mineurs à un acte sexuel. Ces données interrogent la société tout entière.
La commission des lois, en concertation avec la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je suis membre, s’est emparée de cette douloureuse question.
Les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui portent une haute ambition : une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles.
Le groupe de travail a souhaité évaluer le cadre législatif, l’organisation et les moyens de notre politique de lutte contre les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs. Ses travaux ont abouti à un rapport dont la richesse révèle la complexité du sujet.
Il faut s’attacher à une évolution durable des mentalités. Nous disposons à cet égard d’éléments objectifs pour convaincre : des statistiques, des témoignages du martyre de ces enfants, des enseignements cliniques qui démontrent les ravages de ces traumatismes.
La première partie du rapport renvoie à un ensemble de dispositions qui relèvent du domaine réglementaire. Madame la secrétaire d’État, j’en appelle à votre autorité pour que ces mesures, approuvées par l’article 1er de cette proposition de loi, soient mises en œuvre rapidement. Le recensement des violences sexuelles subies par les mineurs doit être amélioré afin que soit mesurée l’ampleur du mal. Les parents, les hébergeurs de contenu sur internet doivent être sensibilisés aux conséquences de l’accès à la pornographie pour les mineurs. L’obligation d’éducation à la sexualité doit être garantie sur tout le territoire.
L’amélioration de la protection des mineurs passe aussi par des évolutions législatives en matière pénale.
Ce texte prévoit ainsi d’allonger le délai de prescription pour les crimes et délits d’agressions sexuelles commises à l’encontre des mineurs.
Pour un mineur, il est parfois compliqué de comprendre la gravité des violences sexuelles subies. Le parcours psychique des victimes peut être long et comprend des phases de déni appelées amnésie post-traumatique. Ce phénomène d’amnésie traumatique peut durer parfois jusqu’à plusieurs années et faire obstacle à la dénonciation des faits. L’allongement du délai de prescription prévu par cette proposition de loi est une manière de prendre en compte le phénomène d’amnésie traumatique.
Pour caractériser un viol, les auteurs de cette proposition de loi ont opté pour une présomption de contrainte applicable aux relations sexuelles entre un majeur et un mineur, fondée soit sur l’absence de discernement du mineur, soit sur l’existence d’une différence d’âge significative entre le mineur et le majeur. La présomption de contrainte permet ainsi de protéger l’ensemble des mineurs, quel que soit leur âge.
Les viols commis sur les mineurs sont rarement commis avec violence au sens du code pénal, c’est-à-dire avec des violences physiques cherchant à imposer un acte sexuel – c’est 9 % des faits déclarés.
La plupart du temps, ces actes résultent d’une contrainte ou d’une menace exercée à l’égard de la victime ou d’un stratagème profitant de la difficulté de la victime à appréhender la situation.
Ce texte prend en compte ces phénomènes d’emprise et de manipulation sur les mineurs.
L’instauration d’une présomption de non-consentement en deçà de l’âge de quinze ans a été évoquée par le Gouvernement. Je pense qu’il faut rester prudent sur toute disposition qui introduirait une automaticité dans l’application de la loi pénale.
Pour conclure, je souhaite insister sur le caractère particulièrement ignoble des infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs. Elles ont une place à part tant elles ravagent durablement leurs victimes. Elles méritent une réponse à la hauteur, telle que contenue dans cette proposition de loi.