Intervention de Annick Billon

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise émane du groupe de travail que la commission des lois a constitué en octobre dernier, sur l’initiative de notre collègue Marie Mercier.

L’émotion était alors à son comble dans une actualité judiciaire troublante : saisi d’une plainte pour viol déposée par les parents d’une petite fille de onze ans, le parquet de Pontoise avait requalifié les faits en atteinte sexuelle sur mineure, estimant que, face à son agresseur de vingt-huit ans, la victime ne répondait à aucun des critères du viol, car elle n’avait été ni contrainte, ni menacée, ni surprise.

La qualité du travail effectué par la commission des lois doit être soulignée.

Dans un contexte marqué par la libération de la parole des femmes victimes de violences, la délégation aux droits des femmes a pour sa part décidé de faire de ces violences le fil conducteur de son programme de travail pour la session actuelle, notre objectif étant de préparer dans les meilleures conditions l’examen du projet de loi annoncé par le Gouvernement puis déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 21 mars dernier.

Ce projet de loi intègre les violences faites aux femmes dans une perspective globale. La délégation n’a donc pas souhaité s’inscrire dans le présent débat, laissant à ses membres toute latitude pour se positionner, à titre individuel, face au contenu de la proposition de loi qui nous est soumise.

Sans anticiper sur nos conclusions à venir, je crois pouvoir dire que nous rejoindrons les auteurs de la proposition de loi sur deux dispositions : l’allongement de la prescription des crimes sexuels commis sur mineurs à trente ans ; l’aggravation des peines encourues pour le délit d’atteinte sexuelle.

En revanche, je ne suis pas persuadée que nos points de vue puissent converger s’agissant de l’article 3 de la proposition de loi.

Nos collègues ont fait le choix de compléter la définition du viol en y intégrant deux critères pouvant qualifier la contrainte morale : l’existence d’une différence d’âge significative entre victime et agresseur ou l’incapacité de discernement du mineur.

Instruite par le précédent de l’affaire de Pontoise, notre délégation a, au contraire, été convaincue, il me semble, par la nécessité d’éviter de laisser trop de prise à la subjectivité du magistrat dans la caractérisation de la contrainte. Or la proposition de loi aurait pour effet de laisser une grande latitude au juge pour apprécier la différence d’âge et la capacité de discernement de la victime.

Nous avons donc souhaité travailler dans la logique d’un âge minimal en deçà duquel la contrainte serait caractérisée.

Nous sommes conscients, également, des réserves exprimées par les experts en ce qui concerne la présomption irréfragable en matière criminelle.

Faut-il fixer ce seuil à quinze ans ou à treize ans ?

Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen du texte du Gouvernement, mais notre délégation est convaincue qu’il n’est pas de notre rôle, en tant que législateur, de juger s’il est bien ou mal d’avoir des relations sexuelles en dessous d’un certain âge.

Notre seul souci est de protéger les mineurs qui seraient victimes de rapports non consentis avec des adultes, mais nous admettons qu’il puisse y avoir des relations consenties et épanouies entre adolescents, ou entre adolescents et jeunes adultes.

Il me semble que les vraies questions à nous poser sont les suivantes : quelle société voulons-nous pour nos enfants et, surtout, quelles relations entre hommes et femmes ? Comment pouvons-nous avancer ensemble pour lutter contre les violences ?

Pour l’heure, je remercie nos collègues d’avoir contribué à ce débat avec des propositions dans lesquelles on reconnaît la qualité des travaux de la commission des lois.

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