Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Article 2

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

La disposition dont nous débattons est extrêmement délicate et elle a suscité beaucoup de réflexions au sein de notre groupe de travail. Le contexte législatif est extrêmement complexe puisque, en la matière, les règles de la prescription ne sont pas les mêmes que dans le droit commun. La prescription d’une infraction sexuelle ne court qu’à compter de la majorité de la victime, mais les règles varient, y compris pour les délits, selon la gravité des actes. C’est dire combien le sujet est complexe.

La durée de la prescription a été doublée il y a tout juste un an par le Parlement, tant pour les délits que pour les crimes, mais la question de l’imprescriptibilité ou de l’allongement de la prescription est revenue dans le débat depuis plusieurs mois en raison de la prise en compte de la fameuse amnésie traumatique.

Au sein du groupe de travail, nous avons jugé qu’il était juste de prolonger de dix ans la durée de la prescription et de ne pas accepter l’imprescriptibilité. Pourquoi ?

Le système juridique français prévoit la possibilité de la prescription, ce qui n’est pas le cas des législations anglo-saxonnes. Nous avons donc depuis fort longtemps décidé que, en fonction de la hiérarchie de la gravité des infractions, la prescription ne serait pas la même pour les crimes ou pour les délits, et nous avons réservé l’imprescriptibilité aux crimes contre l’humanité. L’extension de l’imprescriptibilité à un unique type d’infractions se heurterait à cette situation.

Par ailleurs, il y a quelques années, la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion d’exprimer son point de vue sur la question de l’imprescriptibilité, rappelant la nécessité de ce qu’on appelle le procès équitable. En effet, des années après les faits, les circonstances ayant considérablement évolué, on peut douter de l’équité du procès.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le groupe de travail a opté pour une prolongation de dix ans du délai de prescription, y compris pour les délits, ce qui n’est pas le cas dans le projet de loi gouvernemental renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Le groupe socialiste et républicain ne votera donc pas les présents amendements.

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