Le débat que nous avons montre bien l’importance que nous accordons à la gravité des agressions dont nous parlons, mais aussi la difficulté à trouver une réponse juste et satisfaisante – je ne sais d’ailleurs pas si une telle réponse existe vraiment.
Je veux toutefois rappeler que notre objectif est de prendre en compte les victimes et de les aider à se reconstruire. On peut penser que l’imprescriptibilité servira les victimes – c’était un peu l’idée que j’avais avant de démarrer les travaux du groupe conduit par Marie Mercier –, mais en entendant l’ensemble des personnes que nous avons auditionnées, dans leur diversité, j’ai compris que tel ne serait pas forcément le cas.
En effet, mes chers collègues, l’imprescriptibilité pourrait confronter les victimes à une vraie difficulté. Si les procès d’assises ont lieu vingt-cinq, trente ou quarante ans après les faits, la justice risque de se trouver dans l’incapacité absolue d’apporter la preuve du crime ou de retrouver l’agresseur. Nous ferions ainsi prendre aux victimes le risque d’un non-lieu ou d’un acquittement qui aggraveraient leur sentiment de culpabilité et d’abandon.
Certes, ces crimes sont extrêmement graves et nous devons les combattre de toute notre force. Nous devons les prévenir et les sanctionner quand ils ont eu lieu. Nous pouvons satisfaire les affaires qui relèvent du pénal. Pour le reste, le silence des victimes demeurera.
Pour ces raisons ainsi que pour les considérations de cohérence juridique qui ont été présentées à la fois par la rapporteur et par mes collègues, je suis donc défavorable à l’imprescriptibilité.