Intervention de François Pillet

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Article 2

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Mes chers collègues, quelques sentiment ou position que l’on ait, tous sont parfaitement respectables, même éventuellement si ces sentiments ou ces positions étaient dictés ou suggérés par une émotion plus forte en raison de la nature des crimes dont nous débattons.

Rassurons-nous, car le débat que nous avons en ce moment est non pas un débat d’intention – nous avons tous la même –, mais un débat de moyen. L’imprescriptibilité est-elle un moyen susceptible d’apporter plus de justice en l’espèce ?

Je ne le crois pas, et ce pour plusieurs raisons énoncées précédemment, la principale d’entre elles étant que le temps fait dépérir la preuve. En ce domaine, la preuve matérielle est rarement existante ; la preuve testimoniale pose problème déjà quinze jours ou un mois après les faits : trente ou quarante ans après les faits, elle sera extrêmement discutable.

Pour éviter une injustice, n’en commettons pas une autre. Au bout de quarante ans, comment la personne mise en cause qui est innocente prouvera-t-elle son innocence ? Avec une décision de relaxe ou d’acquittement au bénéfice du doute, elle souffrira du même opprobre. L’imprescriptibilité nous condamne à prendre le risque d’injustices majeures.

Est-il besoin que je cite un nombre de procès très importants et récents dans lesquels nous nous sommes aperçus que les témoignages, les preuves insuffisamment convaincantes peuvent amener des drames ?

Il a été très bien dit tout à l’heure qu’en plus nous ne servirions pas l’intérêt de la victime, à laquelle nous pourrions causer une autre blessure dont, compte tenu du temps, elle souffrira cette fois à perpétuité.

Au-delà du risque d’erreur judiciaire, l’imprescriptibilité nous expose enfin à l’incompréhension qui sera suscitée dans le public par une décision qui, du point de vue de la peine, ne pourra pas ignorer le temps passé. Au bout de quarante ans, c’est un homme de cinquante ans qui sera jugé pour des faits qu’il a commis à seize ou dix-sept ans, et il faudra le juger comme un adolescent.

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