Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Article additionnel après l'article 3

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Cet amendement vise à mettre un terme à une situation qui a semblé insupportable aussi bien à de nombreux parlementaires qu’à la société, je veux parler des discussions que l’on entend parfois dans les tribunaux quelle que soit leur nature, qu’il s’agisse de tribunaux correctionnels ou plus encore de cours d’assises, sur la possibilité qu’un enfant de onze ou douze ans ait été consentant à une relation sexuelle avec un majeur.

Ce débat sur l’éventuel consentement d’un enfant à une relation sexuelle avec un majeur n’est pas tolérable, n’est plus tolérable ! Pourtant, il suffit de regarder ce qui se passe dans les cours d’assises : l’argument le plus souvent utilisé par la défense consiste à expliquer que la jeune fille ou le jeune garçon – on parle de filles en matière de violences sexuelles, mais les garçons sont aussi concernés – a en fait manifesté son consentement. Notre amendement vise à faire en sorte que, en dessous de treize ans, il n’y ait pas de consentement possible ni même de discussion possible sur un tel consentement.

Que dire maintenant à propos de l’éventuelle inconstitutionnalité de notre amendement ? Je ne connais qu’un juge de la constitutionnalité : il s’agit du Conseil constitutionnel, et non du Conseil d’État ! La seule façon de savoir si une disposition est conforme ou non à la Constitution est de la soumettre à l’examen du Conseil constitutionnel, ce qui implique que la mesure soit adoptée par le Parlement.

Laissez-moi vous raconter une petite anecdote : il y a un an, je défendais ici même la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse aux sites internet – on aurait pu parler de fake news. Tout le monde avait prédit que le texte serait censuré par le Conseil constitutionnel. Je me suis dit à l’époque qu’il fallait courir le risque. Or le texte n’a pas été censuré ! Il faut donc éviter de trop anticiper les décisions rendues par le juge constitutionnel.

Nous ne proposons pas de présomption irréfragable : c’est la relation sexuelle qui est constitutive de l’infraction. Bien entendu – s’il faut le préciser, on le fera –, l’auteur de l’infraction pourra toujours arguer du fait qu’il a été trompé sur l’âge de la victime. Cela peut arriver quand, par exemple, une jeune fille présente une fausse carte d’identité dans une boîte de nuit. Dans ce cas, évidemment, l’auteur a été trompé. Toutefois, c’est la seule hypothèse dans laquelle on ne qualifierait pas de viol une relation sexuelle entre un majeur et un mineur.

Cela étant, j’invite le Sénat à voter mon amendement, lequel parachèverait la proposition de loi dont nous discutons.

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