Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rôle et l’importance des collectivités territoriales dans le financement et le développement de la pratique sportive ne sont plus à prouver, les orateurs qui m’ont précédé l’ont très bien expliqué. Et les chiffres sont éloquents !
Le rôle dévolu aux collectivités pèse d’ailleurs tout particulièrement sur les communes, ce qui rappelle leur position privilégiée de proximité, notamment dans le cadre de l’activité sociale qu’est le sport. Ce rôle est cependant de plus en plus difficile à tenir, au vu, d’une part, de ressources à la baisse et, d’autre part, de la montée en charge des besoins. C’est vrai pour le sport, mais c’est vrai aussi pour d’autres activités.
Cela a déjà été dit, le Gouvernement ne pourra pas atteindre son objectif d’augmentation du nombre de pratiquants sportifs, 3 millions de personnes en plus d’ici aux jeux Olympiques de 2024, s’il continue à faire des économies sur le dos des collectivités et sur celui des associations, y compris des associations sportives. Cela est d’autant plus inquiétant que le sport amateur souffre bien plus que le sport professionnel, lequel bénéficie également de fonds publics.
La loi Bailly adoptée l’an dernier, et dont il faudra dresser un bilan précis, a tenté d’encadrer un certain nombre de pratiques. Le diptyque « mutualisation des dépenses-privatisation des profits » a tourné à plein régime via les partenariats public-privé, ces PPP mis en place pour faire sortir de terre… de véritables gouffres financiers pour les collectivités territoriales !
Permettez-moi de citer l’Allianz Riviera, à Nice, ou la MMArena, au Mans. Et même un stade comme le Groupama Stadium, à Lyon, a fait l’objet, au titre des infrastructures, d’un investissement public de 200 millions d’euros, dont les retombées pour la communauté nationale sont encore à prouver, d’autant que les sommes engagées pourraient être plus utiles dans d’autres chantiers à vocation sportive. Je pense tout particulièrement au sport amateur, exsangue aujourd’hui, car mis à mal par le désengagement de l’État. Et je ne parle pas de la non-compensation de la suppression de la réserve parlementaire, dont 10 millions d’euros allaient aux associations sportives !
L’importance des collectivités territoriales dans le dynamisme de la pratique sportive en France, avec toutes les vertus sociales, civiques, émancipatrices et économiques que cela comporte, c’est le premier constat que notre groupe partage avec les auteurs de la proposition de résolution.
Nous dressons un autre constat commun. Si la création de la CERFRES, en 2009, a permis d’amorcer un dialogue entre l’État, les collectivités territoriales et les fédérations sportives, il convient aujourd’hui de renforcer son rôle. En effet, les fédérations sportives nationales et internationales sont toujours décisionnaires, in fine, dans l’élaboration des normes.
Je le rappelle, ces dernières ont connu une inflation importante, avec 400 000 normes sportives, dont seulement un peu plus de 8 % sont des normes dites « AFNOR ». Une telle situation implique un coût important pour les collectivités propriétaires des installations et suscite des interrogations au sujet de sa légitimité.
Sans vouloir rogner les prérogatives des fédérations sportives, il faut tout de même rappeler que l’alignement décidé par la FFBB, la Fédération française de basket-ball, sur l’USAB, l’USA Basketball, a nécessité de modifier tous les parquets de basket du pays, pour un coût moyen unitaire de 20 000 euros. Voilà du concret ! L’exemple figure dans le rapport d’information sénatorial sur le sport professionnel et les collectivités territoriales.
De la même manière, et même si son périmètre sera plus restreint, la modification des règles de promotion/relégation décidée par la LFP, la Ligue de football professionnel, impliquera des coûts supplémentaires pour les communes concernées dans le cadre de l’organisation des matchs mais aussi de la maintenance des stades et des pelouses.
Venons-en au fond de la proposition de résolution. Comme je le disais à l’instant, le renforcement des rôles de la CERFRES recueille totalement notre assentiment. À ce titre, la question des « normes grises » devra faire l’objet d’un examen attentif.
Je suis toutefois un peu dubitatif sur le principe d’une participation financière des fédérations aux travaux de mise aux normes des équipements. En réalité, ce n’est pas le principe qui me pose problème, mais les conditions de sa mise en application.
Ma première interrogation concerne le rôle des ligues professionnelles dans le processus. Il ne s’agirait pas que les fédérations sportives se retrouvent à supporter le poids financier de normes édictées pour les ligues. Pour ne prendre qu’un exemple, ce sont ces dernières qui négocient les droits télévisés et font appliquer des normes à finalité commerciale et économique aux équipements, pour permettre la captation audio et vidéo des rencontres. Il s’agit d’un vrai questionnement.
Mon autre interrogation porte sur les mécanismes qu’une transcription législative de la résolution pourrait mettre en place, notamment pour s’assurer que le sport professionnel ne capte pas l’essentiel de la contribution financière des fédérations pour la normalisation des équipements.
J’en appelle donc à la vigilance s’agissant du volet « mutualisation et rationalisation » de la proposition de résolution. En effet, si je ne doute pas que certaines normes sont inadaptées et malvenues, je m’interroge sur la question des équipements, ou plutôt la nature de ces derniers.
Nos collègues le savent, les collectivités ont déjà lancé depuis plusieurs années des mutualisations en matière de gros équipements sportifs, notamment les patinoires et les piscines, dont les coûts de fonctionnement sont très importants pour les collectivités territoriales.
Cela permet justement de faire sortir de terre puis d’entretenir des équipements massifs, qu’une collectivité seule ne pourrait financer et « remplir » avec ses seuls administrés. Toutefois, je pense qu’il y a un point d’équilibre à trouver, surtout s’agissant des petits équipements, pour que chaque commune dispose des infrastructures nécessaires pour ses habitants, mais aussi pour ses écoles.
Concrètement, il ne faut pas que cette mutualisation conduise à une nouvelle raréfaction des équipements, ce qui serait préjudiciable à certaines disciplines, moins médiatisées que d’autres et faisant l’objet d’une moindre marchandisation, alors même que la problématique de l’accès au sport, pour lequel je connais votre attachement, madame la ministre, par le biais des associations sportives et l’éducation nationale, est centrale.
Mais mon temps est épuisé, et je dois terminer.
Mes chers collègues, malgré ces réserves, le groupe CRCE votera la proposition de résolution.