Intervention de Claude Kern

Réunion du 28 mars 2018 à 14h30
Normes réglementaires relatives aux équipements sportifs — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Claude KernClaude Kern :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je partirai d’un constat simple : trop de normes en matière sportive étouffent les élus locaux que nous avons été et que nous sommes encore, et deviennent la hantise des collectivités. Toutefois, la situation évolue et le travail visant à les rationaliser s’inscrit directement dans l’action, plus globale, de « chasse aux normes » appliquées aux collectivités territoriales que mène le Sénat, « lanceur d’alerte » en ce domaine depuis la XIIIe législature.

Il convient de saluer l’importante réflexion menée par plusieurs de nos collègues sur le sujet, dans un contexte d’érosion tendancielle des dotations versées par l’État aux collectivités. Le débat perdure et, pour revenir au sujet qui nous intéresse, les normes sportives, j’insisterai sur la qualité de l’ensemble des travaux, souvent menés en concertation au sein de notre Haute Assemblée.

Au-delà de l’image réductrice de « dépoussiérage » d’un corpus législatif et réglementaire pléthorique, résultat de la sédimentation d’une longue histoire juridique et d’une accumulation de textes foisonnants produits par de trop nombreux organismes, l’inflation normative et ses conséquences financières renvoient à une évolution sociétale induisant de nombreux facteurs de régulation.

C’est ainsi qu’en matière de pratiques et d’équipements sportifs les différents régimes juridiques mêlent normalisation, de type AFNOR, CEN ou ISO, et réglementation obligeant les collectivités à mettre en conformité les équipements avec les normes édictées par les fédérations sportives, qu’il s’agisse des dimensions du terrain, de l’éclairage, des vestiaires, des tribunes et que sais-je encore.

Je souhaite m’attarder sur la notion de « normes volontaires », au sens de normalisation, telle que définie par l’AFNOR, l’Agence française de normalisation, par le CEN, le Centre européen des normes, ou par l’ISO, l’International Organization for Standardization, des normes qui, non contraignantes, peuvent avant tout, si elles sont bien utilisées, être un outil de l’efficience législative et du choc de simplification.

Leur mode d’élaboration collectif leur confère un statut de règle de l’art tout à fait pertinent que nous nous devons d’exploiter, sans nous départir bien évidemment d’une certaine objectivité, dans la mesure où elles ne sont pas sans importance sur les obligations des collectivités.

Cet ajustement fait, l’action en faveur du contrôle des normes obligatoires relatives aux équipements sportifs des collectivités territoriales s’est améliorée, mais reste encore insuffisante. Ce contrôle est aujourd’hui devenu essentiel, car il n’est plus à démontrer l’impact négatif que le foisonnement normatif fait peser sur les collectivités en termes financiers, logistiques, voire en termes de responsabilité.

Quels sont les avantages à baisser les normes en matière de sport ?

L’avantage est d’abord logistique. Il devient ainsi nécessaire de clarifier et d’harmoniser l’enchevêtrement de normes complexes produites par des organismes trop nombreux et souvent peu coordonnés.

Très clairement, l’élu local doit aujourd’hui faire face à une pression normative sur laquelle il n’a que peu de prise, à savoir la norme générale, produite par l’exécutif ou le législateur, les normes réglementaires, produites, elles, par les fédérations sportives délégataires incluant exigence de pratiques sportives et recommandations d’ordre commercial non obligatoires, et les normes d’homologation.

Il est urgent de procéder à une rationalisation des normes, afin que celles-ci soient non plus additionnelles mais complémentaires et cessent de peser aussi lourdement sur le budget des collectivités territoriales.

L’avantage est également économique. N’oublions pas que les collectivités jouent un rôle déterminant dans la pratique du sport en France, puisqu’elles sont à la fois les principaux financeurs du milieu sportif et les plus grandes pourvoyeuses d’équipements sportifs. Or, eu égard au contexte budgétaire plus que contraint que nous connaissons aujourd’hui, nous ne pouvons faire l’économie d’un travail méticuleux de réduction des normes.

À ce titre, les projections de l’ANDES sont édifiantes : les économies potentiellement réalisées grâce aux actions entreprises sur seulement quatre règlements fédéraux et une norme sanitaire sont ainsi estimées entre 300 millions d’euros et un milliard d’euros !

Nous le savons tous, c’est bien le rapport financier qui compte à la fin. Or, aujourd’hui, celui qui décide n’est pas celui qui paye. C’est cela qu’il faut changer !

Bien évidemment, l’intensité du débat sur le poids financier des normes ne doit pas occulter la question fondamentale du bien-fondé des règles de sécurité.

J’en viens maintenant aux nécessaires améliorations à apporter dans ce domaine aux fins de pragmatisme et de rationalisation. Ainsi, pour les raisons que je viens d’énoncer, nous nous félicitons que les collectivités soient effectivement représentées au sein de la CERFRES et puissent ainsi faire légitimement entendre leur voix pour l’élaboration des réglementations édictées par les fédérations sportives.

Il faut cependant aller plus loin : des progrès restent à faire. Je n’énumérerai pas l’ensemble des propositions du texte en termes d’adaptabilité et de proportionnalité, mais j’insisterai sur certains points.

Il convient, en premier lieu, de renforcer la légitimité ainsi que l’importance de la CERFRES auprès des fédérations sportives, en rendant ses avis obligatoires et non plus consultatifs.

Il faut également lui laisser le temps nécessaire pour examiner les projets de règlement qui lui sont soumis et mener une analyse pertinente.

Il serait par ailleurs souhaitable que la CERFRES puisse être saisie de l’examen des projets des ligues professionnelles, qu’un système d’évaluation des normes a posteriori soit mis en place et que, plus généralement, l’ensemble des dispositions des fédérations et ligues présentant des conséquences financières et logistiques importantes pour les collectivités soient examinées par la commission.

Enfin, un constat s’impose : la CERFRES a très peu saisi le CNEN, le Conseil national d’évaluation des normes, pour faire entendre sa décision à une fédération qui irait à l’encontre de son avis. Faisons-en sorte qu’une telle possibilité devienne un réflexe.

Pour conclure, je forme le vœu que les mesures pratiques de simplification et de rationalisation préconisées par les auteurs de la proposition de résolution inspirent l’action du Gouvernement.

Gageons que notre volonté de pragmatisme – nous souhaitons que les normes édictées soient pertinentes pour la pratique du sport sans représenter une contrainte financière trop lourde pour les collectivités – trouvera un écho favorable auprès de vous, madame la ministre.

Enfin, je tiens à remercier et à féliciter les auteurs de cette proposition de résolution, nos collègues Dominique de Legge, Michel Savin et Christian Manable, pour l’excellent travail réalisé.

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