N’ayant pas eu le temps, tout à l’heure, d’achever la présentation des neuf propositions contenues dans cette proposition de résolution, j’en reviens à la quatrième.
Il nous paraît indispensable de réfléchir à la création de groupes de travail qui associeraient en amont la CERFRES et les fabricants d’équipements sportifs, afin de bénéficier de leur expertise. C’est d’ailleurs, je dois le dire, une demande forte de la part de ces derniers, car ils sont prêts à jouer le jeu de la mutualisation et de la polyvalence des équipements sportifs.
Cinquième proposition : selon nous, la CERFRES devrait pouvoir se saisir des « normes grises », à mi-chemin entre la norme obligatoire et la norme non obligatoire. Je pense, par exemple, à tous les labels d’ordre commercial des ligues professionnelles, qu’il s’agirait ainsi de mieux réguler.
Sixième proposition : la CERFRES devrait se voir reconnaître un pouvoir d’avis dès lors qu’une décision relative à la compétition a une conséquence directe sur l’exploitation d’un équipement.
Septième proposition : ses compétences d’évaluation mériteraient d’être consolidées, par exemple via la mise en place d’une révision régulière des normes tenant compte de l’expérience des collectivités territoriales.
Huitième proposition : nous appelons la CERFRES à réactiver la procédure existante de saisine du CNEN, afin que celui-ci puisse examiner tout projet de texte relatif à une norme fédérale avant que la commission rende son avis définitif. Cette faculté est aujourd’hui largement inutilisée, alors même que le CNEN plaide pour une meilleure articulation et un échange plus régulier entre ces instances.
Neuvième proposition, enfin : nous voudrions inciter la CERFRES à s’autosaisir, à la demande d’une collectivité territoriale, d’un problème rencontré concernant une norme fédérale.
Dans la deuxième partie de mon intervention, je voudrais évoquer les « sept péchés capitaux normatifs » des fédérations sportives.
Pour ce faire, je m’inspire de quelques exemples concrets issus des travaux et du rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative conduite par MM. Boulard et Lambert en 2013-2014. Et vous allez voir, madame la ministre, mes chers collègues, que nous sommes parfois en plein royaume d’Ubu !
Premier péché capital : les coûts élevés.
Les coûts des équipements exigés par les fédérations et les ligues vont de plusieurs dizaines de millions d’euros, pour les stades de football de Ligue 1, à des sommes certes plus modestes, mais qui impactent néanmoins les budgets locaux.
Par exemple, la modification des tracés des terrains de basket-ball en fonction du niveau de jeu, qui était à réaliser avant 2015, a coûté 30 000 euros à la ville de Caen au titre de son palais des sports, sachant, comme le précise la ville, qu’il reste vingt-cinq gymnases à traiter sur le territoire communal.
Au Havre également, les changements des réglementations de la FFBB, la Fédération française de basket-ball, sont à l’origine des coûts importants. Un exemple : la modification des tableaux de score. La ville du Havre a été contrainte de remplacer lesdits tableaux lorsque les adaptations n’étaient pas possibles. Coût de l’opération pour la ville : 25 000 euros. Les modifications sur les tracés du jeu, quant à elles, ont touché quinze salles. Coût de l’opération : 15 000 euros.
Autre exemple : lors du passage d’une équipe de hockey sur glace en D2, la Fédération française impose d’augmenter le nombre de portes de piste – quatre portes de piste n’étaient pas suffisantes. Deux portes ont ainsi dû être ajoutées à Lille Métropole, en remplacement de panneaux de rambarde, pour un coût de 3 000 euros hors taxe.
Deuxième péché capital : l’instabilité normative.
Les fédérations ne cessent de perfectionner leurs normes, les modifiant sans s’interroger sur les conséquences de ces modifications sur les équipements existants.
En basket-ball, par exemple, la ligne des 3 points passe à 6, 75 mètres, contre 6, 25 mètres actuellement. Elle se rapproche ainsi de la ligne de la NBA, située à 7, 23 mètres. La mise aux normes entraîne un coût compris entre 2 000 et 10 000 euros suivant les équipements – parquet, sol souple, etc. – et n’apporte pas la preuve d’une légitimité indéniable : il n’y a toujours pas d’uniformité mondiale – les tracés diffèrent selon les ligues et selon les pays. Cela signifie-t-il qu’un nouveau changement sera obligatoire dans le futur ?
Troisième péché capital : l’« aristocratie » normative.
Dans le monde des fédérations, l’aristocratie ne se manifeste pas par l’affichage de quartiers de noblesse, mais par la qualité des locaux d’accueil, qui varie selon les niveaux de jeu. Il en est ainsi de la taille des vestiaires réservés aux arbitres, qui augmente en fonction du classement sportif.
Malgré un investissement de 1 million d’euros pour la réalisation d’un terrain de football en revêtement synthétique dans son complexe sportif Maurice-Fouque, la ville de Caen voit ce même terrain déclassé par la Fédération française de football de la catégorie 4 à la catégorie 5, en raison de la dimension des vestiaires des arbitres. Si la ville n’avait pas réalisé de travaux sur l’aire de jeu et l’éclairage, le terrain serait resté en catégorie 4 jusqu’en 2020. Ce déclassement engendre pour elle une perte de 20 000 euros de subventions du FAFA, le Fonds d’aide au football amateur.
En handball, pour les compétitions de niveau « championnat de France », il est nécessaire de disposer d’un local antidopage, de quatre vestiaires et de deux vestiaires « arbitres » – 1 500 euros d’amende par match sont prévus si la salle n’est pas conforme.
Autre péché capital : l’obscurité des normes lumineuses, les fameux lux mesurés au sol. Les valeurs de référence vont de 200 à 500 lux selon les terrains de football, mais s’élèvent à 1 500 lux pour la télévision, qui fait en quelque sorte monter les enchères. Si cette dernière valeur n’est pas atteinte, la télévision ne retransmet pas le match. Les puissances exigées sont donc déniées, sans prise en compte des préoccupations d’économie d’énergie et de développement durable. Il en est de même des obligations de chauffage des pelouses en cas de gel.
Les normes fixent l’éclairement, mesuré sur un plan horizontal, à un niveau compris entre 200 et 500 lux, selon la catégorie. En revanche, pour la télévision, cette norme ne fixe pas de niveau précis, mesuré sur un plan vertical, applicable au cas où il est nécessaire de filmer des actions au ralenti. La règle FFN fixe un minimum de 600 lux pour les virages et les départs – mesure horizontale –, mais recommande 1 500 lux pour la télévision, étant sous-entendu que cette dernière mesure est verticale. Il n’est donc pas simple de définir le niveau d’éclairement à prescrire pour un équipement de haut niveau – telle est la difficulté qu’a rencontrée Lille Métropole.
Autre exemple relatif à l’éclairage des terrains de football – c’est l’article 1.1.1 du règlement de l’éclairage des terrains et installations sportives : la mesure de l’éclairage se fait par l’intermédiaire de points disposés sur l’aire de jeux ; or ces zones doivent être plus ou moins éclairées suivant le classement de l’équipement.
Cette réglementation engendre une augmentation de la puissance électrique exigée. Le dispositif technique est difficile à installer lorsque la structure de base ne comporte pas de mâts assez grands ou le câblage nécessaire ; en cas d’accession à une compétition nationale, aucune dérogation ne peut pourtant être accordée. Dans ce cas, le club doit chercher un nouveau stade.
Toujours au chapitre des péchés capitaux, j’en viens aux incompatibilités normatives.
L’absence de toute forme d’harmonisation entre les normes émises par les différentes fédérations rend très difficile l’usage polyvalent d’un même équipement.
Ainsi, le basket-ball, le handball et le volley-ball ont des exigences différentes et souvent incompatibles, mais le summum du ridicule, nous l’avons rencontré, lors de notre enquête, lorsque, dans une même salle où l’on pratique le badminton, le volley-ball et le tennis, nous avons constaté que les normes en vigueur exigeaient la présence de chaises d’arbitre de trois hauteurs différentes ! Ou bien on réduit la taille des arbitres, ou bien on trouve une solution technique pour créer une chaise adaptable !