Intervention de Mireille Jouve

Réunion du 28 mars 2018 à 14h30
Normes réglementaires relatives aux équipements sportifs — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Mireille JouveMireille Jouve :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui est soumis ce jour à l’approbation de notre Haute Assemblée résulte du travail conjoint de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de la commission de la culture. Il illustre bien la façon dont le Sénat peut œuvrer, au service de nos territoires, dépassant les clivages partisans.

Le Sénat s’est saisi du champ de la simplification des normes applicables aux collectivités, remplissant ainsi la fonction que lui assigne le quatrième alinéa de l’article 24 de notre Constitution.

La présente proposition de résolution porte spécifiquement sur les normes applicables en matière de pratique et d’équipements sportifs.

Celles et ceux d’entre nous qui ont été maire ou adjoint aux sports ont immanquablement été confrontés à cet enchevêtrement réglementaire, à son instabilité, à ses paradoxes voire à ses contradictions, qu’il s’agisse des mesures de sécurité, d’accessibilité, de respect de l’environnement ou de l’ensemble des règles encadrant une discipline et ses compétitions.

Certains exemples quasi kafkaïens pourraient prêter à sourire – je pense aux règles applicables à la vidange des piscines ou aux nouveaux tracés des terrains de basket-ball, évoqués tout à l’heure – s’ils n’avaient un coût non négligeable pour nos collectivités, et donc pour nos concitoyens.

Ce coût, l’ANDES l’évalue à 6 milliards d’euros sur la période 2008-2014.

Comme le souligne l’exposé des motifs, les normes émanent certes de l’exécutif et du législateur, mais sont aussi le fait des fédérations sportives délégataires.

Nos anciens collègues Alain Lambert et Jean-Claude Boulard avaient déjà pointé, il y a cinq ans, dans leur premier rapport, « les sept péchés normatifs des fédérations sportives ».

Ils qualifiaient de « dangereuse » la distinction entre le pouvoir normatif des fédérations et l’obligation de payer des collectivités territoriales.

Il pourrait donc être légitime de réfléchir à des aménagements de ce pouvoir normatif accordé aux fédérations sportives, portant sur les aires de jeu, mais également sur les espaces dédiés aux sportifs.

Aujourd’hui, il est vrai que les collectivités ont peu de prise sur la réglementation applicable à l’immense majorité des 330 000 équipements, espaces et sites dont elles sont pourtant propriétaires.

En outre, si le pouvoir réglementaire des fédérations ne concerne pas les demandes d’ordre commercial, il n’est pas rare que les ligues professionnelles édictent des prescriptions qui débordent du cadre prévu par la loi : ce sont les fameuses « normes grises ». Il faut aussi, à cet égard, souligner le rôle et les demandes des diffuseurs.

Il existe enfin une troisième source réglementaire : les normes d’homologation, par exemple celles de l’AFNOR, l’Association française de normalisation.

Sans remettre en cause leur bien-fondé, nous constatons que ces dernières sont souvent considérées par le juge comme des normes impératives, ce qui peut être de nature, en cas d’accident, à engager la responsabilité pénale des élus et des collectivités.

Or nous savons – et la consultation récemment menée par la délégation aux collectivités territoriales sur le statut de l’élu nous le confirme – que la question de la responsabilité des élus est un motif d’inquiétude, voire un frein à l’engagement municipal.

Compte tenu des contraintes toujours plus lourdes qui pèsent sur nos collectivités, les auteurs de ce texte appellent donc de leurs vœux une évolution du cadre existant.

Cette évolution passerait, tout d’abord, par un renforcement des prérogatives de la CERFRES. Depuis sa création, en 2009, cette instance collégiale réunissant État, collectivités et mouvement sportif a conduit un travail minutieux contre la surinflation normative. Cette dynamique doit être encouragée et approfondie, en allongeant les délais de consultation, ou en permettant à la CERFRES de s’autosaisir. La composition de la commission pourrait aussi être revue pour mieux prendre en compte le monde rural et les intercommunalités.

Par ailleurs, une meilleure articulation avec les travaux conduits par le CNEN, telle qu’évoquée dans la proposition de résolution, ne pourrait être que bénéfique.

La production normative des fédérations sportives doit également évoluer. En la matière, les auteurs de la proposition de résolution développent deux exigences, de proportionnalité et d’adaptabilité, qui sont empreintes de bon sens. Doit-on avoir les mêmes exigences pour un championnat régional et pour une compétition internationale ? Évidemment, non ! Doit-on encourager le multiusage des équipements par une harmonisation des normes ? À l’évidence, oui.

Enfin, le texte – c’est une de ses principales innovations – propose d’associer les fédérations sportives au financement de certaines modifications induites par les changements réglementaires qu’elles imposent, selon le principe du « prescripteur-payeur ».

L’aggravation des contraintes qui pèsent sur nos collectivités appelle l’intervention du législateur et de l’exécutif.

Souvenez-vous, madame la ministre, mes chers collègues, le précédent quinquennat avait vu la mise en œuvre du « choc de simplification », avec des avancées en définitive bien réelles, mais largement insuffisantes. L’actuel gouvernement a lancé son propre plan, comme en témoigne la règle du « deux pour un » ou le programme Action publique 2022.

Je relève néanmoins un aveu, fait par Alain Lambert lors de son audition, à la mi-janvier, par la délégation aux collectivités territoriales. Il soulignait une « volonté politique sincère », mais redoutait « un sentiment de l’administration centrale considérant que le système ne fonctionne “ pas si mal ”, et qu’il semble inopportun de changer un système assez équilibré ».

Dans ce contexte, la présente proposition de résolution est donc opportune et utile, car elle se fait l’écho des difficultés rencontrées dans nos villes et dans nos villages. L’ensemble du groupe du RDSE y souscrit pleinement.

Nous invitons désormais le Gouvernement à s’emparer de ces travaux pour, à son tour, permettre une évolution des pratiques et de la réglementation en vigueur.

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