Intervention de Elisabeth Borne

Réunion du 28 mars 2018 à 21h30
Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Elisabeth Borne :

Aussi, le Président de la République et le Gouvernement portent un projet ambitieux pour notre système ferroviaire français : cette réforme globale doit construire les bases durables d’un meilleur service public ferroviaire ; en d’autres termes, l’objectif est d’avoir un meilleur service public, au meilleur coût, pour les voyageurs et les contribuables.

Concrètement, cela veut dire : pour les voyageurs, des trains plus ponctuels, plus de trains là où il y en a besoin, avec plus de services, et en toute sécurité ; pour la SNCF, un modèle économique enfin équilibré, une entreprise publique plus forte, avec tous les atouts pour faire face à la concurrence ; pour les cheminots, une vision claire de l’avenir, avec des métiers attractifs et une reconnaissance de leur rôle ; pour les contribuables, la garantie que chaque euro pour le service public ferroviaire est dépensé efficacement.

Afin d’y parvenir, nous devons mener une réforme cohérente, articulée sur deux engagements forts de l’État. Le premier, celui d’investir plus qu’il ne l’a jamais fait pour le ferroviaire : 36 milliards d’euros dans les dix prochaines années pour les infrastructures, soit 50 % de plus que sur la dernière décennie. Le second, celui de donner un nouveau cadre au ferroviaire, pour une ouverture à la concurrence réussie et stimulante pour la SNCF. En cela, la question de la transformation en société nationale à capitaux publics ne doit pas être un tabou. Je m’engage de nouveau solennellement sur ce sujet devant la Haute Assemblée : la SNCF est une entreprise publique, et elle le restera.

Dans le même temps, la SNCF doit conduire sa réforme, au travers d’un nouveau projet d’entreprise, pour mieux répondre aux attentes de ses clients voyageurs et fret, en proposant un cadre social motivant pour les cheminots. Et c’est bien parce qu’elle doit avoir toute sa part dans notre nouvelle politique de mobilité qu’il est nécessaire de refonder la SNCF sur des bases modernes, agiles, unifiées, afin de préparer l’entreprise publique à relever ces nouveaux défis.

Je veux dès maintenant le préciser : accompagner la SNCF dans le XXIe siècle, c’est également pour moi la conforter dans son rôle fondateur, au service de l’aménagement durable des territoires. Vous l’aurez compris, il n’est donc pas question de supprimer, comme j’ai pu l’entendre ici ou là, les lignes de maillage et d’intérêt local, improprement appelées « petites lignes ». Il s’agira, au contraire, de faire en sorte que ces lignes puissent retrouver leur attrait et soient en mesure de répondre aux besoins.

De même, le modèle d’un TGV assurant une desserte des villes moyennes au-delà des lignes à grande vitesse doit être conforté par la réforme. Là encore, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux être claire : personne ne remet en cause ce modèle. Nous pourrons débattre de la méthode retenue dans la proposition de loi et des alternatives possibles.

Dans le cadre de cette réforme, la question de l’ouverture à la concurrence est naturellement essentielle. La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner la soulève avec une juste acuité.

Je voudrais saluer la qualité des travaux engagés de longue date par votre Haute Assemblée sur cette question, par votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, son président, son rapporteur et votre ancien collègue Louis Nègre. Effectivement, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui rejoint, sur certains points, les thèmes que le Gouvernement entend traiter dans le projet de loi pour un « nouveau pacte ferroviaire ».

Pour autant, vous le savez, la concurrence n’est qu’un des éléments du projet présenté le 26 février dernier par le Premier ministre.

Parce qu’elle repose sur une volonté forte, celle de répondre aux besoins de nos concitoyens et de nos entreprises, parce qu’elle ne refuse pas de prendre à bras-le-corps les difficultés que rencontre notre système ferroviaire, parce qu’elle entend répondre aux inquiétudes exprimées par les cheminots, vous l’aurez compris, l’ambition du Gouvernement de remettre sur pied notre système ferroviaire ne se réduit pas à l’ouverture à la concurrence.

Le pacte ferroviaire porté par le Gouvernement se place dans une vision plus large des mobilités au service du pays. Il s’inspire de la richesse des échanges des Assises nationales de la mobilité et de la rigueur des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures. Il s’inscrit dans une démarche globale permettant, trente-six ans après la loi d’orientation sur les transports intérieurs, de redéfinir l’ensemble des outils de notre politique de transport. Je pense, par exemple, à la constitution d’autorités organisatrices dans les territoires qui en sont actuellement dépourvus, à la création de leviers pour encourager toutes les initiatives pertinentes et efficaces permettant de proposer des solutions de mobilité ou à la programmation sincère de nos investissements en termes d’infrastructures.

J’en viens à la méthode choisie par le Gouvernement. Elle a, je le sais, suscité des interrogations auxquelles l’inscription de cette proposition de loi me donne opportunément l’occasion de répondre.

Le projet de loi que je porte n’entame pas le temps du dialogue social, bien au contraire. J’ai engagé un processus de concertation et de négociation avec l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des organisations syndicales, bien sûr, mais également des représentants des usagers, des entreprises ou encore des collectivités concernées.

Cette réforme suscite, vous le savez, de légitimes interrogations chez les cheminots. C’est dans la concertation et par le dialogue que nous pourrons y répondre.

J’ai démarré cette concertation voilà quatre semaines. Nous avons déjà tenu plus de quarante réunions, près de soixante-dix sont d’ores et déjà prévues, et elles sont indispensables.

Le projet de loi que je porte n’entame pas non plus le temps du débat parlementaire. Comme je m’y suis engagée, il sera enrichi des concertations en cours afin qu’elles puissent être débattues et votées au Parlement. À cet effet, chaque fois que nous aurons suffisamment avancé dans la concertation, nous introduirons, par voie d’amendement, les dispositions correspondantes à la place des ordonnances.

Le Parlement ne sera pas privé d’un débat de fond, au fond ou plutôt à la hauteur des enjeux de cette réforme. La richesse des échanges que nous aurons ce soir, qui se poursuivront demain et dans les prochains jours sur le projet de loi que je vous présenterai, en portera témoignage.

Alors que les discussions avec les organisations syndicales et patronales ne sont pas encore terminées – je suis convaincue de votre attachement au dialogue social –, vous comprendrez que le Gouvernement ne puisse se prononcer aujourd’hui sur l’ensemble de cette proposition de loi. Cela étant, je ne doute pas que plusieurs dispositions de la présente proposition de loi viendront enrichir le texte que je porterai au cours de la navette.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la SNCF a quatre-vingts ans cette année. Vous êtes, comme chaque Français et comme moi-même, attachés à cette belle entreprise qui fait partie de notre patrimoine national ; un patrimoine vivant de l’engagement quotidien des femmes et des hommes qui y travaillent avec passion : les cheminots. Cet héritage commun, ce bien public, je souhaite non seulement le préserver, mais également le conforter, pour répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens et des territoires. C’est mon ambition et, je n’en doute pas, c’est aussi la vôtre.

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