Séance en hémicycle du 28 mars 2018 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, présentée par MM. Hervé Maurey et Louis Nègre (proposition n° 711 [2016-2017], texte de la commission n° 370, rapport n° 369).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le quatrième paquet ferroviaire, adopté en décembre 2016, a fixé des échéances très claires pour l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs : le 3 décembre 2019 pour les services conventionnés, TER et TET ; le 14 décembre 2020 pour les services librement organisés, c’est-à-dire les TGV, avec une obligation de transposition de la directive d’ici au 25 décembre 2018.

Les échéances sont donc proches et l’expérience de la libéralisation du fret ferroviaire nous montre qu’il faut anticiper cette réforme le plus en amont possible.

C’est pour cela, mais aussi parce que nous pensons, Louis Nègre et moi-même, que l’ouverture à la concurrence peut et doit être une chance pour le secteur ferroviaire en général, la SNCF en particulier et surtout pour les usagers, que nous avons décidé de travailler à la rédaction d’une proposition de loi dès le début de l’année 2017. Qu’il me soit, à ce stade, permis de saluer le travail et l’engagement constant sur cette question de notre ancien collègue Louis Nègre, qui aime rappeler que l’on parle depuis 1991 de la libéralisation du transport ferroviaire, et qu’il est donc grand temps de passer de la parole aux actes.

Nous savions que l’ancien gouvernement ne se saisirait pas de ce dossier avant les échéances électorales et nous nous doutions que le gouvernement issu des élections du printemps aurait certainement d’autres urgences. Nous avons donc préparé cette proposition de loi en travaillant avec l’ensemble des parties prenantes : syndicats, usagers, régions, ARAFER, groupe public ferroviaire, nouveaux entrants et, bien sûr, ministères.

Dès votre nomination, madame la ministre, nous vous avons fait part de notre initiative, en vous indiquant que notre démarche visait non pas à gêner le Gouvernement, encore moins à le court-circuiter, mais, au contraire, à mettre à sa disposition notre travail, pour qu’il s’en saisisse le plus rapidement possible. Nous n’avons d’ailleurs pas manqué de vous alerter sur la nécessité de légiférer rapidement, pour définir les modalités de cette réforme d’ampleur.

Nous avons déposé notre texte le 6 septembre 2017 et nous vous l’avons présenté dans l’esprit de coconstruction qui était le nôtre. À votre demande, j’ai accepté de renoncer à l’inscription de ce texte à l’ordre du jour en janvier, comme cela était prévu, car vous souhaitiez attendre les conclusions de la mission de M. Spinetta. J’ai accédé à votre souhait, car vous m’aviez assuré que cette proposition de loi serait le véhicule législatif soutenu par le Gouvernement pour mener à bien sa réforme.

Profitant de ce délai supplémentaire pour conforter la qualité juridique du texte, le président du Sénat a saisi le Conseil d’État, comme la Constitution le lui permet depuis 2008. Celui-ci a rendu son avis le 22 février dernier. Je tiens à souligner le caractère tout à fait exceptionnel de cette démarche, puisque seules quatre propositions de loi d’initiative sénatoriale avaient été précédemment soumises au Conseil d’État.

Quelle ne fut donc pas notre surprise d’apprendre que le Gouvernement décidait finalement de procéder à la réforme du système ferroviaire par ordonnances ! Comment ne pas y voir un mépris absolu du travail du Sénat, du Parlement dans son ensemble et, au-delà, de nos compatriotes, car, sur un tel sujet, un vrai débat s’impose ?

La raison invoquée par le Gouvernement est qu’il faut aller vite. Tout à fait d’accord, mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de lancer les concertations ? Vous saviez, madame la ministre, que ces échéances existaient ; Louis Nègre et moi-même vous les avions rappelées à plusieurs reprises. Le Gouvernement a préféré prendre son temps, pour ne pas dire le perdre.

Aujourd’hui, la concertation avec les syndicats est une priorité, mais pourquoi, au nom de cette concertation, refuser le débat avec le Parlement ? Le Gouvernement ne serait-il pas plus fort s’il pouvait s’appuyer sur un soutien du Parlement ?

J’observe d’ailleurs avec étonnement que vous avez, depuis l’origine, voulu éluder le débat sur le sujet. Le transport ferroviaire a été écarté des Assises nationales de la mobilité, au motif qu’un expert aux compétences reconnues dans le secteur aérien allait nous expliquer comment sauver le secteur ferroviaire. L’avenir du système ferroviaire concerne tout de même, vous le savez mieux que quiconque, 3, 2 millions de voyageurs par jour. Pourquoi avoir sacrifié le nécessaire débat, dans l’attente des oracles de M. Spinetta, devenu, en quelque sorte, le « gourou » du ferroviaire ?

Aujourd’hui, pour justifier les ordonnances, vous invoquez, après avoir perdu beaucoup de temps, la nécessité d’aller vite. Mais savez-vous, madame la ministre, qu’il faut en moyenne six mois pour examiner un projet de loi en procédure accélérée, alors que le délai moyen entre la demande d’habilitation par le Parlement et la signature de l’ordonnance est de dix-huit mois ? Ce n’est pas moi qui le dis, mais les statistiques qui l’attestent.

En l’espèce, nous avons, vous avez, une proposition de loi qui est prête, qui a été examinée par le Conseil d’État et qui, à la suite de cet avis du Conseil d’État, a été améliorée grâce au travail de notre rapporteur en commission. Vous avez donc, grâce à ce texte, la possibilité d’aller plus vite que par ordonnances, lesquelles, dans le meilleur des cas, ne seraient pas adoptées avant le mois de juin. En même temps, vous avez la possibilité de permettre un vrai débat parlementaire.

Madame la ministre, jamais une réforme d’une telle ampleur n’a été décidée par ordonnances, en demandant des habilitations aussi floues. Vous allez nous répondre qu’au fur et à mesure de l’examen de la loi d’habilitation vous introduirez des dispositions législatives définitives. Cette démarche pour le moins inédite, pour ne pas dire exotique, n’est pas de nature à nous rassurer, car les mesures que vous introduirez et qui porteront certainement sur des sujets majeurs n’auront pas été examinées préalablement par le Conseil d’État et ne le seront pas non plus, dans la mesure où il ne s’agira pas d’ordonnances, a posteriori.

Il y a également fort à parier que le Parlement sera, comme c’est souvent le cas, saisi tardivement et aura, de ce fait, peu de temps pour les examiner et mener les concertations nécessaires. L’expérience nous montre en effet que le Gouvernement nous saisit trop souvent au dernier moment de ses amendements, parfois même quelques heures avant l’ouverture de la séance.

Je voudrais, avant de conclure, évoquer deux points fondamentaux pour nous. Premièrement, l’ouverture à la concurrence doit se traduire non pas par une dégradation de la qualité du service offert aux clients, mais par une amélioration. Deuxièmement, l’ouverture à la concurrence ne doit pas se faire au détriment des territoires.

Nous sommes donc en désaccord total avec la position de M. Spinetta, préconisant de recentrer le ferroviaire sur « les dessertes à grande vitesse entre les principales métropoles françaises ». Cette position est en contradiction absolue avec le concept d’aménagement du territoire, auquel nous sommes particulièrement attachés. De même, nous ne sommes pas favorables à une ouverture à la concurrence des services TGV reposant exclusivement sur le libre accès au réseau, ce que l’on appelle l’open access, car elle aboutirait à la disparition de nombreuses liaisons, moins rentables ou déficitaires, mais pourtant indispensables à l’aménagement du territoire.

Nous voulons éviter un tel écrémage, du type de celui qui est opéré par les opérateurs de téléphonie, et préserver la desserte des villes moyennes par les services TGV. Par ce texte, nous proposons donc une mesure forte, pour répondre à la nécessité de préserver l’aménagement du territoire, en prévoyant que l’État, en tant qu’autorité organisatrice de transport, conclura des contrats de service public pour les services TGV, en combinant, dans un même contrat, services rentables et services non rentables, dès lors, bien sûr, que ce sera nécessaire. Nous aurons l’occasion d’en reparler au cours du débat.

Madame la ministre, vous l’avez compris, nous sommes favorables à une réforme ambitieuse du système ferroviaire et de la SNCF, ainsi qu’à son ouverture à la concurrence, mais pas dans ces conditions. Grâce à cette proposition de loi, le débat que le Gouvernement voulait nous refuser aura lieu. Je remercie chaleureusement tous les groupes du Sénat qui ont souhaité ou accepté son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée.

Nous ne sommes pas, sur ces travées, tous d’accord sur le texte que je présente ce soir.

Mme Éliane Assassi approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Mais nous avons tous la volonté que le débat ait lieu. Nous sommes tous attachés à sauver le système ferroviaire et la SNCF. Nous voulons tous éviter que cela se fasse au détriment de la qualité du service et de la desserte équilibrée de nos territoires. C’est là tout l’enjeu de ce débat. Ces points essentiels constituent le socle commun aux membres de notre Haute Assemblée, dont vous mesurerez ce soir, une fois encore, l’engagement sur ces sujets.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, rien ne sert de courir, il faut partir à point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Comme le président Maurey, je m’interroge : pourquoi avoir tant tardé à s’emparer du sujet de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs ? Ce retard nous oblige, à quelques mois de la date butoir fixée par l’Union européenne, à légiférer par voie d’ordonnances, contribuant à nous priver d’un débat pourtant indispensable.

L’ouverture à la concurrence est une obligation européenne. Nous pouvons la transformer en opportunité pour nos transports ferroviaires, qui ont perdu de leur attractivité ces dernières années. Depuis 2011, la fréquentation des trains recule, alors que celle des autres modes de transport – voiture particulière, avion, autocar – progresse. Cette évolution va à l’encontre du modèle que nous devrions défendre pour protéger l’environnement. Elle est à l’opposé de ce qui s’observe chez nos voisins européens, où la part modale du train progresse. Nombre d’entre eux n’ont d’ailleurs pas attendu le quatrième paquet ferroviaire pour ouvrir leurs services à la concurrence, avec des effets positifs sur la qualité de service, sur la fréquentation, sur la réduction des coûts, au profit, bien entendu, des usagers.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons, sur le fond, cette réforme, à la condition d’en définir correctement les modalités. Tel est l’objet de cette proposition de loi. Nous nous sommes d’ailleurs attachés, en commission, à clarifier et sécuriser plusieurs dispositions du texte sur le plan juridique, en prenant en compte les observations formulées par le Conseil d’État. C’était l’objectif de cette saisine.

Comme l’a indiqué le président Maurey, l’un des axes forts de la proposition de loi est de chercher à préserver les dessertes TGV considérées comme peu rentables ou même déficitaires, alors qu’une ouverture à la concurrence reposant exclusivement sur le libre accès au réseau prévu par l’Union européenne, l’open access, aboutirait à un écrémage des dessertes.

Aussi la proposition de loi prévoit-elle que l’État conclura des contrats de service public pour l’exploitation des services dits TGV, en combinant des liaisons rentables et des liaisons non rentables. Il s’agit, à ce jour, de la seule solution permettant de préserver de façon certaine des dessertes considérées comme non rentables dans le contexte de l’ouverture à la concurrence, sans rupture de charge pour les usagers. À l’inverse, un conventionnement des seules liaisons non rentables, notamment celles qui permettent de desservir les villes moyennes par des trains TGV, obligerait les usagers à changer de train pour commencer ou terminer leur trajet, ce qui réduirait d’autant l’attractivité du mode ferroviaire par rapport aux autres modes de transport.

L’objectif est non pas de couvrir tous les services TGV par des contrats de service public, mais de faire coexister, dans un système équilibré, des services librement organisés, en open access, et des services conventionnés, comprenant des services à grande vitesse. Il reviendra à l’État, en tant qu’autorité organisatrice, de prendre ses responsabilités dans ce domaine, en déterminant les dessertes qu’il souhaite préserver et en concluant les contrats de service public correspondants.

Les autres dispositifs de la proposition de loi visent à lever les obstacles à une ouverture effective à la concurrence.

Le premier sujet, primordial, est la question des données, car les autorités organisatrices ne parviennent pas, aujourd’hui, à obtenir de l’opérateur historique les informations dont elles ont besoin pour exercer leurs missions.

Pour y remédier, l’article 7 crée un dispositif contraignant, imposant à SNCF Mobilités et SNCF Réseau de transmettre aux autorités organisatrices les informations indispensables à l’exercice de leur mission, dispositif assorti d’une possibilité de sanction par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, en cas de manquement. Les autorités organisatrices devront, quant à elles, fournir aux candidats aux appels d’offres les informations nécessaires à la préparation de leur candidature, comme le prévoit l’article 2. Dans les deux cas, un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’ARAFER, déterminera un socle minimal d’informations à transmettre pour fixer un cadre homogène et éviter que des contestations ne bloquent la transmission de ces données.

Le deuxième sujet, c’est celui du transfert de personnels entre entreprises ferroviaires.

L’article 8 de la proposition de loi fixe, de manière précise et détaillée, le régime applicable au transfert des salariés, ce qui lui confère une garantie juridique forte et limite les incertitudes qui résulteraient d’un dispositif trop flou. Ce dernier laisserait des marges d’interprétation et, donc, des possibilités de contentieux au moment du transfert. L’article prévoit que le périmètre des salariés à transférer est arrêté par les autorités organisatrices de transport et communiqué aux opérateurs souhaitant candidater aux appels d’offres. Le transfert s’effectuera prioritairement sur la base du volontariat, puis sur décision de l’entreprise ferroviaire sortante si le nombre de volontaires est inférieur au périmètre arrêté par les autorités organisatrices.

L’article 8 détermine ensuite le socle de droits sociaux garantis aux salariés de SNCF Mobilités transférés, ce que l’on appelle parfois le « sac à dos social » : l’ensemble des salariés conserveront un niveau de rémunération identique à celui qui aura été perçu lors des douze derniers mois précédant le transfert, ainsi que le bénéfice des facilités de circulation ; en outre, les salariés sous statut garderont leur affiliation au régime spécial de retraite de la SNCF et les droits à pension qui en découlent, ainsi que la garantie de l’emploi. À l’issue d’un premier transfert, les salariés qui seraient amenés à rejoindre de nouveau SNCF Mobilités pourront réintégrer le statut s’ils en bénéficiaient initialement. S’ils sont transférés à un nouvel opérateur, leurs droits garantis seront maintenus.

En ce qui concerne les matériels roulants, les autorités organisatrices seront libres de déterminer l’option la plus adaptée : elles pourront avoir recours à une société de location, demander aux entreprises d’apporter leurs propres matériels, ou récupérer la propriété des matériels de SNCF Mobilités pour les mettre à la disposition de l’entreprise remportant le marché. De la même façon, en vue de faciliter l’accès des entreprises ferroviaires aux ateliers de maintenance, les autorités organisatrices pourront en récupérer la propriété.

Pour ce qui est des gares, l’ouverture à la concurrence impose de séparer le gestionnaire des gares de l’opérateur historique de transport, SNCF Mobilités, afin de garantir aux entreprises ferroviaires un accès transparent et non discriminatoire aux gares de voyageurs. À cette fin, l’article 11 prévoit la transformation, au 1er janvier 2020, de Gares & Connexions en société anonyme à capitaux publics, filiale de l’établissement public « de tête » SNCF.

Le capital social de Gares & Connexions pourra être ouvert à d’autres investisseurs, afin de contribuer au développement et à la modernisation des gares, l’État devant, en tout état de cause, demeurer l’actionnaire majoritaire. L’État conclura avec Gares & Connexions un contrat pluriannuel fixant des objectifs de gestion des gares, notamment en matière de trajectoire financière, de qualité de service et d’aménagement du territoire. Afin d’assurer l’indépendance des dirigeants de Gares & Connexions à l’égard des entreprises ferroviaires, plusieurs garanties sont prévues, sur le modèle de ce qui existe actuellement pour SNCF Réseau.

Enfin, pour faciliter l’information aux voyageurs et la vente des billets dans le contexte de l’apparition de nouveaux opérateurs, l’État pourra imposer aux entreprises ferroviaires de participer à un système commun d’information des voyageurs et de vente des billets.

Pour conclure, je veux me réjouir que nous puissions, ici, au Sénat, avoir un débat sur un sujet aussi important, qui a des impacts, on l’a vu, sur les usagers, comme sur les territoires.

Le texte que nous examinons aujourd’hui a été préparé très en amont, après de nombreuses consultations. Il constitue un dispositif équilibré, dont nombre de mesures sont partagées par plusieurs acteurs du secteur. Mes chers collègues, comme le disait Gérard Cornu en commission, saisissons-nous de ce dossier relatif à l’aménagement du territoire et à la desserte de l’ensemble du territoire par les transports ! Je vous invite donc à soutenir cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous ouvrons ce débat, je voudrais partager avec vous une conviction forte.

Face aux transformations politiques, économiques et sociales qui bouleversent notre société, nos concitoyens, nos territoires ont besoin de mobilité. Car une société mobile, c’est une société capable à la fois de s’adapter aux défis qui se présentent à elle et de se rassembler autour d’objectifs communs.

Ces mobilités – professionnelle, culturelle ou sociale – dont notre société a tant besoin ont un préalable : la mobilité physique. Force est de constater qu’aujourd’hui les Français ne sont pas égaux face à la mobilité. L’absence de solutions de mobilité est encore trop souvent un frein pour l’accès à l’éducation ou à l’emploi. Elle alimente un sentiment d’assignation à résidence chez certains de nos concitoyens et d’abandon dans de trop nombreux territoires.

Je ne peux m’y résoudre. Peut-on accepter que, dans notre pays, une personne sur quatre ait refusé un emploi ou une offre de formation en raison de difficultés de déplacement ?

L’objectif du Président de la République et du Gouvernement est d’accompagner tous nos territoires, de répondre aux préoccupations premières de nos concitoyens et aux besoins des entreprises : les transports du quotidien, la lutte contre la congestion des grandes agglomérations, l’accès à l’emploi et aux services dans les territoires, l’optimisation de nos systèmes logistiques. Dès lors, mon rôle, en tant que ministre des transports, ne se réduit pas à proposer une évolution, ici, du train, là, de la route ou bien des voies fluviales. Mon ambition consiste à redonner à nos politiques de mobilité un objectif très simple : répondre aux besoins de mobilité des Français.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces besoins, quels sont-ils ? Ce sont ceux qui sont exprimés par nos concitoyens, à Aurillac, à Prades, en passant par Strasbourg, lors des Assises nationales de la mobilité. Ce sont ceux que vous entendez à Ornans, à Bernay, à Chartres, …

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

… dans le Nord, en Meurthe-et-Moselle ou en Seine-Saint-Denis, …

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

… et dans chacun des territoires que vous représentez.

Nos concitoyens nous le disent : « Nous voulons des transports quotidiens efficaces. » Pour répondre à ce besoin vital, le système ferroviaire a toute sa place. Il joue, depuis bientôt deux siècles, un rôle central dans les déplacements de nos concitoyens, dans l’attractivité économique de notre pays et dans l’aménagement de nos territoires, dont il a largement contribué à redessiner la géographie.

Parce que je suis convaincue que ce rôle doit rester au cœur de notre politique de mobilité, doit perdurer en se renouvelant, j’ai souhaité présenter une stratégie d’ensemble de refonte de notre système ferroviaire. En effet, alors que le système ferroviaire est, en quelque sorte, un ADN commun à tous les Français, force est de constater qu’il est à bout de souffle. Vous le savez, depuis une trentaine d’années, priorité a été donnée à la grande vitesse, incontestable succès technique et commercial, les statistiques de trafic pour 2017 le prouvent encore. Si la fonction d’aménagement du territoire de ces lignes à grande vitesse ne doit pas être minimisée, il subsiste pour autant de nombreux besoins insuffisamment satisfaits. Ces derniers étaient d’ailleurs au cœur de nos échanges cet après-midi.

Par ailleurs, le transport ferroviaire de marchandises est en crise, avec des trafics inférieurs de 40 % à ceux du début des années 2000. C’est une situation dont toute une économie pâtit et à laquelle il faut une meilleure réponse.

Enfin, le déséquilibre économique et financier du système non seulement pèse sur les finances publiques, mais menace également l’avenir du système ferroviaire ; je pense en particulier à la question de la dette.

Vous le reconnaîtrez comme moi, tout ne marche donc pas au mieux dans notre système ferroviaire actuel. Comment produire des mobilités vertueuses et efficaces quand les vitesses de circulation sont actuellement ralenties sur plus de 20 % du réseau, soit deux fois plus qu’il y a dix ans ? Et que penser alors de la dette que je viens d’évoquer, qui se creuse de 3 milliards d’euros chaque année, pour atteindre 50 milliards d’euros aujourd’hui ?

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Aussi, le Président de la République et le Gouvernement portent un projet ambitieux pour notre système ferroviaire français : cette réforme globale doit construire les bases durables d’un meilleur service public ferroviaire ; en d’autres termes, l’objectif est d’avoir un meilleur service public, au meilleur coût, pour les voyageurs et les contribuables.

Concrètement, cela veut dire : pour les voyageurs, des trains plus ponctuels, plus de trains là où il y en a besoin, avec plus de services, et en toute sécurité ; pour la SNCF, un modèle économique enfin équilibré, une entreprise publique plus forte, avec tous les atouts pour faire face à la concurrence ; pour les cheminots, une vision claire de l’avenir, avec des métiers attractifs et une reconnaissance de leur rôle ; pour les contribuables, la garantie que chaque euro pour le service public ferroviaire est dépensé efficacement.

Afin d’y parvenir, nous devons mener une réforme cohérente, articulée sur deux engagements forts de l’État. Le premier, celui d’investir plus qu’il ne l’a jamais fait pour le ferroviaire : 36 milliards d’euros dans les dix prochaines années pour les infrastructures, soit 50 % de plus que sur la dernière décennie. Le second, celui de donner un nouveau cadre au ferroviaire, pour une ouverture à la concurrence réussie et stimulante pour la SNCF. En cela, la question de la transformation en société nationale à capitaux publics ne doit pas être un tabou. Je m’engage de nouveau solennellement sur ce sujet devant la Haute Assemblée : la SNCF est une entreprise publique, et elle le restera.

Dans le même temps, la SNCF doit conduire sa réforme, au travers d’un nouveau projet d’entreprise, pour mieux répondre aux attentes de ses clients voyageurs et fret, en proposant un cadre social motivant pour les cheminots. Et c’est bien parce qu’elle doit avoir toute sa part dans notre nouvelle politique de mobilité qu’il est nécessaire de refonder la SNCF sur des bases modernes, agiles, unifiées, afin de préparer l’entreprise publique à relever ces nouveaux défis.

Je veux dès maintenant le préciser : accompagner la SNCF dans le XXIe siècle, c’est également pour moi la conforter dans son rôle fondateur, au service de l’aménagement durable des territoires. Vous l’aurez compris, il n’est donc pas question de supprimer, comme j’ai pu l’entendre ici ou là, les lignes de maillage et d’intérêt local, improprement appelées « petites lignes ». Il s’agira, au contraire, de faire en sorte que ces lignes puissent retrouver leur attrait et soient en mesure de répondre aux besoins.

De même, le modèle d’un TGV assurant une desserte des villes moyennes au-delà des lignes à grande vitesse doit être conforté par la réforme. Là encore, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux être claire : personne ne remet en cause ce modèle. Nous pourrons débattre de la méthode retenue dans la proposition de loi et des alternatives possibles.

Dans le cadre de cette réforme, la question de l’ouverture à la concurrence est naturellement essentielle. La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner la soulève avec une juste acuité.

Je voudrais saluer la qualité des travaux engagés de longue date par votre Haute Assemblée sur cette question, par votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, son président, son rapporteur et votre ancien collègue Louis Nègre. Effectivement, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui rejoint, sur certains points, les thèmes que le Gouvernement entend traiter dans le projet de loi pour un « nouveau pacte ferroviaire ».

Pour autant, vous le savez, la concurrence n’est qu’un des éléments du projet présenté le 26 février dernier par le Premier ministre.

Parce qu’elle repose sur une volonté forte, celle de répondre aux besoins de nos concitoyens et de nos entreprises, parce qu’elle ne refuse pas de prendre à bras-le-corps les difficultés que rencontre notre système ferroviaire, parce qu’elle entend répondre aux inquiétudes exprimées par les cheminots, vous l’aurez compris, l’ambition du Gouvernement de remettre sur pied notre système ferroviaire ne se réduit pas à l’ouverture à la concurrence.

Le pacte ferroviaire porté par le Gouvernement se place dans une vision plus large des mobilités au service du pays. Il s’inspire de la richesse des échanges des Assises nationales de la mobilité et de la rigueur des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures. Il s’inscrit dans une démarche globale permettant, trente-six ans après la loi d’orientation sur les transports intérieurs, de redéfinir l’ensemble des outils de notre politique de transport. Je pense, par exemple, à la constitution d’autorités organisatrices dans les territoires qui en sont actuellement dépourvus, à la création de leviers pour encourager toutes les initiatives pertinentes et efficaces permettant de proposer des solutions de mobilité ou à la programmation sincère de nos investissements en termes d’infrastructures.

J’en viens à la méthode choisie par le Gouvernement. Elle a, je le sais, suscité des interrogations auxquelles l’inscription de cette proposition de loi me donne opportunément l’occasion de répondre.

Le projet de loi que je porte n’entame pas le temps du dialogue social, bien au contraire. J’ai engagé un processus de concertation et de négociation avec l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des organisations syndicales, bien sûr, mais également des représentants des usagers, des entreprises ou encore des collectivités concernées.

Cette réforme suscite, vous le savez, de légitimes interrogations chez les cheminots. C’est dans la concertation et par le dialogue que nous pourrons y répondre.

J’ai démarré cette concertation voilà quatre semaines. Nous avons déjà tenu plus de quarante réunions, près de soixante-dix sont d’ores et déjà prévues, et elles sont indispensables.

Le projet de loi que je porte n’entame pas non plus le temps du débat parlementaire. Comme je m’y suis engagée, il sera enrichi des concertations en cours afin qu’elles puissent être débattues et votées au Parlement. À cet effet, chaque fois que nous aurons suffisamment avancé dans la concertation, nous introduirons, par voie d’amendement, les dispositions correspondantes à la place des ordonnances.

Le Parlement ne sera pas privé d’un débat de fond, au fond ou plutôt à la hauteur des enjeux de cette réforme. La richesse des échanges que nous aurons ce soir, qui se poursuivront demain et dans les prochains jours sur le projet de loi que je vous présenterai, en portera témoignage.

Alors que les discussions avec les organisations syndicales et patronales ne sont pas encore terminées – je suis convaincue de votre attachement au dialogue social –, vous comprendrez que le Gouvernement ne puisse se prononcer aujourd’hui sur l’ensemble de cette proposition de loi. Cela étant, je ne doute pas que plusieurs dispositions de la présente proposition de loi viendront enrichir le texte que je porterai au cours de la navette.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la SNCF a quatre-vingts ans cette année. Vous êtes, comme chaque Français et comme moi-même, attachés à cette belle entreprise qui fait partie de notre patrimoine national ; un patrimoine vivant de l’engagement quotidien des femmes et des hommes qui y travaillent avec passion : les cheminots. Cet héritage commun, ce bien public, je souhaite non seulement le préserver, mais également le conforter, pour répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens et des territoires. C’est mon ambition et, je n’en doute pas, c’est aussi la vôtre.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je suis saisie, par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs (711, 2016-2017).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quelques jours après la première grande manifestation à Paris pour la défense du service public, nous engageons, avec l’examen de cette proposition de loi, la première étape parlementaire de la réforme ferroviaire.

Je le dis d’emblée, les sénatrices et sénateurs de mon groupe soutiennent tous les agents du service public, qui œuvrent chaque jour, et même chaque nuit, pour que notre droit à la mobilité soit garanti. Ces agents exigent, avec dignité, le respect du dialogue social et la préservation de leur outil de travail. Nous serons donc à leurs côtés dans toutes les actions collectives qu’ils décideront de mener pour s’opposer à la casse du service public ferroviaire.

Venons-en à cette proposition de loi.

Le Gouvernement, qui fait peu de cas des institutions démocratiques, dont le Parlement, a fait le choix de passer son « nouveau pacte ferroviaire » par ordonnances et dans la précipitation. Pour répondre à cette provocation, la conférence des présidents du Sénat a fait le choix d’inscrire à notre ordre du jour, en urgence également, la présente proposition de loi, pour qu’elle devienne le support législatif de ce nouveau pacte ferroviaire. Nous sommes tous d’accord ici pour dire que le ferroviaire est un sujet trop structurant pour nos territoires pour le laisser à la seule discrétion du pouvoir exécutif. La représentation nationale doit pouvoir exercer ses prérogatives.

Cette posture gouvernementale se double d’une certaine idée du dialogue social, cette méthode étant utilisée comme un moyen de faire pression sur les partenaires sociaux. Le chantage est le suivant : soit vous êtes raisonnables et l’on transforme progressivement les ordonnances en dispositions législatives ordinaires, soit vous vous obstinez, et tout vous échappera.

Nous partageons donc pleinement la volonté du Sénat de signifier au Gouvernement notre refus de légiférer par ordonnances sur un tel sujet, notre refus de voir le dialogue social si malmené. Nous exprimons aussi l’idée qu’il faut donner le temps nécessaire au travail législatif. Cependant, sur ce point, nous sommes un peu gênés : même si nous comprenons l’urgence d’une réponse rapide du Sénat, celle-ci conduit dans les faits à malmener les droits des parlementaires. La proposition de loi ayant été inscrite à l’ordre du jour voilà deux semaines, il est impensable de demander aux parlementaires, a fortiori à ceux des petits groupes, un travail législatif rigoureux dans des délais si contraints. Ces délais contraints se conjuguent en outre avec un déficit d’information. Sur un tel sujet, il nous semble indispensable de disposer d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. Or nous n’avons eu connaissance de l’avis du Conseil d’État que lundi, et nous attendons toujours l’étude d’impact.

Nous nous trouvons donc dans une situation où nous partageons le message envoyé au Gouvernement, tout en ne partageant pas le message envoyé aux sénatrices et sénateurs appelés à adopter cette proposition de loi comme un élément de contestation, mais sans avoir à se prononcer sur son contenu. Or, sur le fond, nous nous trouvons face à une variation sur un même thème, celui du quatrième paquet ferroviaire, qui entérine l’ouverture à la concurrence des transports de voyageurs, lignes à grande vitesse comme trains régionaux.

Les sénateurs du groupe CRCE sont radicalement opposés à cette démarche qui condamne le service public ferroviaire. En effet, il est illusoire de penser que l’on peut marier une politique d’aménagement du territoire avec la libéralisation du rail, qui conduit à des politiques de court terme, centrées sur la rentabilité de l’offre. Nous y opposons l’intérêt général, la réponse aux besoins exprimés en termes d’aménagement du territoire, de droit à la mobilité ou de transition environnementale. Nous considérons ainsi – c’est ce qui motive cette motion – que cette proposition de loi ne doit pas être le support de la réforme ferroviaire.

En premier lieu, nous estimons que les directives européennes sont faites pour être révisées si elles ne répondent pas à leur postulat de départ, en l’occurrence une amélioration du service. Nous estimons ainsi que la France, forte de son expérience en matière d’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, laquelle s’est traduite par un recul du rail au profit de la route, une rétraction du réseau – et même son abandon parfois – ainsi que la fermeture de triages, devrait pouvoir demander la renégociation de l’ensemble des paquets ferroviaires.

En deuxième lieu, les expériences étrangères nous démontrent que cette voie n’est pas souhaitable pour les usagers. En effet, les tarifs explosent, comme on le voit en Grande-Bretagne, sans compter les aspects de sécurité ferroviaire, celle-ci étant bien plus difficile à obtenir avec la multiplication des opérateurs.

Par ailleurs, la proposition de loi comporte des éléments particulièrement inquiétants, qui vont plus loin que les exigences du quatrième paquet ferroviaire. Tout d’abord, elle anticipe les dates d’ouverture à la concurrence des transports conventionnés. Ensuite, le droit européen est muet sur le régime de propriété des entreprises qui assument un service public.

Il n’est aucunement exigé par le droit européen que Gares & Connexions change de statut. C’est une décision purement idéologique, partagée d’ailleurs par le Gouvernement, qui souhaite changer le statut de l’ensemble de l’entreprise publique. Pour notre part, nous sommes opposés à tout changement de statut. Nous considérons que la forme publique est la plus adaptée à l’exercice du service public. En l’occurrence, les gares sont des structures d’aménagement du territoire qui ne doivent appartenir qu’à la puissance publique, sous une forme garantissant cette pleine maîtrise publique.

Il s’agit enfin d’une transposition particulièrement défavorable au service public, puisque les exceptions d’ouverture à la concurrence ouvertes par le règlement sur les obligations de service public, ou règlement OSP, sont directement refermées par cette proposition de loi, qui interdit de les utiliser pour maintenir en certains lieux le monopole de la SNCF. Nous nous trouvons, là aussi, face à une posture idéologique. Même le projet gouvernemental est plus souple, en retardant l’ouverture en Île-de-France du fait de la densité des réseaux. Nous pensons, pour notre part, que ces exceptions pourraient être invoquées pour l’ensemble des régions.

Concernant les modalités d’ouverture à la concurrence, j’entends l’argument selon lequel la proposition de loi vise à définir des lots de lignes et qu’une telle démarche assurerait mieux l’aménagement du territoire pour l’offre à grande vitesse. Certes, c’est mieux que l’open access prévu par le Gouvernement, mais nous restons dubitatifs. Pouvez-vous réellement nous assurer que, malgré ce redécoupage, certaines lignes ne seront pas purement et simplement abandonnées ? De plus, quelles que soient les modalités choisies, c’est bien la cohérence globale de l’offre de transport qui perd du sens et de la pertinence. Avec un service qui sera à géométrie variable en fonction de la région habitée, des territoires entiers regarderont passer les trains…

Cette ouverture à la concurrence sous toutes ses formes ouvre donc bien la voie à la balkanisation du service public ferroviaire et de la SNCF, une posture fortement accidentogène qui va perturber la cohérence du système ferroviaire.

Concernant le statut des cheminots, l’attaque est moins frontale que celle du rapport Spinetta, mais elle est pernicieuse. Le transfert des salariés aux autres entreprises ferroviaires n’est pas encadré. Aucune obligation préalable n’incombe à la SNCF en matière de reclassement. Une sorte de portabilité des droits est mise en place, mais comment la garantir sur le long terme par des entreprises privées ? La possibilité de licencier un cheminot qui refuserait son transfert est incompatible avec le statut des cheminots, qui garantit la continuité du service public, et donc de l’emploi.

Au final, il existe plusieurs points communs entre toutes ces propositions, projets de loi et rapports. Deux constantes peuvent être relevées : l’ouverture à la concurrence et l’idée qu’il faut en finir avec toute notion publique dans les transports ferroviaires.

Nous nous inscrivons en faux contre cette vision qui se place d’un strict point de vue organisationnel, structurel et financier. Nous considérons que, pour faire une réforme efficace, il convient d’abord de prendre en compte les besoins. Or les usagers n’ont pas besoin d’avoir le choix, ils ont besoin d’avoir des trains qui fonctionnent, qui soient ponctuels, en nombre suffisant et en tous points du territoire. Pour cela, il faut s’atteler aux véritables maux qui affectent le service public ferroviaire : le sous-financement chronique des infrastructures, la charge de la dette, qui obère les capacités d’investissement, l’abandon de certaines dessertes ou de certaines activités sur des critères comptables, ou encore l’avantage concurrentiel de la route.

Aujourd’hui, il nous semble important de soutenir le service public ferroviaire, en trouvant de nouvelles sources de financement, en retrouvant une politique de massification et de développement de l’offre et en supprimant les avantages pour la route, notamment par le retour d’une écotaxe poids lourds.

Il nous semble nécessaire de s’intéresser aux politiques d’aménagement pour éviter de créer toujours de nouveaux besoins de mobilité par l’étalement urbain et de réfléchir à de nouvelles complémentarités entre les différents modes de transport.

Il convient de renforcer les péréquations au lieu d’organiser la balkanisation des opérateurs et des territoires. La régionalisation, renforcée par ce projet de loi, est une impasse, y compris pour les régions elles-mêmes, qui se trouvent lestées d’une charge trop lourde et souffrent du renoncement à une politique ferroviaire de dimension nationale, laquelle ne peut se limiter à l’offre grande vitesse et aux rescapés des trains d’équilibre du territoire.

Il s’agit aussi, en soutenant le service public ferroviaire, de promouvoir la transition environnementale et de se doter des outils permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour respecter les engagements de l’accord de Paris. Autant de problématiques absentes de cette proposition de loi ! Voilà les raisons qui nous ont conduits à déposer cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole contre cette motion, car il me paraît incompréhensible de fustiger la volonté du Gouvernement de légiférer par ordonnances sur la réforme de notre système ferroviaire, ce qui empêche toute discussion au Parlement, et de refuser dans le même temps tout débat par le biais d’une question préalable déposée sur une proposition de loi traitant du même sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous ne refusons pas le débat : nous contestons le contenu de ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Ce refus de débat est préjudiciable à l’expression démocratique et à la Haute Assemblée, qui utilise pleinement le pouvoir d’initiative donné aux parlementaires par la réforme constitutionnelle de 2008, laquelle a vraiment renforcé le pouvoir du Parlement.

La proposition de loi que nous examinons a été préparée par le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey, et notre ancien collègue, Louis Nègre, grand spécialiste des questions relatives aux transports, au cours de l’année 2017. Elle a pour objet de définir un cadre juridique adapté à la réforme ferroviaire, sans en anticiper les échéances.

À l’origine, cette initiative visait à permettre aux parties prenantes de se préparer en amont, alors que l’insuffisante préparation de la libéralisation du fret ferroviaire a eu, nous le savons tous, des conséquences très négatives, surtout pour l’opérateur historique.

Pour préparer ce texte, les auteurs ont recueilli, lors de plusieurs dizaines d’heures d’auditions, les positions des différents acteurs concernés : les usagers, les syndicats, les régions, l’ARAFER, l’Autorité de la concurrence, le groupe public ferroviaire, les nouveaux entrants, les ministères concernés. Ils ont aussi entendu des universitaires et ont ensuite procédé à une consultation par voie écrite.

Cette proposition de loi a été déposée le 6 septembre 2017. À la demande du président du Sénat, elle a fait l’objet d’un avis du Conseil d’État, rendu le 22 février 2018 et publié, ce qui est rare. Cette procédure a permis d’identifier les améliorations possibles du texte sur le plan juridique.

Le travail en commission, avec l’adoption d’amendements inspirés de l’avis du Conseil d’État, nous a permis d’aboutir à un texte juridiquement solide. Il nous paraît donc important que nous puissions examiner cette proposition de loi, afin d’avoir un vrai débat parlementaire, chose que le projet de loi d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, je le répète, ne nous permettra pas.

Mes chers collègues, par de nombreux aspects, notre système ferroviaire a été une réussite : un vaste réseau, une grande vitesse très développée, un transport régional et local dense. Et nous savons combien le transport ferroviaire peut être facteur de compétitivité, d’attractivité pour nos territoires et gage de mobilité pour tous ! Malheureusement, à la veille de l’ouverture à la concurrence, les performances de notre système ferroviaire apparaissent clairement insuffisantes et nécessitent modernisation et adaptation.

La qualité de service s’est dégradée au fil des années et plusieurs accidents majeurs ont également terni l’image du groupe public ferroviaire en matière de sécurité. Le réseau demeure vieillissant, malgré les travaux de régénération.

Après vingt ans de réformes successives, notre système ferroviaire ne semble toujours pas prêt pour la concurrence. Pourtant, il y a urgence. Le quatrième paquet ferroviaire, adopté en deux temps dans le courant de l’année 2016, généralise le droit d’accès au réseau, jusqu’à présent réservé aux services internationaux de transport de voyageurs et aux dessertes intérieures effectuées dans le cadre de ces services, à l’ensemble des services de transport de voyageurs à partir du 1er janvier 2019, pour une application effective à partir du 14 décembre 2020, soit au début de l’horaire de service 2021. De plus, ce texte européen enjoint les États membres à en assurer la transposition au plus tard le 25 décembre 2018.

Il est donc urgent de fixer le cadre juridique de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires, conventionnés ou non, non seulement pour respecter les échéances européennes, mais aussi pour permettre aux différentes parties prenantes, y compris l’opérateur historique, de s’y préparer dans des conditions convenables, tant pour ses personnels que pour les usagers. Nous ne pouvons plus faire la « politique de l’autruche » en nous focalisant sur des dérogations ou en feignant de ne pas voir que, si la concurrence progresse partout en Europe sur le trafic intérieur des États membres, la France ne pourra rester isolée, a fortiori lorsque la SNCF opère sur les marchés étrangers en étant compétitive !

Nous le savons bien, cette ouverture à la concurrence sera sans doute limitée et progressive, mais la prudence et la lucidité obligent tous les opérateurs à s’y préparer. La concurrence de sociétés privées sur le marché ferroviaire ouvert aura des conséquences pour la SNCF, mais il n’y a pas de raison pour que la SNCF ne profite pas, à son tour, de l’ouverture, en assurant des dessertes intérieures dans d’autres pays.

Par ailleurs, si le réseau à grande vitesse est d’ores et déjà ouvert à la concurrence sur les lignes internationales depuis plusieurs années, qu’il s’agisse de Paris-Bruxelles ou de Paris-Londres, aucun concurrent ne s’est manifesté… L’ouverture du marché peut donc être source de gains si l’entreprise SNCF fait valoir ses atouts.

On le voit, tous les pays qui ont mené des ouvertures à la concurrence réussies ont, en parallèle, mis en place les conditions d’un équilibre économique global du système ferroviaire et ont renforcé sa gouvernance. La France n’a toujours pas effectué cette nécessaire « remise à plat », avec une dette ferroviaire qui continue d’augmenter, un effort de modernisation qui reste insuffisant et des services qui pourraient être renforcés dans certaines zones. Cette nouvelle réforme du système ferroviaire français semble donc plus que nécessaire.

L’ouverture à la concurrence, que nous appelons de nos vœux, permettra, nous en sommes convaincus, de renforcer la compétitivité de l’opérateur historique et sera également bénéfique aux usagers du transport ferroviaire comme aux contribuables français.

Pour toutes ces raisons, nous désapprouvons cette motion de procédure, qui marque le refus de poursuivre le débat sur un sujet essentiel pour notre pays. En conséquence, le groupe Les Républicains votera contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Cette motion tend à opposer la question préalable sur cette proposition de loi.

Pour notre part, nous estimons indispensable d’avoir un débat parlementaire sur la mise en œuvre de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, une réforme majeure ayant des impacts sur les personnels, les usagers et les territoires. En effet, on ne peut pas à la fois dénoncer le choix du Gouvernement de recourir à des ordonnances et refuser le débat qu’autorise cette proposition de loi, même si nous avons des divergences sur le fond.

Cette discussion offre l’opportunité de prendre des positions fortes en faveur de l’aménagement du territoire. Je vous remercie d’ailleurs, madame la présidente Assassi, de reconnaître la pertinence de notre proposition de traiter ensemble les lignes rentables et non rentables. Le Sénat joue pleinement son rôle en prenant cette initiative. Nous devons conserver le maillage du territoire en préservant les dessertes menacées.

Au-delà de ce sujet, d’autres questions importantes doivent être traitées. Les conditions de transfert des personnels en cas de changement d’opérateur – nous examinerons à ce propos un amendement présenté par notre collègue Gérard Cornu à l’article 8 –, la gestion des gares, les conditions de transmission des informations nécessaires aux autorités organisatrices, la propriété des matériels roulants et des ateliers de maintenance, la vente des billets ainsi que l’information aux voyageurs sont autant de points qui méritent débat.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement propose une réforme ambitieuse. Le projet de loi, qui a été présenté en conseil des ministres le 14 mars dernier, fait actuellement l’objet de concertations.

Cette réforme globale et cohérente repose sur quatre axes : améliorer le service public, avec un programme d’investissements massifs pour remettre à niveau un réseau qui souffre de décennies de sous-investissement ; préparer une ouverture progressive à la concurrence des TER et des TGV ; mettre en place un cadre social protecteur et équitable, pour tenir compte de l’ouverture à la concurrence ; donner tous les atouts à la SNCF pour réussir dans ce nouveau contexte d’ouverture à la concurrence, grâce notamment à une organisation plus unifiée, plus efficace et un modèle économique équilibré.

Le Gouvernement aborde ce débat avec une volonté d’écoute et d’échanges, mais il ne pourra pas se prononcer sur l’ensemble de la proposition de loi.

Dans ces conditions, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur la motion présentée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le groupe socialiste s’abstiendra lors du vote de la motion tendant à opposer la question préalable. Nous n’approuvons pas pour autant les dispositions de cette proposition de loi, mais nous souhaitons saisir l’opportunité de son examen pour nous exprimer sur la situation du transport ferroviaire et sur les propositions que le Gouvernement entend mettre en œuvre par voie d’ordonnances. Olivier Jacquin interviendra dans quelques minutes pour expliciter les points que nous souhaitons défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 78 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je voudrais commencer par remercier les auteurs de ce texte de nous donner l’occasion de débattre de ce sujet si important pour notre pays : le train, la SNCF, ce monument des services publics qui a tant fait pour notre République, notamment pour son unité, grâce à son réseau en étoile. Merci, donc, à MM. Maurey et Nègre, que je salue, d’avoir su préparer une réflexion qui a de l’intérêt et qui anticipe efficacement l’échéance du 25 décembre 2018.

Le premier mérite de ce texte est de nous permettre de débattre du ferroviaire. Ce débat a été confisqué par le Premier ministre, le 26 février, lorsqu’il a annoncé que le Gouvernement recourrait aux ordonnances, alors même que, contrairement à la réforme du code du travail, le Président de la République n’en avait pas parlé lors de sa campagne présidentielle. Je m’interroge quant à ce contournement délibéré des chambres…

Conséquence directe de cela, madame la ministre, vous nous avez conduits à agir en urgence, comme vient de le dire Hervé Maurey, alors que cette proposition de loi était prête fin 2017 et que cette échéance de fin 2018 est connue depuis deux ans. Je note par ailleurs que la réforme de 2014 a été utile, appréciée, et même salutaire, et qu’elle n’a pas eu besoin d’ordonnances. Nous pourrions apporter les améliorations aujourd’hui nécessaires de cette même manière.

Votre intention de départ était pourtant louable. Vous nous proposiez, en juillet, une belle et grande loi sur les mobilités, à la hauteur de la LOTI de 1982, consacrant la nouvelle logique de mobilités, plutôt que de transports, et proposant l’intermodalité, l’interconnexion et la conjugaison des modes afin que nos concitoyens puissent relier efficacement et écologiquement un point A à un point B. Vous nous aviez d’ailleurs mis l’eau à la bouche avec les intéressantes Assises nationales de la mobilité.

La SNCF et le ferroviaire ont besoin d’un véritable débat démocratique et non pas de concertations en marge d’ordonnances.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Vous vous attaquez là à une institution totémique, au patrimoine commun des Français. Pis, le Premier ministre a voué la SNCF et les cheminots aux gémonies, mettant le mythique statut en pâture, faisant croire qu’il serait le problème.

Le problème, nous le savons, il réside aujourd’hui pour l’essentiel dans cette dette considérable, cette dette qui n’est pas celle des cheminots, mais bien davantage celle des différents gouvernements, qui, depuis des décennies, envoient des injonctions contradictoires à la SNCF, lui intimant plus d’économies et, en même temps, plus d’investissements pour les LGV, et ce au détriment de l’entretien des réseaux.

Le problème, il est aussi dans le financement des infrastructures et de la tarification usager du ferroviaire, qui intègre dans le prix du billet le paiement du réseau, sans comprendre, à aucun moment, les externalités positives du ferroviaire. Ce réseau est un héritage et un patrimoine considérables ; nous ne pouvons l’évaluer à l’aune des seules annualités budgétaires. Nous devons prendre en compte la transition écologique, la pollution, les congestions automobiles et l’ensemble des services rendus.

Enfin, il y a aussi l’aménagement du territoire, puisque c’est aussi et presque surtout de cela qu’il s’agit. Si les régions sont les chefs de file incontestés en matière de transport depuis la loi NOTRe, c’est bien par elles que passera le développement des offres de mobilités de demain. Votre volonté de leur confier la gestion des lignes de catégorie 7 à 9 sans imaginer, pour le moment, les moyens financiers pour les faire vivre revient de fait à les condamner. Nous ne pouvons pas nous résoudre à abandonner la ruralité en sacrifiant les gares après les bureaux de poste !

J’en viens à la proposition de loi sur laquelle nous allons être amenés à nous prononcer. Elle a le mérite, je le répète, d’ouvrir la discussion sur le sujet du ferroviaire, mais elle a le défaut de nous propulser dans une situation d’urgence pire encore que celle des ordonnances. Nous avons eu à peine quinze jours entre son inscription à l’ordre du jour et le début de l’examen en séance. Dont acte ! Banco ! Nous jouons le jeu, car nous préférons le débat, et nous profitons de cette occasion avant l’examen des ordonnances.

Madame la ministre, si un débat permet de mettre en avant les points d’accord, il nous faut également parler des désaccords.

Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si nous sommes pour ou contre l’ouverture à la concurrence. Le quatrième paquet ferroviaire l’a tranchée.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

La question est bien de savoir si nous abordons ce dossier de manière dogmatique, en préconisant d’ouvrir au maximum et le plus rapidement possible à toute concurrence, quitte à surtransposer la directive européenne – c’est un risque !

Il y a une autre solution : pour notre part, nous sommes favorables à une ouverture raisonnée et maîtrisée, qui préserve l’opérateur historique. Nous préférons dynamiser plutôt que dynamiter !

Je ne tiendrai pas un discours manichéen sur le sujet de l’ouverture à la concurrence. En effet, elle a pu bien fonctionner dans certains pays et être catastrophique dans d’autres, l’un des pires exemples étant la libéralisation du fret ferroviaire dans notre pays en 2006, mal préparée, mal évaluée, mal anticipée. Résultat : un effondrement du volume de transport et une explosion du nombre de camions sur nos routes, déjà trop nombreux à l’époque. Pas de dogme, donc, en la matière !

La SNCF a d’ailleurs anticipé l’ouverture à la concurrence en augmentant et en diversifiant son offre de transport, notamment au travers de Ouigo, et en proposant des services renforcés à des prix parmi les plus faibles d’Europe, il faut le répéter, bien que ceux-ci restent trop élevés pour la moyenne de nos concitoyens.

Autre constat qui montre que tout n’est pas noir : depuis 2004 et la régionalisation, le nombre de passagers des TER a augmenté de 44 % et l’offre a été décuplée, et ce malgré un dialogue parfois difficile entre nos collègues élus régionaux, la SNCF et ses différentes composantes.

Une fois que la loi sera votée, il faudra du temps aux acteurs, aux autorités organisatrices et aux opérateurs pour bien préparer l’ouverture raisonnée à la concurrence. C’est pourquoi il nous semble primordial de garder 2023 comme date limite d’ouverture à la concurrence pour les régions tant les situations sont diverses. Surtout, gardons-nous de surtransposer en retenant l’hypothèse la plus rapide proposée par la Commission européenne !

Pour cette ouverture à la concurrence, le mode opératoire sera déterminant. C’est pourquoi nous serons nuancés et prudents devant votre proposition reprenant le principe dominant des franchises, philosophiquement intéressant, mais dans les faits difficile à mettre en œuvre, aux niveaux tant de la répartition des lots que des continuités de service entre eux. Il pourrait également impacter fortement l’opérateur actuel. Le libre accès, pour autant, nécessite de très fortes régulations, qui restent encore à imaginer, pour éviter l’écrémage. Il y aura certainement des candidats pour reprendre le Paris-Nancy, mais qui voudra de son prolongement vers Mirecourt, voulu par les élus locaux et le président Poncelet ?

Concernant le personnel, cette proposition de loi a été rédigée avant que le Premier ministre n’annonce la fin du statut pour les nouveaux recrutements. Il y aura à dire ! Je note que, s’agissant des mouvements entre opérateurs, il est proposé ici de garantir les conditions d’origine au-delà du premier transfert, là où le rapport Spinetta ne parle que du premier transfert. En revanche, nous nous inquiétons du durcissement de la législation actuelle, qui est inscrite à l’article 8. Si le mythique statut prémunit les cheminots contre le licenciement économique, ils peuvent d’ores et déjà être licenciés en cas de refus de mobilité, mais seulement au bout du troisième refus. Nous ne pouvons donc accepter une disposition visant à mettre fin au contrat de travail dès le premier refus.

Vous proposez également de rendre publiques les données de la SNCF, y compris celles qui seraient couvertes par le secret industriel ou commercial. Nous présenterons un amendement dont l’adoption permettrait, je pense, de mieux garantir le risque de fuites de données essentielles vers les concurrents de notre opérateur actuel.

Il en va de même concernant le matériel roulant ou les ateliers de maintenance. Il conviendra de veiller à un meilleur équilibre entre deux risques : celui qui verrait la SNCF devoir gérer seule les parties les moins intéressantes et celui qui verrait les nouvelles autorités organisatrices hériter d’une charge trop lourde. Nous avons besoin d’approfondir la question.

Je terminerai par un dernier sujet, et pas des moindres : les gares. Nous nous inquiétons de la volonté de transformation de l’entité Gares & Connexions en société anonyme. Nous plaidons résolument pour le maintien de la maîtrise publique des gares. Elles font partie du patrimoine national.

Madame la ministre, chers collègues, vous l’aurez compris, nous sommes heureux d’entamer ce débat, qui nous offre la possibilité de nous exprimer sur le ferroviaire, mais nous le voyons comme un hors-d’œuvre, un galop d’essai avant d’aborder le contenu des futures ordonnances et des textes importants à venir en matière de mobilité. En effet, c’est bien ainsi qu’il faut aborder la question : sortir de la logique des transports pour entrer dans celle des mobilités du XXIe siècle. Sur ces sujets, nous nous positionnerons selon trois axes de progrès.

D’abord, il y a l’aménagement du territoire et la poursuite de la décentralisation. Ces réformes doivent permettre plus d’égalité entre les hommes et entre les territoires, car il n’y a pas de petits territoires : il y a la République française !

Ensuite, il convient de respecter les cheminots et les travailleurs des transports. Alors que certains rêvent de précarisation et de dumping social, nous pensons qu’il doit y avoir une véritable continuité dans la protection des travailleurs des transports, qu’ils soient dans un train, un tram, un bus. Je vous pose la question, chers collègues : pourquoi ne pas imaginer une convention collective des transports terrestres ?

Enfin, nous nous battrons pour conserver une maîtrise publique des services publics : pas question de brader au plus offrant notre patrimoine commun !

Alors, je vous le répète, il nous faut dynamiser, sans dynamiter !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quatre-vingts ans, un peu plus même, le 1er septembre 1937, la presse française annonçait fièrement la création prochaine de la Société nationale des chemins de fer français, la SNCF. Créée par un décret-loi du Front populaire et effectivement mise en place en janvier 1938, cette société fusionnait les activités et le personnel de l’État, les grandes compagnies ferroviaires privées et les réseaux d’Alsace-Lorraine administrés par l’État. L’aventure ferroviaire tricolore entrait dans une nouvelle ère de son histoire.

« La convention assurer une heureuse conciliation entre l’autorité de l’État et le maintien nécessaire des souples méthodes de gestion […] d’un grand service industriel et commercial », expliquait Camille Chautemps, chef du gouvernement, à L ’ Écho de Paris. Aujourd’hui, la convention semble définitivement remise en question. Le groupe est durablement endetté, la qualité de service fortement discutée et le grand public s’exaspère des grèves et de retards à répétition.

D’abord, le groupe ferroviaire est aujourd’hui dans une situation financière catastrophique. Si la SNCF a présenté d’excellents résultats en 2017, avec une hausse de 4, 2 % de son chiffre d’affaires, à 33, 5 milliards d’euros, et un bénéfice net de 1, 33 milliard d’euros, la dette est abyssale : 46, 6 milliards d’euros pour SNCF Réseau et 7, 9 milliards d’euros pour SNCF Mobilités. Pour beaucoup d’analystes, cette dette constituerait même un risque pour le contribuable. Madame la ministre, comme vous l’avez dit, nous ne pouvons pas ignorer cet état de fait.

Ensuite, la situation de ce groupe ferroviaire n’est plus tenable. Le rapport Spinetta, remis au Gouvernement mi-février, tire la sonnette d’alarme sur des réformes nécessaires : fin du statut de cheminot et de ses avantages – garantie à vie de l’emploi, retraite anticipée, facilités de circulation, etc. – ; évolution du statut de la SNCF vers celui d’une société anonyme ; renforcement, enfin, des moyens de l’AFITF, dont un Angevin, Christophe Béchu, prendra prochainement la présidence, après un avis favorable de notre commission donné hier soir.

Surtout, la SNCF devra affronter demain l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. Inutile de rappeler ce qu’un manque de préparation à l’ouverture à la concurrence signifierait pour ce secteur et pour la qualité du service, cela a déjà été fait lors d’un récent débat sur le secteur du fret ferroviaire. Nous sommes prévenus !

Le calendrier politique fait que l’examen de cette proposition de loi intervient quelques semaines avant le projet du Gouvernement. Devant l’urgence de la situation, il est essentiel que chacun prenne ses responsabilités pour débloquer la situation et envisager l’avenir du rail français. Pour s’adapter et ne pas disparaître, la SNCF devra irrémédiablement changer.

Alors, madame la ministre, mes chers collègues, pour paraphraser l’un des anciens présidents de la SNCF, Louis Armand, où en est le chemin de fer français ? Ce débat doit être l’occasion de poser de nouveaux jalons en prévision du projet de loi du Gouvernement.

La proposition de loi nous semble intéressante, perfectible. Il nous paraît ainsi nécessaire de prendre en compte le besoin de maintenir les petites lignes au nom de la vitalité de nos territoires.

En commission, sur proposition du rapporteur, notre collègue Jean-François Longeot, et avec un large soutien politique, nous avons introduit un nouveau mécanisme liant des contrats de lignes de TGV et des petites lignes. À l’avenir, cela doit être la norme. Oui à l’ouverture à la concurrence de nos lignes ! Oui, en même temps, à la continuité de nos politiques d’aménagement du territoire !

Notre groupe, vous le verrez, a d’ailleurs proposé un certain nombre d’amendements pour compléter cette proposition de loi. Ces amendements s’inscrivent dans une triple approche : protéger les territoires en introduisant dans la loi les dérogations autorisées par le règlement européen et en sollicitant l’avis de la Conférence nationale des territoires sur cette ouverture à la concurrence ; assurer une transition transparente et respectueuse de tous en privilégiant des politiques d’open data – le rapporteur en a parlé – et en programmant des points d’étape avec les représentants locaux ; enfin, saisir l’opportunité de réformer le régime ferroviaire en ne forçant pas les nouveaux entrants à reproduire les mécanismes aujourd’hui défaillants.

Tels sont, loin des caricatures, les trois piliers sur lesquels fonder la réforme du secteur ferroviaire.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, à la veille de l’examen du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, nous nous réunissons aujourd’hui pour débattre de l’ouverture à la concurrence du deuxième plus grand réseau ferré d’Europe, après celui de l’Allemagne.

Le Gouvernement propose de recourir aux ordonnances pour transposer le quatrième paquet ferroviaire et réformer la SNCF. La présente proposition de loi intervient donc à point nommé, car elle vient illustrer les vertus du bicamérisme, que le groupe du RDSE ne cessera de défendre, la qualité du travail sénatorial et la nécessité de garantir en toutes circonstances les pouvoirs du Parlement.

Une réforme aussi majeure que celle du transport ferroviaire mérite cette discussion de fond, qui intéresse nos concitoyens non seulement en tant qu’usagers, mais aussi en tant que contribuables. Nous saluons ainsi l’initiative conjointe de notre collègue Hervé Maurey et de Louis Nègre, ancien sénateur.

Mes chers collègues, il est bien question de réformer. D’une part, la France doit se mettre en conformité avec ses engagements européens ; dans ce domaine, mieux vaut anticiper que réagir aux événements. D’autre part, la SNCF est confrontée à une dette importante et croissante – elle accumule 2 milliards d’euros par an de déficit – ainsi qu’à une stagnation de la part modale du ferroviaire depuis 2010.

Nous préparons l’ouverture à la concurrence dans un contexte particulier : l’État stratège est totalement absent depuis plus de trente ans en ce qui concerne l’aménagement du territoire, que ce soit en matière de choix de dessertes ou de financement des infrastructures. Les inquiétudes des agents, des usagers, des territoires et des parlementaires que nous sommes sont donc pleinement justifiées. Des directives sont données, mais la feuille de route n’est pas toujours lisible. La priorité accordée par le passé au financement des lignes à grande vitesse a conduit à ce que des lignes moins importantes, qui structurent pourtant le territoire de la République, soient délaissées. Les défauts d’entretien font peser aujourd’hui de réelles menaces sur certaines dessertes.

Avec 13 milliards d’euros de dépenses publiques allouées chaque année au ferroviaire, nos collectivités territoriales et nos concitoyens sont en droit d’exiger un service complet et de qualité. Or le taux de retard demeure élevé par rapport aux autres pays européens.

Certes, la SNCF n’a pas vocation à être bénéficiaire, puisqu’elle remplit une mission de service public vitale pour l’accès de tous aux transports, la réduction des gaz à effet de serre et le maillage territorial. J’y suis particulièrement sensible, comme tous les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Toutefois, j’ai la conviction qu’un tel service peut aller de pair avec une gouvernance efficace et des finances assainies.

L’achèvement de l’ouverture à la concurrence constitue l’occasion pour la France d’apporter les améliorations qui s’imposent à la gouvernance de notre système ferroviaire. Le législateur déterminera les modalités de cette libéralisation, mais nous pensons que ce débat aurait dû avoir lieu avant 2018, dernière année avant l’échéance fixée par le droit européen.

En l’état actuel, deux positions semblent se dessiner quant aux modalités de l’entrée des nouveaux opérateurs sur le marché des LGV : d’un côté, l’open access, permettant à toute entreprise d’accéder au réseau sans appel d’offres ; de l’autre, un système de franchises qui régulerait cet accès afin de ne pas remettre en cause la péréquation existant entre les lignes rentables et les lignes déficitaires, au détriment de l’aménagement du territoire. Les deux options comportent leurs avantages et leurs inconvénients. C’est la raison pour laquelle nos voisins européens ont procédé à une combinaison des deux.

Le rapport Abraham de 2011 évoquait de multiples possibilités entre les deux extrêmes. Les auteurs de la proposition de loi font le pari de la concurrence pour le marché pour certaines liaisons à côté des lignes en open access. Le Gouvernement semble préférer ce dernier, tout en envisageant d’imposer des obligations de service public, comme le propose le rapport Spinetta, qui évoque une taxe de péréquation afin d’éviter l’écrémage que les élus ruraux craignent à juste titre.

Mes chers collègues, il est extrêmement difficile d’anticiper les effets de la mise en concurrence ou d’établir des comparaisons au niveau européen tant les marchés diffèrent, la part modale du ferroviaire en Allemagne ou en Italie restant, pour le moment, inférieure à celle de la France. Si la concurrence peut être bénéfique en matière de qualité de service, nous nous interrogeons sur ses effets à l’égard des prix et de la préservation des lignes peu rentables. Élu d’une zone géographique où le mot « enclavement » a du sens, je ne peux que saluer cette volonté de maintenir les lignes secondaires et d’inciter les entreprises à les desservir.

La coordination de l’offre de transports sur l’ensemble de nos territoires doit également être assurée. L’usager doit rester au centre de l’organisation des dessertes sans pâtir de la multiplication des opérateurs. À cet égard, je salue la proposition de création par le texte d’un système commun d’information des voyageurs et de vente de billets.

Nombreux sont les points qui restent à trancher et qu’une proposition de loi ne peut avoir l’ambition de résoudre : avenir du statut du cheminot, du groupe ferroviaire intégré ; avenir des infrastructures et des financements, ou encore de la dette de SNCF Réseau. Cependant, l’aperçu de la réforme proposée par le projet de loi ne semble pas non plus régler cette question. La présente proposition de loi constitue un prélude à un débat éclairé au sein de la Haute Assemblée, alors que le champ d’habilitation proposé par le Gouvernement demeure à ce stade imprécis. Ainsi, nous ne disposons pas de tous les éléments, notamment du plus essentiel de tous : l’issue des concertations avec l’ensemble des parties prenantes. Or cette réforme historique ne peut faire l’économie d’un dialogue fondamental.

Le groupe du RDSE, tout en reconnaissant la qualité de la proposition de loi, s’abstiendra toutefois sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe les Républicains se réjouit de l’inscription à l’ordre du jour de la Haute Assemblée de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. Ce texte est le fruit d’un important travail de fond mené pendant plusieurs mois en 2017 par le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey, et notre ancien collègue, Louis Nègre. Je les félicite pour la grande qualité de leur travail, qui s’inscrit dans une tradition sénatoriale qui compte des noms prestigieux comme ceux de François Gerbaud ou d’Hubert Haenel. Le ferroviaire et cette grande et belle entreprise qu’est la SNCF ont toujours fait l’objet d’un grand intérêt au Sénat.

La proposition de loi a pour objet de définir un cadre juridique adapté à la réforme ferroviaire, sans en anticiper les échéances. À l’origine, cette initiative visait à permettre aux parties prenantes de se préparer en amont, alors que l’insuffisante préparation de la libéralisation du fret ferroviaire a eu, nous le savons tous, des conséquences négatives. Elle va surtout nous permettre d’avoir un vrai débat au Sénat sur notre système ferroviaire, un débat que le projet de loi d’habilitation du Gouvernement n’autorisera pas.

En dépit de réelles réussites et de profondes transformations opérées ces dernières années, la SNCF fait face à des difficultés structurelles importantes : infrastructures vieillissantes, exploitation complexe, qualité de service insatisfaisante ou modèle économique déséquilibré.

Au-delà des moyens financiers nécessaires pour maintenir ce patrimoine ferroviaire, le moderniser, nous devons avoir une vision pour notre entreprise publique. Compte tenu de l’ouverture prochaine du marché du transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence et face à l’attente légitime de nos concitoyens, la SNCF doit impérativement se réinventer. Elle doit continuer de remplir la mission de service public qui lui est confiée et, plus généralement, faciliter la mobilité de tous les Français. J’y insiste, de tous les Français ! J’ai d’ailleurs déposé un amendement visant à préserver les dessertes directes des villes moyennes par des services de TGV ; je présenterai également un amendement tendant à renforcer le pouvoir de l’ARAFER dans l’obligation de transparence pour la transmission de données.

Dans le cadre de cette réforme, les efforts devront être partagés. En effet, l’État doit prendre sa part de responsabilité afin d’assurer la viabilité économique du système ferroviaire. Trop souvent, par le passé, l’État a fait supporter à la SNCF l’insuffisance des financements publics, ce qui a provoqué un endettement colossal de cette entreprise publique.

Cette reprise de la dette sera un point crucial lors de l’ouverture à la concurrence. Aussi, madame la ministre, nous aimerions vous entendre sur ce sujet très important.

L’ouverture à la concurrence peut être l’occasion d’optimiser le système de transport ferroviaire de voyageurs en s’inspirant de la réussite d’une telle réforme dans d’autres pays européens. Cette proposition de loi est donc une véritable occasion à saisir pour le Gouvernement. Elle présente deux avantages : légiférer plus rapidement et permettre un véritable débat parlementaire.

Pour toutes ses raisons, le groupe Les Républicains votera ce texte.

Applaudissements sur les tra vées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Victor Hugo a un jour déclaré : « Je suis réconcilié avec le chemin de fer, c’est décidément très beau. »

S’il est une ambition que nous partageons tous dans cet hémicycle, c’est bien de parvenir à cette réconciliation et de pouvoir, collectivement, écrire l’avenir de notre chemin de fer. Car, oui, le chemin de fer est une partie intégrante de l’histoire de notre pays ! Il a apporté une contribution éclatante à l’aménagement de notre territoire national, du nord au sud et de l’est à l’ouest. Notre imaginaire collectif y est à jamais associé grâce à Émile Zola, à Jean Renoir ou à cette image inoubliable de Jean Gabin dans La Bête humaine, sans oublier Claude Monet et ses versions de la gare Saint-Lazare. Le rail, les gares, le train, voilà bien ce qui forge notre ADN collectif, voilà le ciment de notre grand roman national !

Avec près de 29 000 kilomètres de lignes exploitées – sans intégrer les 2 800 kilomètres de ligne à grande vitesse – et près de 3 000 gares, notre réseau ferroviaire se classe en deuxième position en Europe. Pourtant, mes chers collègues, nous partageons sur ces travées le même constat : notre système ferroviaire est malade, encalminé, et il est essentiel qu’il se réinvente et se régénère pour être un acteur du formidable chantier des mobilités du quotidien qui s’ouvre devant nous.

Madame la ministre, vous avez fait de la lutte contre « l’assignation à résidence » une priorité. Nous partageons tous, ici, cette volonté, qui doit être un marqueur fort de ce quinquennat. Ce combat est celui de tous les acteurs de la mobilité et, au premier rang d’entre eux, du service public ferroviaire, à la seule condition qu’il soit à la hauteur du rendez-vous.

Tel est bien là l’objectif premier que poursuit le Gouvernement avec le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, présenté le 15 mars dernier. Cela nous donne l’occasion de mettre un terme au débat qui agite une partie des élus de notre assemblée quant à la confiscation du débat parlementaire qui en serait la conséquence.

N’ayons pas la mémoire courte, mes chers collègues. Rappelons que de grandes réformes sociales, porteuses de progrès, ont emprunté le même chemin. La sécurité sociale en 1945, ou bien encore le temps de travail, l’établissement de l’âge de la retraite à soixante ans, la cinquième semaine de congés payés en 1982 en sont quelques exemples patents, mais il y en a d’autres.

Nous aurons un véritable débat, sans tabou aucun, sur l’avenir de notre service public ferroviaire, sans éluder aucune question, ce qui a été trop souvent le cas toutes ces dernières années. Le débat aura lieu, et je ne doute pas un seul instant que le Parlement saura faire entendre sa voix.

Dans ce contexte, nous pouvons donc nous interroger légitimement sur l’opportunité de l’examen de cette proposition de loi articulée autour de l’ouverture à la concurrence et qui laisse de côté bien des sujets essentiels pour l’avenir de notre service public ferroviaire. L’inscription rapide de ce texte à notre agenda peut être sujette, dans le contexte du moment, à bien des interprétations, mais je préfère m’en tenir au fond et ne pas entrer dans telle ou telle polémique stérile.

Sur le fond, soyons clairs, nous ne rejoignons pas forcément la position des auteurs de la proposition de loi, qui souhaitent accorder « des droits exclusifs aux entreprises ferroviaires pour l’exploitation des services de transport ferroviaire à grande vitesse, en contrepartie de la réalisation d’obligations de service public définies en fonction des besoins d’aménagement du territoire ». Comment imaginer qu’un cadre aussi contraignant garantisse un service de qualité aux usagers et un aménagement équilibré du territoire ferroviaire sans proposer des contreparties financières qui devraient être versées à un moment ou à un autre ? Qui plus est, sa faisabilité nécessiterait une mise en œuvre de moyens humains et financiers qu’il semble bien impossible de mobiliser. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder l’exemple britannique.

Nous partageons la volonté de mise en œuvre d’un modèle, d’un cercle vertueux, qui sera profitable aux usagers, aux entreprises ferroviaires, à l’État, aux collectivités territoriales et à l’aménagement du territoire. Le libre accès, ou open access, est une réponse qui peut paraître, de prime abord, déstabilisante, mais elle est surtout dynamisante. Chacun convient en effet de la nécessité d’instiller un aiguillon pour stimuler les exploitants et leur éviter de s’endormir sur leurs droits exclusifs.

Le libre accès relève d’un espace d’initiative et de liberté commerciale. Encore convient-il de le mettre en œuvre dans le cadre d’une refonte de la politique tarifaire des péages et d’un rôle conforté, voire accru, du régulateur qu’est l’ARAFER. En effet, nous parlons ici non de dérégulation sauvage, mais de prévisibilité tarifaire encadrée, qui permettra notamment aux opérateurs d’être des acteurs clés de la révolution et d’irriguer tout ou partie du territoire national à l’instar d’autres pays et du succès remporté sur des lignes pourtant condamnées si rien n’était fait.

Plus de trains qui roulent, plus de gares desservies, c’est à coup sûr renforcer l’offre des mobilités dans le pays, dans un cadre tarifaire supportable pour tous.

Le cadre tarifaire est une constante dans notre histoire nationale. Je ne résiste donc pas au plaisir de partager avec vous, mes chers collègues, ces mots d’Alphonse Allais : « Les tarifs des chemins de fer sont aménagés d’une manière imbécile. On devrait faire payer des suppléments pour les retours… puisque les gens sont forcés de revenir. »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Au regard du formidable débat qui nous attend et de la concertation que vous avez initiée avec toutes les parties prenantes, madame la ministre, cette proposition de loi est comme ce voyageur sur le quai qui regarde partir le train qu’il vient de manquer. Nous avons en effet devant nous un défi immense.

Le débat sur l’avenir du service public ferroviaire, nous l’aurons. Nous y aborderons tous les points : la transformation souhaitée de l’EPIC, la gouvernance de la SNCF, le calendrier souhaitable de l’ouverture à la concurrence, ses conséquences sur le matériel, le devenir de nos gares, sans oublier la question du statut des cheminots et la nécessité que nous avons de travailler à son devenir avec les femmes et les hommes qui font notre système public ferroviaire.

Au final, parce que l’avenir de notre service public ferroviaire ne se résume pas à la seule question de l’ouverture à la concurrence, le groupe La République En Marche votera contre cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, l’histoire du rail français fait partie intégrante de l’histoire de France. Il s’agit d’un patrimoine national, de ceux qui font la grandeur de notre pays, de ceux auxquels les Français sont particulièrement attachés.

De fait, notre système ferroviaire a toujours compté parmi les meilleurs au monde. Par son maillage extrêmement dense, il est un facteur essentiel d’égalité entre les citoyens et d’unité territoriale. Il assure tant la vitalité des territoires français que la cohésion du pays. Alors que la fracture territoriale et la transition écologique comptent parmi les défis majeurs du siècle, il est primordial de préserver notre réseau et notre excellence ferroviaires.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, dans la même veine que le projet d’ordonnances gouvernementales que nous examinerons demain, constitue un retour en arrière malvenu. En effet, il y a près de quatre-vingts ans, la SNCF a été créée pour pallier les difficultés d’investissements et d’organisation du secteur ferroviaire.

En 1937, pour mettre un terme à la myriade inopérante de petites compagnies privées, le Front populaire a décidé de les unifier en une seule compagnie nationale. Cette décision historique a conféré à la puissance publique un rôle essentiel de stratège qui permettra à la SNCF non seulement d’atteindre l’excellence, notamment avec la création du TGV, mais aussi d’achever le maillage du territoire et d’assurer une nécessaire péréquation entre les lignes rentables économiquement et les lignes rentables socialement.

Aujourd’hui, c’est tout cela que menace l’ouverture à la concurrence imposée par la délétère idéologie néolibérale de l’Union européenne. Non contente de répondre aux exigences de Bruxelles, cette proposition de loi fait du zèle. J’en veux pour preuve la privatisation des gares dont ce texte porte les germes, privatisation qui affaiblira, sans qu’il soit permis d’en douter, la densité du réseau.

Plus largement, selon une logique libérale bien connue de privatisation des profits et de socialisation des pertes, c’est tout le réseau secondaire qui restera à la charge du contribuable et est, à terme, menacé de disparition progressive. Une telle perspective est plus qu’alarmante quand on examine les nombreuses enquêtes d’opinion en France, aux États-Unis ou en Autriche, qui établissent une corrélation irréfutable entre l’éloignement d’une gare et le vote en faveur de l’extrême droite ou des populistes. Supprimer une gare, supprimer une ligne, c’est renforcer ce sentiment d’abandon qui mine la concorde nationale. Ainsi, on s’achemine plus vers le catastrophique modèle britannique de privatisation totale du système ferroviaire – sur laquelle veut revenir une grande majorité de la population de Grande-Bretagne – que vers les modèles japonais ou allemand, souvent pris en exemple d’une ouverture à la concurrence réussie. À y regarder de plus près, il faut souligner que, dans les deux cas, la puissance publique a conservé un rôle essentiel de stratège.

Au Japon, après un investissement public massif dans le réseau, la compagnie nationale a été divisée en six compagnies régionales. La dette a été répartie intelligemment entre l’État et les compagnies rentables. Le désengagement de l’État est tout à fait relatif, puisqu’il exerce toujours un strict contrôle sur les tarifs des billets et subventionne les compagnies déficitaires qui ont en charge les territoires les moins densément peuplés. Une réglementation claire et exigeante a été mise en place en cas de fermeture de ligne. De fait, la concurrence est limitée aux seules lignes extrêmement rentables de la mégalopole japonaise.

En Allemagne, l’ouverture à la concurrence s’est accompagnée de la prise en charge par l’État des 35 milliards de dette de la Deutsche Bahn et de 50 milliards d’investissements supplémentaires pour la rénovation du réseau. La Deutsche Bahn est restée une compagnie publique assurant une mission de service public.

On le voit, ces deux pays ont assumé la reprise de la dette ferroviaire et des investissements massifs dans leur réseau avant la mise en concurrence. Or ni cette proposition de loi ni le futur projet gouvernemental n’envisagent cela. Ils ne répondent donc pas aux deux problèmes structurels de la SNCF : sa dette colossale et la vétusté de son réseau, qui sont l’une et l’autre fruits de la stratégie du tout-TGV, lequel a trop longtemps mobilisé des financements massifs et obéré les besoins du réseau du quotidien.

Pour remédier à ces problèmes, notre groupe, en prenant toute sa place dans le débat, vous proposera des solutions concrètes, telle la renationalisation des autoroutes ou la mise en œuvre d’une écotaxe afin de dégager des ressources pérennes pour la SNCF. En effet, comme toujours, nous abordons ce débat à l’envers. À rebours d’un enjeu comptable, nous affirmons un enjeu de service public ; une mission de service public de proximité, assurée par des agents dévoués, qui ne sauraient être les épouvantails des difficultés de la SNCF et qui doivent, contrairement aux attaques pernicieuses que contient cette proposition de loi, être confortés dans leur statut. Loin d’être des privilèges, leurs acquis sociaux devraient être la norme pour toute travailleuse et tout travailleur de ce pays. En cette journée de célébration de l’héroïsme français, on rappellera opportunément que la convention collective des cheminots doit beaucoup à leur engagement fondamental dans la Résistance.

Pour conclure, je voudrais dire que la réflexion sur l’avenir de la SNCF doit partir des besoins et non des moyens : du besoin de mobilité de tous nos territoires, nous l’avons dit, et du besoin impérieux de transition écologique. Si l’on excepte le matériel vétuste, le ferroviaire est de très loin le mode de transport le moins émetteur de gaz à effet de serre. Deux ans après la signature de l’accord de Paris, comment peut-on encore envisager de remplacer des trains par des cars ? Comment peut-on encore envisager de remplacer des trains de fret par des poids lourds sur nos routes, conséquence systématique de la libéralisation du rail ?

Vous l’aurez compris, de notre point de vue, cette proposition de loi n’apporte aucune solution aux problèmes actuels du rail français. Pis, elle risquerait de les aggraver ! Sans surprise, le groupe CRCE ne la votera pas.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens, en préambule, comme les orateurs qui m’ont précédée, à remercier MM. Hervé Maurey et Louis Nègre, qui, par cette proposition de loi, nous placent dans une démarche vertueuse d’anticipation de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire français. Une attitude frileuse, une attitude de blocage ou un manque d’anticipation pourraient nous faire manquer ce qui doit être une opportunité. Si nous attendons en rentrant la tête dans les épaules une ouverture subie comme une contrainte, nous regarderons passer le train, ce qui est un jeu de mots facile…

Au contraire, et puisque nombre d’entre nous n’ont guère envie de plaisanter sur le sujet, il faut que cette ouverture à la concurrence conduise à une amélioration du service pour les usagers et à une réduction des coûts. Il faut que ce changement soit une stimulation positive et saine, y compris pour l’opérateur historique. Voilà le fond de ce texte, et il ne peut faire que l’unanimité !

Cela étant, nos débats posent une question de forme sur laquelle je souhaite revenir pour clarifier la position du groupe Union Centriste.

Le Gouvernement, qui invoque des arguments de calendrier, propose de légiférer par ordonnances. Or nous venons de perdre des mois précieux qui auraient dû être destinés à un travail de fond collectif sur ce sujet capital. La proposition de loi d’Hervé Maurey et de Louis Nègre a en effet été déposée au mois de septembre. Il s’agit d’un texte abouti, qui a d’ores et déjà recueilli un avis favorable du Conseil d’État. Ce texte n’est pas concurrent de la loi sur les mobilités, il est concurrent des ordonnances.

Nous ne remettons pas en cause le principe du recours à l’ordonnance, c’est une modalité constitutionnelle de législation qui est encadrée. D’ailleurs, nous sommes probablement nombreux dans cet hémicycle à avoir soutenu, au moins une fois, un gouvernement qui se proposait de légiférer par ordonnance. La question, c’est l’opportunité d’utiliser ce procédé sur ce sujet particulier. Ce qui est choquant, c’est de réformer le système ferroviaire par ordonnances. Nous sommes les représentants des territoires. Nous avons trop à dire sur ce sujet stratégique d’aménagement du territoire. Nous ne pouvons pas être privés de ce débat !

Les Assises nationales de la mobilité ont exclu le sujet du ferroviaire au motif que des rapports importants étaient attendus. Et maintenant, il serait trop tard ? C’est la mission du Sénat de faire entendre la voix des territoires. Le Gouvernement ne peut pas se priver de ses contributions, vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, le débat doit porter ses fruits et nourrir la réforme. Il doit avoir lieu, et il s’engage ce soir, grâce au texte de Louis Nègre et d’Hervé Maurey.

Sur le fond, les ordonnances gouvernementales semblent devoir ne proposer qu’une transposition sèche du droit européen. Or ce serait purement et simplement rééditer la même erreur que nous avons commise en matière de couverture numérique du territoire et que nous ne cessons de payer et d’essayer de réparer.

Voici la principale divergence entre les ordonnances et notre texte : tandis que les rapports Borne et Spinetta préconisent une ouverture à la concurrence en open access pur, nous proposons des « packages territoriaux », des « lots ». Autrement dit, il ne faut pas mettre sur le marché les lignes les plus rentables que tout le monde voudra, sans contrepartie de desserte territoriale. Ce que propose le présent texte est de n’attribuer les lignes rentables qu’en contrepartie d’engagements d’exploitation et de desserte du réseau secondaire sur une zone géographique donnée.

Nous sommes à l’heure où la logique comptable étouffe les territoires ruraux, à l’heure où, en brandissant une implacable calculette, on nous explique qu’il n’y a pas d’autre choix que de fermer des écoles et des classes, de fermer des services hospitaliers et des maternités, de fermer des trésoreries et des bureaux de poste, et même de diminuer le nombre de parlementaires ! Faisons le choix, pour une fois, de protéger sciemment certains services « non rentables », en les considérant comme des éléments structurants indispensables des territoires ruraux. Faisons ce choix avant que les lignes secondaires n’aient disparu !

Madame la ministre, entendez notre inquiétude. Nous connaissons bien, nous qui sommes élus ruraux, le sens du terme « redéploiement », qui ne signifie, dans nos campagnes, que fermetures et éloignement des services. Nous n’en pouvons plus ! Les électeurs perdent patience et confiance !

Cette réforme pose d’autres problèmes sur lesquels nous allons nous pencher : celui, bien évidemment, des modalités de transfert des salariés, celui de l’accès aux données de l’opérateur historique, celui du degré d’exigence en termes de normes environnementales, celui du transfert des gares et du matériel, celui de la dette chronique et croissante de SNCF Réseau. Mais le seul cap que nous devons avoir, c’est l’amélioration du service aux usagers, à l’occasion de ce qui doit être une impulsion nouvelle. Le groupe Union Centriste votera donc la proposition de loi Maurey-Nègre, qui est, pour une fois, un vrai texte d’aménagement du territoire.

Je souhaite, pour conclure, citer notre auteur nivernais, Jules Renard, qui disait, au début du XXe siècle : « Le train, l’automobile du pauvre. Il ne lui manque que de pouvoir aller partout. »

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je tiens à remercier notre collègue Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre du travail qu’ils ont accompli dans le cadre de cette proposition de loi pour anticiper, préparer la mise en œuvre de l’ouverture à la concurrence. Je veux aussi saluer les objectifs qui ont guidé ce travail, qui sont les mêmes que les vôtres, madame la ministre : améliorer la qualité et réduire le coût du service, plaçant ainsi l’usager, le voyageur au cœur de nos préoccupations.

Deux sujets parmi tant d’autres qui pourraient être traités ont particulièrement retenu mon attention.

Le premier, c’est l’aménagement du territoire. L’article 4 introduit très clairement cette notion d’autant plus importante qu’elle est trop souvent mise de côté – nous l’avons tous affirmé – au profit de logiques financières ou économiques. Afin d’éviter la disparition de liaisons dites « déficitaires », mais indispensables à l’aménagement du territoire, le texte prévoit – je cite l’exposé des motifs, parce qu’il est important sur ce point – que « L’État accordera aux entreprises ferroviaires des droits exclusifs pour l’exploitation des services de transport ferroviaire de voyageurs à grande vitesse, en contrepartie de la réalisation d’obligations de service public définies en fonction des besoins d’aménagement du territoire ».

Une telle disposition répond aux préoccupations que j’ai pu moi-même, comme d’autres, exprimer dans cet hémicycle à plusieurs reprises. La desserte fine de nos territoires par le TGV ne doit pas être remise en cause. La logique purement financière ne doit pas se substituer à l’aménagement du territoire. Je le dis avec d’autant plus de force que les 230 dessertes de TGV actuelles sont bien souvent le résultat d’accords entre, d’une part, l’État et, d’autre part, la SNCF et les collectivités qui ont cofinancé ces lignes de TGV, comme dans le cas qui m’est cher, celui du TGV Est.

Madame la ministre, vous m’aviez assurée, lors d’un précédent débat, qui a eu lieu le 16 janvier, et vous l’avez redit tout à l’heure, que ces dessertes ne seraient pas remises en cause. Toutefois, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, il est important que des mesures soient prévues pour garantir le maintien de ces dessertes. Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiendrai l’article 4, tout en vous demandant si vous êtes favorable à cette mesure. Dans le cas contraire, qu’êtes-vous prête à mettre en place pour garantir le maintien de l’ensemble des dessertes de TGV ?

Le deuxième sujet concerne les fameuses petites lignes, très souvent évoquées dans nos débats. Ce qui nous inquiète, c’est, bien sûr, le maillage de nos territoires par les trains régionaux qui relient les territoires les uns aux autres. Je pourrais citer l’exemple de la liaison Strasbourg-Saint-Dié, laquelle est une ville moyenne importante. Cette liaison, qui passe par la Vallée de la Bruche, permet de désenclaver et d’irriguer tout un territoire.

Si les petites lignes relèvent certes des compétences régionales, nous savons néanmoins que SNCF Réseau assure leur entretien et participe très souvent aux investissements de régénération. Il est donc important d’encadrer l’ouverture à la concurrence afin d’éviter que, là aussi, la logique financière ne domine.

Vous avez affirmé que vous étiez opposée à cette fermeture des « petites lignes », une expression que vous n’aimez pas, vous avez tenu à le rappeler. Une expression, il est vrai, particulièrement malvenue, car il n’y a pas de petites lignes, toutes les lignes sont importantes. Je vous pose donc la question : qu’êtes-vous prête à mettre en place pour garantir leur survie après l’ouverture à la concurrence ?

Madame la ministre, chers collègues, la proposition de loi est examinée dans un contexte particulier, puisque nous en discutons quelques semaines après la présentation du projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire » et en plein mouvement social – j’ai envie de dire « dans l’œil du cyclone » – des cheminots.

Le texte du Gouvernement que vous portez, madame la ministre, a également pour objectif de préparer l’ouverture à la concurrence, en application du quatrième paquet ferroviaire adopté par l’Union européenne. La méthode n’est pas la même, mais ces deux textes partagent des objectifs communs. Je formule donc le vœu, madame la ministre, que les discussions qui vont avoir lieu, aujourd’hui et demain, dans le cadre de cette proposition de loi seront prises en compte à l’avenir. Je pense en particulier aux deux points que j’ai évoqués, notamment l’aménagement du territoire, qui, pour l’instant, ne figure pas dans votre texte. Êtes-vous prête à prendre en compte cet aspect, qui nous semble essentiel, dans la future organisation ferroviaire française ? Je vous pose la même question sur les petites lignes : quels engagements êtes-vous prête à prendre dans le cadre du projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances ?

Madame la ministre, notre équilibre du territoire et la desserte des villes moyennes, comme des petites villes, méritent tout votre engagement !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le réseau ferroviaire de notre pays s’étend sur une longueur totale de près de 30 000 kilomètres, ce qui en fait le deuxième réseau ferroviaire d’Europe. Il a également été reconnu comme étant le cinquième meilleur réseau du monde, derrière la Suisse, le Japon, Hong Kong et Singapour. Malgré cela, des défaillances sont régulièrement constatées, et les récents incidents nourrissent une appréciation mitigée des Français envers l’opérateur historique.

Si la qualité du service doit être améliorée, l’ouverture à la concurrence constitue l’opportunité pour l’opérateur historique d’aller dans ce sens. Celle-ci est une obligation européenne depuis l’adoption du quatrième paquet ferroviaire, comme cela a été rappelé. Ce corpus de textes européens impose l’ouverture à la concurrence des TER et des trains d’équilibre du territoire dès le 3 décembre 2019. Pour les services commerciaux, c’est-à-dire les TGV, cette libéralisation devra être prévue par la loi à partir du 1er janvier 2019, pour une application effective à partir du 14 décembre 2020.

La proposition de loi de notre collègue et président de commission Hervé Maurey et de l’ancien sénateur Louis Nègre, dont nous débutons l’examen ce soir, est le fruit de nombreuses auditions et consultations. Elle vise à mettre en œuvre cette ouverture à la concurrence et à garantir son effectivité.

Les Français regardent outre-Manche et aspirent à une concurrence différente de celle qui a été instaurée au Royaume-Uni, pays qui ne brille pas par son transport ferroviaire. Regardons plutôt chez nos voisins italiens, allemands ou suédois et voyons ce qui marche.

Il faut s’y prendre tôt pour réussir cette transformation, mais les craintes sont nombreuses, les freins aussi. Le texte que nous abordons tend à lever les obstacles à une ouverture effective du transport ferroviaire à la concurrence, en ce qui concerne notamment l’accès des entreprises ferroviaires aux données nécessaires à la préparation des candidatures aux appels d’offres et à l’exploitation des services, sans oublier le transfert du personnel, la propriété des matériels roulants, l’accès aux ateliers de maintenance et aux gares.

Je n’entrerai pas dans le détail des dispositions de cette proposition de loi, car cela a été fait avant moi. Je tiens néanmoins à rappeler la problématique de l’aménagement du territoire.

Certes, certaines lignes sont rentables et d’autres le sont beaucoup moins. Mais nous devons veiller à toujours maintenir ces lignes, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, même si elles sont déficitaires, pour ne pas abandonner le milieu rural. L’activité économique, la vitalité des territoires ruraux en dépendent.

La desserte des territoires ruraux doit continuer à être effectuée. Dans le cas contraire, si les lignes étaient amenées à disparaître, certains départements verraient leur population décroître progressivement.

Si l’amélioration des lignes existantes constitue un objectif, il n’est jamais question des projets de réouverture de ligne. Or ces projets doivent être encouragés par l’État. Dans mon département, la Haute-Savoie, la croissance démographique explose. Avec 820 000 habitants, la population haut-savoyarde a augmenté de plus de 20 % en moins de dix ans.

Madame la ministre, je reparlerai d’un projet qui m’est cher, mais qui n’a toujours pas eu de réponse de votre part : la réouverture de la ligne du Tonkin ou RER Sud-Léman. Il s’agit d’un projet franco-suisse. La ligne ferroviaire d’Évian-les-Bains à Saint-Gingolph est le dernier maillon dans la boucle ferroviaire du lac Léman, en continuité du Léman Express, qui verra le jour en décembre 2019.

SNCF Réseau a donné son feu vert à ce projet de réouverture aux voyageurs, qui permettra de désenclaver l’est du Chablais. Il est soutenu par les collectivités françaises et suisses. La région a reconfirmé son engagement. Considérant l’importance de ce projet pour notre territoire, la réaffirmation des soutiens du côté français – je pense surtout à celui du Gouvernement – serait un bon signal envoyé à nos voisins suisses à l’heure où ils choisissent leurs orientations ferroviaires 2030 via l’appel à projets PRODES, programme de développement stratégique de l’infrastructure ferroviaire.

En tant que président du comité de pilotage ferroviaire, je suis évidemment fier de ce projet que nous portons avec Marion Lenne, députée du Chablais, mais également avec les élus français et suisses et les associations. Il est fondamental de penser à la mobilité du futur.

Sur le plan écologique, soulignons aussi que, si le rail reste l’un des modes de transport les plus écologiques, les usagers s’en détournent aujourd’hui peu à peu en raison du coût élevé, des retards et, désormais, des grèves. Ils ont d’autres options à leur disposition : le transport par bus, le covoiturage en sont quelques-unes. La libéralisation me semble indispensable à la survie du transport ferroviaire de voyageurs, face à la concurrence exacerbée des autres modes de transport.

Je voterai en faveur de cette proposition de loi. C’est pourquoi je souhaite à mon tour remercier notre collègue rapporteur, Jean-François Longeot, pour la qualité de son travail.

Pour conclure, je rappellerai que supprimer le monopole de la SNCF ne signifie pas s’opposer à cette entreprise. Je tiens, au passage, à saluer l’investissement des femmes et des hommes qui y travaillent. L’arrivée de nouvelles entreprises ferroviaires sur le marché doit certes permettre l’émergence de nouveaux services, de meilleure qualité et à un moindre coût, mais elle doit aussi encourager l’opérateur historique à offrir des services plus performants.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Monsieur le sénateur Jacquin, personne ne met en cause les cheminots, dont je connais l’attachement à leurs missions de service public.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

J’y reviendrai, monsieur le sénateur Bourquin.

Je le répète, personne ne met en cause les cheminots, …

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

… dont nous connaissons tous l’attachement à leurs missions de service public.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Nous sommes d’ailleurs tous attachés au service public ferroviaire et à notre grande entreprise nationale. Dans le même temps, je pense qu’on peut tous faire le constat que nous sommes aujourd’hui face à des impasses, qui sont d’autant plus complexes qu’on a trop tardé. Par exemple, quand le quatrième paquet ferroviaire a été adopté – cela ne date pas d’hier, puisque cela remonte à 2015 –, on aurait pu se préoccuper de préparer l’ouverture à la concurrence. On aurait pu aussi se préoccuper par le passé de traiter le modèle économique du système ferroviaire.

Je rappelle que, jusqu’à présent, aucun gouvernement n’avait considéré que la dette du ferroviaire était un problème. Je rappelle aussi que le précédent gouvernement a même remis un rapport au Parlement expliquant que la dette n’était pas un problème. C’est pourquoi, aujourd’hui, le Gouvernement doit conduire une réforme globale, dont je redis qu’elle passe par un investissement massif destiné à remettre à niveau un réseau qui souffre de décennies de sous-investissement, par une ouverture à la concurrence progressive et respectueuse des enjeux d’aménagement du territoire et par une modernisation sociale du secteur ferroviaire dans une logique d’équité…

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

… vis-à-vis de tous les salariés et de toutes les entreprises qui auront demain les mêmes métiers, ce qui renvoie à l’enjeu d’une convention collective du secteur. Enfin, cette réforme passe par la mise en place d’un nouveau cadre donnant à la SNCF tous les atouts, en particulier une trajectoire financière soutenable et équilibrée dans la durée, ce qui pose de fait la question de la dette.

Il me paraît par ailleurs souhaitable d’éviter les faux procès et les faux débats, qui ont trop souvent servi à justifier l’immobilisme.

Personne ne parle de privatisation de l’entreprise ou des lignes de transport du quotidien. Rappelons que ces dessertes sont réalisées sous la responsabilité des régions. Dans le passé, leur définition était confiée à la SNCF, mais aujourd’hui comme demain ce sont les régions qui définissent et définiront les dessertes, les horaires et les prix des billets.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je ne comprends même pas le concept de ligne de TER rentable ou pas. Je vous rappelle que le voyageur paie en moyenne 25 % du prix réel du billet. Ces lignes sont donc des services publics largement subventionnés par des régions qui conserveront la responsabilité de définir les services nécessaires à leurs habitants et à leurs entreprises.

Je voudrais également redire qu’il n’est pas question de régionaliser les lignes UIC 7 à 9. Ce serait, dit-on, l’intention du Gouvernement. Là encore, c’est un faux débat ! Parlons plutôt de la vraie réforme proposée par le Gouvernement, car jamais nous n’avons parlé de régionaliser les lignes UIC 7 à 9. Ces lignes recouvrent des réalités très différentes : certaines sont des capillaires fret – elles représentent 30 % à 40 % du trafic de fret ferroviaire et sont à ce titre essentielles au transport de fret – ; certaines sont des grandes lignes d’aménagement du territoire, telle la ligne Nantes-Bordeaux, qui représente clairement un enjeu national ; d’autres, enfin, sont des lignes d’intérêt plus local. Quant à ces dernières, je répète que le Gouvernement s’est engagé aux côtés des régions, dans le cadre des contrats de plan actuels, à hauteur de 1, 5 milliard d’euros et qu’il respectera cet engagement.

Je voudrais aussi redire que le transport ferroviaire n’a été exclu ni des Assises nationales de la mobilité ni des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures. Le modèle économique du transport ferroviaire et la soutenabilité de sa trajectoire financière n’ont effectivement pas été traités dans le cadre des Assises nationales de la mobilité, parce que ce n’est pas forcément, selon moi, un sujet dont nos concitoyens souhaitent débattre. En revanche, nous avons clairement examiné dans le cadre des Assises nationales de la mobilité la mise en place, dans tous les territoires, d’autorités organisatrices chargées d’organiser des rabattements de transports vers les gares, qui ont vocation, demain plus qu’aujourd’hui, à être les nœuds et même le cœur de notre système de mobilité.

Ce sujet a été au cœur des Assises nationales de la mobilité, de même que la responsabilité globale des régions dans la coordination de la mobilité sur leur territoire par des systèmes d’information multimodale et des billettiques intégrées. On a donc bien traité dans ce cadre des enjeux du transport ferroviaire. De même, on a vu cet après-midi que les propositions du Conseil d’orientation des infrastructures traitent bien d’enjeux du transport ferroviaire tels que la désaturation des nœuds ferroviaires.

Je terminerai mon propos sur un point de méthode.

J’ai bien entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, votre questionnement au sujet des ordonnances. Je voudrais redire que la concertation nous permettra d’écrire le projet de loi qui pourra être débattu sur le fond à l’Assemblée nationale et dans votre assemblée. J’ai eu l’occasion d’indiquer aux organisations syndicales et aux représentants des entreprises et des régions que je souhaitais pouvoir, dans les prochains jours, tirer parti de cette concertation pour que l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire soit examinée dans le cadre du projet de loi et non de futures ordonnances.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Chapitre Ier

Dates et modalités de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 2, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France, par l’intermédiaire de la ministre chargée des transports, demande aux instances européennes la réalisation d’un bilan contradictoire sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.

La ministre demande également la réalisation d’un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire.

La parole est à M. Fabien Gay.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Par cet amendement, et les neuf qui viennent à sa suite, notre groupe entend faire entendre des propositions. À travers celui-ci, nous souhaitons porter une idée simple : la France ne peut pas être simplement l’exécutant zélé de la Commission européenne.

Alors que les paquets ferroviaires se succèdent depuis des décennies, il est selon nous plus que temps de faire un bilan des politiques de libéralisation tant des transports de marchandises que des transports de personnes. Les monopoles ont été brisés et les marchés ouverts à la concurrence sans qu’aucun bénéfice puisse être mis en exergue pour les usagers ou pour la société dans son entier. L’Europe du rail est encore un vœu pieux.

Partout en Europe, ces recettes produisent la disparition de lignes, l’explosion des prix, la vétusté des installations et des trains, la disparition du fret et la diminution du nombre de cheminots. En Angleterre, les tarifs ont explosé. En Italie, l’ouverture à la concurrence s’est traduite par une multiplication des accidents. En France, l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire a conduit à une réduction de l’offre, à des infrastructures laissées à l’abandon et à une activité abandonnée, car jugée trop peu rentable.

C’est toute la population qui paie triplement l’addition : financièrement, d’abord, mais aussi par l’inégalité territoriale induite et par l’altération de sa santé du fait de la pollution générée. Les camions remplacent les trains qui ne roulent plus, et la pollution aux particules fines cause 48 000 morts par an. Pouvons-nous réellement continuer comme cela ?

Nous estimons donc qu’il convient que la France propose à ses homologues européens, avant toute nouvelle législation en la matière, la réalisation d’un bilan contradictoire sur l’impact de la libéralisation du transport ferroviaire en matière d’emplois, d’aménagement du territoire et de qualité du service rendu. Nous souhaitons également la réalisation d’un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire. En effet, tout report sur la route a des conséquences désastreuses. Les transports sont l’un des secteurs les plus émissifs. Il s’agit donc d’un véritable levier pour donner du sens aux engagements européens en faveur du report modal et d’une baisse globale des émissions de gaz à effet de serre, conformément aux accords pris dans le cadre de la COP 21.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Cet amendement vise à adresser une injonction au Gouvernement, ce qui est contraire au principe de séparation des pouvoirs. Dès lors, notre commission n’a pu émettre qu’un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je voudrais, pour ma part, vous confirmer, monsieur le sénateur, qu’une étude d’impact a bien été réalisée à l’échelon européen avant l’adoption du quatrième paquet ferroviaire. Par ailleurs, les régions demandent cette ouverture à la concurrence. L’enjeu est donc bien de permettre à la SNCF, aux cheminots et aux régions de se préparer pour une ouverture à la concurrence réussie.

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

C’est un amendement d’appel. En effet, il me semble quand même qu’à un moment donné il faut s’interroger. Nous avons vécu vingt ans de privatisations et de libéralisation dans plein de domaines : non seulement les transports, mais aussi l’énergie ou les télécoms. Nous sommes un certain nombre, ici, à avoir connu et à nous rappeler l’époque où des entreprises publiques à 100 % détenaient des monopoles, qu’il s’agisse de France Télécom, de GDF ou d’EDF.

Les privatisations et la libéralisation ont-elles conduit à un plus pour les consommateurs et les consommatrices ? J’ai posé une question similaire, il y a dix jours, à la présidente de l’Autorité de la concurrence, lors de son audition par la commission des affaires économiques : « Puisque vous représentez les consommatrices et les consommateurs, pouvez-vous me dire quel est le bilan, après vingt ans, des privatisations intervenues dans un certain nombre de domaines ? » Je vous avoue qu’elle a été bien embêtée pour me répondre. Elle a simplement pu me dire que, pour ce qui est des télécoms, on peut dire qu’il y a eu un plus, mais que, pour le reste, le bilan était mitigé et que le temps lui manquait pour répondre de manière plus détaillée.

Pour ma part, je pense qu’il est grand temps que nous ayons un débat de fond. Prenons le cas de l’électricité : depuis qu’EDF n’est plus un monopole détenu à 100 % par le public, le prix de l’électricité a explosé de 42 %, alors qu’on nous avait vendu cette privatisation en affirmant que la concurrence et la libéralisation allaient faire baisser les prix. C’est faux ! Les chiffres le montrent !

Quant au transport ferroviaire, les chiffres seront les mêmes : c’est un véritable désastre partout en Europe où l’on a privatisé. On nous dit d’aller voir en Italie. Eh bien, j’ai moi-même pris le train en Italie, et c’est pire que le RER B, que j’emprunte tous les matins ! Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que je n’ai pas envie que le rail français devienne le rail italien !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 3, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la première phrase du sixième alinéa du II de l’article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Afin de répondre à la demande de trafic ferroviaire par wagons isolés, ce système de production est déclaré d’intérêt général. »

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Nous souhaitons, par les amendements que nous avons déposés, proposer la voie d’une autre réforme ferroviaire, d’une réforme qui réponde à l’intérêt général. En ce sens, nous considérons qu’il convient d’agir par tous les moyens pour le rééquilibrage modal, notamment dans le domaine du transport de marchandises.

Les transports sont l’un des modes les plus émissifs de gaz à effet de serre. Ce secteur représente plus de 30 % de ces émissions pour la France. Les émissions ont même augmenté de 0, 9 % en 2015 en France, selon les derniers chiffres dont nous disposons. Pis, deux ans après la signature de l’accord de Paris sur le climat, les résultats sont décevants : selon ces chiffres provisoires, publiés par le ministère de la transition écologique, en 2016, la France aurait émis 463 millions de tonnes de gaz à effet de serre, en hausse par rapport à 2015.

Il nous semble dès lors qu’il est plus que temps que les pouvoirs publics interviennent et créent un cadre juridique qui permette de limiter ces émissions.

Dans ce cadre, le développement du fret ferroviaire est un levier important. En effet, alors que le Grenelle de l’environnement souhaitait porter la part du fret non routier à 25 % à l’horizon de 2022, chaque année le fret ferroviaire perd des parts de marché. Aujourd’hui, il représente moins de 10 % du fret global.

Alors que le réseau routier s’est largement développé en trente ans, le réseau ferroviaire, lui, a régressé. Cette situation est la conséquence directe des politiques de désengagement de l’État de ce secteur d’intérêt général. La politique de volume a été remplacée par la volonté de développer uniquement les autoroutes ferroviaires, au détriment de l’activité du wagon isolé.

À l’inverse, nous proposons de longue date de déclarer le fret d’intérêt général. Nous l’avons encore proposé au Sénat en décembre dernier au travers d’une proposition de résolution. Une telle démarche permettrait son subventionnement direct sous forme d’aide publique et, ainsi, son développement. D’autres pays européens s’engagent dans cette voie. La décision récente de la Commission européenne sur le cas italien crée ainsi un précédent bienvenu pour investir dans le rail sans risque de distorsion de concurrence.

La France, qui a accueilli la COP 21, se doit d’être exemplaire dans ses politiques environnementales. Pour cela, il convient de déclarer le fret ferroviaire d’intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Madame la sénatrice, vous proposez, dans cet amendement, de reconnaître le transport de marchandises par wagon isolé comme un service d’intérêt général. Or il s’agit d’un service commercial et non d’un service public.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ça, c’est fort ! Au moins, la chose est dite !

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je partage tout à fait votre ambition, madame la sénatrice, de voir le fret ferroviaire assumer une part plus importante du transport de marchandises. J’estime néanmoins que cela s’accomplira, non pas par des déclarations de principes ou par des objectifs de part de marché, mais bien par des actions concrètes. Il faudrait notamment restaurer une concurrence plus loyale de la part du transport routier, ce qui passe notamment par le paquet mobilité et par l’application de la directive Travailleurs détachés au transport routier. C’est l’un des enjeux du Conseil Transports du mois de juin prochain.

Cela passe aussi par une plus grande participation des poids lourds qui transitent sur notre territoire au financement des infrastructures. Cela permettra d’avoir une concurrence plus équitable entre le rail et la route.

Cela passe en outre par des investissements qui puissent garantir des sillons de qualité. C’est tout le travail qui a été fait dans le cadre du Conseil d’orientation des infrastructures.

Cela passe enfin par une politique de péages pour le fret ferroviaire et par le maintien d’une politique d’aide au transport combiné.

Voilà donc des sujets importants dont nous aurons à débattre, notamment dans le cadre de la concertation que j’ai engagée pour la préparation du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Une réunion sera consacrée à ce sujet.

Je le répète, j’estime que cette ambition ne passe pas par des déclarations de ce type. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je peux tout à fait comprendre cet amendement, qui a trait au fret ferroviaire. Nous avons souvent évoqué ce problème. J’aurais bien voté cet amendement du groupe CRCE – une fois n’est pas coutume –, d’autant que j’ai déjà voté certains amendements de ce groupe relatifs au transport ferroviaire, domaine qui me passionne, comme beaucoup de nos collègues.

Il est vrai, certes, que l’objet de ce texte est le transport ferroviaire de voyageurs, mais il est important de faire le parallèle avec le fret. L’ouverture du fret ferroviaire à la concurrence remonte à 2003, et l’on assiste malheureusement depuis lors à une chute du trafic dans ce secteur. Les problèmes que rencontre le fret capillaire, notamment sur les petites lignes, sont aussi graves : maintenant, seul le service de trains complets est assuré ; il n’y a plus de wagons isolés. Cela est particulièrement dommageable.

C’est pourquoi je peux vraiment comprendre l’objet de cet amendement. J’ai en mémoire une proposition de loi sur le transport ferroviaire régional que nous avions examinée en décembre 2015 sur l’initiative de Mmes Beaufils et Didier. Il est vrai qu’alors aussi les collègues du groupe CRC avaient soulevé des problèmes très importants et sur lesquels je partageais leur préoccupation.

Sur cet amendement, je m’abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame la ministre, vous avez raison : il faut des actes. Je veux vous donner un chiffre ; dites-moi si je me trompe. Selon plusieurs rapports, le volume de marchandises à transporter devrait être multiplié par trois au cours des quinze prochaines années. On assistera donc, globalement, à une explosion du transport de marchandises. Or, aujourd’hui, le fret ferroviaire ne représente que 10 % de ce trafic, alors qu’on avait fixé un objectif général de 25 %. Pour l’atteindre, il faut donc des actes !

Alors, comment faire ? Voilà la véritable question ! On nous dit souvent qu’il faut aller voir ce que font les pays d’Europe du nord ; je suis donc allé voir ce qui s’y fait. Ils ont une approche très concrète : ils relient leurs ports au réseau ferroviaire. Or quand je me suis rendu, il y a un mois, à Saint-Nazaire, où j’ai rencontré la direction du port et beaucoup de syndicalistes des docks, mes interlocuteurs m’ont expliqué qu’ils voudraient faire du fret ferroviaire, mais que la voie ferrée est à 100 mètres. Il n’y aurait que 100 mètres supplémentaires de voie à construire, mais on ne le fait pas. Voilà un exemple très concret, madame la ministre ! Va-t-on s’engager dans cette direction ? Va-t-on, entre autres choses, relier tous nos ports et docks au réseau ferroviaire ?

Il se pose par ailleurs une véritable question sur le ferroutage.

Vous le voyez, nous faisons de vraies propositions. Des questions de moyens se posent, mais il existe des actions très concrètes qu’on pourrait faire tout de suite et qui ne coûteraient pas des centaines de millions d’euros. C’est sur de telles propositions qu’il faut que le débat se tienne, notamment autour du fret ferroviaire, parce que c’est une question économique, sociale, mais aussi écologique, et vous savez combien notre groupe est attaché à cet enjeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

La question du fret ferroviaire est essentielle. Pourquoi ? Nos routes, nos autoroutes sont engorgées. Ça ne peut pas continuer ainsi ! Certains pays, comme la Suisse ou l’Autriche, ont pris le problème à bras-le-corps et ont mis en place des politiques en faveur du ferroutage : les transporteurs, au-delà d’une certaine distance, ont obligation d’employer la voie ferrée. Pourquoi ne nous posons-nous pas ces questions en France ?

La vraie démarche à prendre, si nous voulons améliorer la qualité de l’air, est de mettre en place une politique de ferroutage, de mettre au gabarit européen certains tunnels par lesquels les conteneurs ne peuvent passer et de faire en sorte qu’on réhabilite les voies ferrées pour qu’on puisse ainsi traverser la France. Nous avons l’infrastructure, mais elle n’est pas au gabarit européen dans beaucoup de domaines. Nous avons donc besoin de rénovations et d’investissements lourds, mais ça en vaut la peine ! Combien a coûté la privatisation des autoroutes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

À aucun moment ce problème n’a été posé avant qu’on ne prenne la décision de les privatiser.

Quand on reconstruit l’ensemble des routes de France pour que des millions de camions les empruntent, on ne parle pas de la dette. Il faut payer, et c’est l’État qui s’en charge, ainsi que les régions et les départements ! Comment se fait-il que, lorsqu’on évoque la SNCF et, plus largement, le chemin de fer, on parle de dette ?

Je vous le dis franchement, madame la ministre, je ne pense pas comme vous : j’estime qu’un jour ou l’autre cette dette devra être épongée par l’État, parce qu’en réalité ce n’est pas une dette. En effet, il existe entre l’infrastructure routière et l’infrastructure ferrée une inégalité profonde et anormale. Pourquoi existe-t-elle ? Quand on transporte des marchandises par chemin de fer, on paie l’infrastructure, alors que, sur la route, on ne la paie pas. Quand fera-t-on payer les camions qui traversent la France par milliers ? Ça a été essayé en Bretagne, mais on a vite reculé : c’était une erreur !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Mais si ! Ce sont de vraies questions. Quand fera-t-on tout ça ? Dernière chose…

Marques d ’ impatience sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Vous pourrez me répondre, mes chers collègues, je n’attends que ça !

Madame la ministre, la dette de la SNCF, c’est l’équivalent de dix ans d’ISF.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Au travers de cet amendement, c’est une question de fond qui est posée.

Madame la ministre, je vous ai entendue, lors de votre réponse à la fin de la discussion générale, expliquer qu’il n’y avait pas de souci, parce que les régions ont aujourd’hui la capacité entière de décider de l’organisation territoriale des dessertes ferroviaires. Vous savez pourtant que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Or, aujourd’hui, les petits ruisseaux ont été complètement abandonnés.

Je suis un élu de la Lorraine et donc, aujourd’hui, de la région Grand Est. Notre région a acheté un matériel roulant performant, qui aurait pu permettre d’apporter un service plus rapide et de meilleure qualité. Toutefois, comme les petites lignes – ces petits ruisseaux – n’ont pas été entretenues, ce matériel n’est pas exploité aujourd’hui à sa hauteur. Somme toute, les TER qui circulent actuellement vont moins vite que les locomotives à vapeur de jadis et même, dans certains secteurs, parfois moins vite que des vélos électriques !

Nous avons donc un vrai souci, qui concerne aussi le dossier du fret ferroviaire, puisque les mêmes petites lignes voient circuler à la fois des trains de voyageurs et des convois de marchandises.

Je suis élu d’un petit département, les Vosges, qui est l’un des départements les plus désindustrialisés par rapport à sa population : nous sommes de ce point de vue le quatrième département de France. J’y constate, année après année, le recul quotidien de la livraison de fret par la SNCF, alors même que nous disposions d’un réseau absolument formidable qui irriguait nos territoires. Et cela se produit tout simplement parce que ces petits ruisseaux, ces petites lignes ne sont aujourd’hui plus en mesure effective d’absorber, au vu du temps requis et de la vitesse possible, à la fois le trafic de voyageurs et le transport de marchandises. Or vous n’ignorez pas, madame la ministre, combien le temps s’est aujourd’hui raccourci pour les entreprises : la gestion des stocks a été complètement modifiée, on doit assurer les livraisons en flux tendu. C’est pourquoi il est nécessaire que le fret ferroviaire ait la capacité de répondre en temps et en heure à la demande. Or l’arrosage territorial ne permet plus aujourd’hui de le faire.

Il s’agit donc bien d’un vrai sujet, et l’État ne pourra pas abandonner nos territoires. Oui, certaines choses peuvent être faites avec les régions, mais il faut au préalable que l’État assume sa responsabilité de remettre en état les petits ruisseaux pour en faire de grandes rivières !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je ne sais pas si la solution proposée par les auteurs de l’amendement n° 3 – déclarer le fret ferroviaire d’intérêt général – est la bonne. Je ne sais pas si l’adoption de cet amendement permettrait de régler le problème, mais la question posée n’en est pas moins réelle, importante et essentielle. Madame la ministre, nous demandons au Gouvernement d’y consacrer le plus d’attention possible.

Je voudrais illustrer cette importance à travers deux exemples. J’évoquerai en premier lieu une usine chimique d’un grand groupe allemand située dans un bourg de 2 000 habitants du département de l’Aisne. Pendant très longtemps, cette usine recevait d’Allemagne ses matières premières par wagon isolé. Certes, le service n’était pas totalement performant, et l’usine ignorait parfois où se trouvait le wagon, mais, dans la très grande majorité des cas, il finissait par arriver. Il a fallu se battre à un certain moment pour le maintenir, puis il y a eu une seconde attaque, et ce service a disparu. Aujourd’hui, ces matières, qui sont dangereuses, sont transportées par camion : c’est une aberration !

En second lieu, dans le même département, une communauté de communes, devenue communauté d’agglomération, a réalisé une zone de développement économique qui est reliée à la voie ferrée. Les travaux de raccordement sont réalisés, et l’entreprise qui s’installerait là n’aurait qu’à faire rouler ses wagons et à terminer la voie ferrée jusqu’à ses bâtiments. Or, en une dizaine d’années, la collectivité n’a reçu aucune proposition d’entreprises intéressées par ce raccordement au réseau ferré, tout simplement parce que le service rendu n’est pas de qualité.

Alors, je ne sais pas si je voterai pour cet amendement. Je ne le ferai peut-être pas, parce que la déclaration d’intérêt général n’est pas la bonne solution, mais le problème qui est soulevé par nos collègues du groupe CRCE est un vrai problème d’avenir, qui s’inscrit bien dans la modernisation du fonctionnement de nos transports et, en même temps, dans la modernisation de notre économie.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à zéro heure trente, afin que nous allions plus avant dans l’examen du texte.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 4, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 3221-1 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – des charges d’entretien des infrastructures et des coûts externes ; ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je trouve dommage, madame la ministre, que vous n’ayez pas répondu aux différentes questions relatives au fret, qui est un sujet structurant pour nos territoires comme pour nos entreprises. À ce titre, il mérite un véritable débat et, surtout, des réponses, et non de simples formules comme « il faut passer à l’action ». Justement, quels sont les actes que le Gouvernement nous propose en la matière ?

J’en viens à l’amendement n° 4.

Dans le même esprit que l’amendement précédent, nous souhaitons tracer les lignes d’une politique des transports permettant d’engager notre pays dans la voie du service public et de l’intérêt général. Dans ce cadre, comme nous l’avons déjà évoqué, la question du report modal de la route vers le rail semble centrale, afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Ce rééquilibrage est rendu aujourd’hui difficile du fait que le transport routier bénéficie, je le répète, d’un environnement législatif, réglementaire et fiscal largement favorable par rapport au rail. Il n’est qu’à prendre ce simple exemple : les opérateurs du rail participent au financement des infrastructures par le paiement de redevances à SNCF Réseau. Il n’en est pas ainsi pour la route, dont l’usage, hors autoroute concédée, est purement gratuit et totalement financé par les pouvoirs publics.

Cet amendement, reprenant une proposition que nous avons formulée dans la proposition de loi permettant la relance du secteur public ferroviaire pour le droit à la mobilité et la transition écologique déposée en 2012, tend à prévoir que toute opération de transport routier de marchandises doit aussi prendre en compte les coûts d’entretien des infrastructures, qui sont aujourd’hui supportés par les seules collectivités, et les coûts externes. Je précise que les coûts externes sont les coûts des effets négatifs du transport qui ne sont pas payés par les usagers eux-mêmes. Il en est ainsi des coûts du changement climatique, du coût de la pollution et de ses conséquences sanitaires, du bruit, de l’encombrement, autant d’éléments qu’il convient de prendre en compte dans la tarification des transports routiers.

Dans le même sens, la Commission européenne estime qu’un consensus se dégage parmi les scientifiques sur le fait que les coûts externes du transport peuvent être mesurés via des approches axées sur les meilleures pratiques et que des chiffres sont prêts pour être utilisés à des fins politiques. Ainsi, voilà presque vingt ans, en 2006, il avait déjà été calculé que les coûts externes relatifs aux transports représentaient 300 milliards d’euros par an, soit le PIB d’un pays comme la Suède.

Nous pouvons donc instaurer un véritable outil de rééquilibrage entre les différents modes de transport, en faveur du fret ferroviaire, en intégrant les coûts externes du transport routier dans sa tarification. Cela permettrait également de lutter contre le dumping social, qui se traduit souvent par une sous-tarification du service.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Cet amendement vise à inclure les charges d’entretien des infrastructures et les coûts externes dans le prix du transport public routier de marchandises. Cette question est tout à fait intéressante, mais reste très éloignée de l’objet de la proposition de loi, à savoir le transport ferroviaire de voyageurs. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je tiens à vous rassurer, madame la présidente Assassi, un débat sur le fret ferroviaire est prévu au sein de cette assemblée le 3 avril prochain. Nous pouvons donc nous concentrer aujourd’hui sur le transport de voyageurs, puisque nous aurons l’occasion de parler du fret ferroviaire la semaine prochaine.

Au demeurant, je suis tout à fait d’accord sur le fait qu’il est souhaitable que le transport routier paye davantage ses coûts d’entretien et ses coûts externes. Toutefois, il est ici proposé de faire payer les chargeurs, alors qu’il s’agirait de faire payer les camions. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 9, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’État, majoritairement représenté au conseil de surveillance de la SNCF, propose au directoire, et notamment au vice-président représentant SNCF Réseau, l’instauration d’un moratoire sur la fermeture des gares de triages, les points de desserte fret et la suppression des effectifs à Fret SNCF.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Nous proposons un moratoire sur la fermeture des gares de triage, qui sont essentielles pour le maintien et le développement du fret ferroviaire, pilier de la transition écologique. On rappellera une nouvelle fois cet objectif d’intérêt général ainsi que les engagements de la France lors des accords de Paris. Comment comptons-nous mettre en œuvre cette transition si nous laissons le fret ferroviaire perdre du terrain face au fret routier ?

Le développement du fret est un outil indispensable pour diminuer la circulation massive des poids lourds et la pollution, ainsi que la gêne qu’elles engendrent. Ainsi, nous proposons un moratoire sur la fermeture des gares de triage, dont la résorption est un non-sens écologique. Nous étions presque unanimes sur ce point lors de l’examen de la proposition de résolution de notre groupe voilà à peine trois mois.

Nous vous invitons donc, chers collègues, à voter cet amendement, en cohérence avec nos positions antérieures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Comme à l’amendement n° 2, il s’agit là d’une injonction adressée au Gouvernement, ce qui n’est pas conforme au principe de séparation des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Qui plus est, cet amendement porte sur le fret, qui n’est pas l’objet de la proposition de loi. L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je tiens à préciser qu’il n’y a pas de projet de fermeture d’installations ferroviaires. L’enjeu premier, c’est que des entreprises de fret ferroviaire utilisent ces installations. Le second enjeu, c’est l’état de ces installations : il faut notamment prévoir des investissements sur des voies de service. Je vous rassure, dans le cadre de la trajectoire financière de SNCF Réseau à laquelle nous sommes en train de travailler, ces besoins d’investissement seront bien pris en compte.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 6, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le réseau ferroviaire est propriété de la Nation.

La parole est à M. Fabien Gay.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Par cet amendement simple, nous souhaitons affirmer une position de principe, qui tend à être mise à mal par les réformes successives.

Nous estimons que le réseau ferré national, construit principalement grâce à l’impôt de nos concitoyens, doit être exclusivement détenu par la puissance publique, afin d’affirmer non seulement sa cohérence et sa pertinence, mais aussi son unicité, qui garantit l’accès au service public des transports, donc au droit de toutes et tous à la mobilité.

Nous ne partageons évidemment pas l’idée confortée par le rapport Spinetta qu’il faudrait se dessaisir des petites lignes, sacrifiant ainsi près de 9 000 kilomètres de réseau.

Nous ne souhaitons pas non plus, comme veut l’organiser le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, le transfert de charge sur les régions, contraintes de reprendre certaines liaisons pour éviter leur abandon par l’État, comme cela a été le cas pour certains trains Intercités, devenus des TER.

Le nouveau pacte ferroviaire, comme cette proposition de loi qui organise la concurrence pour les TER, Intercités et autres TGV, risque, sous couvert de mise en concurrence, de renforcer ce mouvement.

Les régions se voient attribuer, réforme après réforme, des compétences nouvelles, y compris par cette proposition de loi, qui prévoit de confier aux régions la propriété du matériel roulant et des ateliers de maintenance. Elles ne peuvent assumer un tel transfert de charge sans les moyens qui vont avec. Le succès de la décentralisation des TER s’est faite au prix que cette charge devienne le premier poste de budget des régions.

Le succès a tenu également aux relations tripartites entre l’État, les régions et la SNCF. La multiplication des opérateurs altérera la cohérence globale de l’offre interrégionale et renforcera les fractures territoriales.

Par ailleurs, nous nous opposons à cette balkanisation du système ferroviaire et à sa privatisation rampante, comme le prévoit le projet gouvernemental. Nous savons ce que prépare le changement de statut des trois EPIC en SA, nous en avons déjà l’expérience. Certes, l’État ne cédera pas d’actions, mais il existe d’autres façons de privatiser, par exemple en augmentant le capital, donc le nombre d’actions.

À notre sens, le changement de statut de SNCF Réseau serait dangereux. Le réseau national, structurant et stratégique, ne peut être dévolu aux intérêts privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Cet amendement vise à affirmer que le réseau ferroviaire est la propriété de la Nation. Or le code des transports prévoit déjà que SNCF Réseau est le propriétaire unique de l’ensemble des lignes du réseau ferré national. SNCF Réseau est un établissement public de l’État, qui gère par conséquent ces lignes pour le compte de l’État. Une telle précision ne semblant pas nécessaire, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Depuis 1997, le réseau ferré est la propriété de SNCF Réseau, qui est une structure publique et qui a vocation à le rester. Par ailleurs, le réseau ferré national fait partie du domaine public ferroviaire ; à ce titre, il est incessible.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 7, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 juin 2018 un rapport sur l’opportunité et les modalités de création d’une structure d’amortissement de la dette ferroviaire.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Nous arrivons, avec cet amendement, à une question qui nous semble centrale, celle de la dette ferroviaire, qui plombe le service public depuis de trop nombreuses années, obérant les capacités d’investissement non seulement pour les nouveaux projets, mais également pour les travaux d’entretien et de rénovation des lignes du quotidien. Cette dette colossale représente 54, 5 milliards d’euros, avec l’accroissement pour unique perspective.

Cette situation est très étroitement liée aux injonctions de la directive de 1991, à savoir inviter les États à réduire l’endettement des compagnies ferroviaires. Dès cette période, l’État français, à l’image de ce qui s’est opéré en Allemagne, aurait pu faire le choix de reprendre l’ensemble de la dette à son compte. Malheureusement, ce n’est pas la voie qui a été choisie. Le gouvernement de l’époque a préféré cacher sous le tapis la misère en créant RFF.

Aujourd’hui, nous devons apporter de véritables réponses, puisque nous savons que cette situation ne fera que s’accentuer. En effet, les ressources de SNCF Réseau sont, par nature, inférieures aux dépenses. Nous proposons donc, à l’instar du principal syndicat du secteur, la création d’une structure de défaisance, caisse d’amortissement de la dette ferroviaire qui serait financée par le produit des concessions autoroutières, dont nous préconisons par ailleurs la nationalisation.

Le seul obstacle à la reprise de la dette par l’État est le respect des règles de Maastricht concernant le déficit public. Il faut pourtant pouvoir s’en affranchir pour le bien de la Nation et des usagers du service public ferroviaire. Nous estimons en effet que les intérêts de la dette, qui représentent chaque année 1, 7 milliard d’euros, seraient bien plus utiles au financement des infrastructures qu’à celui des banques.

Le Gouvernement a fait des annonces sur une reprise totale ou partielle de la dette. Celles-ci sont particulièrement floues et hypothétiques, puisqu’elles sont liées à de possibles gains de productivité opérés par la SNCF.

Pour notre part, nous demandons non seulement un rapport…

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

… – c’est le maximum que nous puissions faire –, mais aussi des engagements clairs du Gouvernement sur cette question centrale pour l’avenir du système ferroviaire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

On en a bien trouvé pour supprimer l’ISF !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

L’ISF n’est pas le sujet…

Par cet amendement, ma chère collègue, vous abordez un sujet fondamental pour l’avenir du système ferroviaire, celui de la dette du gestionnaire du réseau, qui a atteint 46, 6 milliards d’euros en 2017 et croît chaque année de 2 milliards à 3 milliards d’euros.

Dans le cadre de la loi portant réforme ferroviaire de 2014, le Parlement avait déjà demandé au gouvernement un rapport sur la dette et les solutions qui pourraient être mises en œuvre, notamment la création d’une caisse d’amortissement de la dette ferroviaire. Ce rapport a bien été rendu en 2016, mais il n’a absolument pas résolu la question, la renvoyant au gouvernement suivant.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Quand il n’y a pas de volonté, il n’y a pas de volonté !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Je n’étais pas au gouvernement.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Aujourd’hui, sur ce sujet, plus qu’un rapport, il nous faut des solutions concrètes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

C’est pourquoi, madame la ministre, je profite de l’examen de cet amendement pour vous demander ce que le Gouvernement compte faire dans ce domaine.

En attendant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Nous devons aller beaucoup plus loin.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je vous confirme que le Gouvernement a souhaité engager une réforme globale, qui vise notamment à remettre à l’équilibre la trajectoire financière du secteur ferroviaire. Dans ce cadre, comme le Premier ministre a eu l’occasion de l’indiquer, le Gouvernement considère que la dette qui pèse sur le secteur ferroviaire est un problème – c’est même une menace pour le système ferroviaire.

Le Gouvernement a donc clairement indiqué qu’il prendra ses responsabilités au cours du quinquennat. Un travail est en cours pour s’assurer qu’il est possible de construire une trajectoire financière qui ne conduise pas à recréer de la dette. Chacun peut comprendre que, si nous sommes amenés à traiter ce sujet aujourd’hui, il serait regrettable d’avoir à le refaire dans dix ans. C’est tout l’objet du travail en cours.

Je le répète, pour le Gouvernement, cette dette est un problème et même une menace. C’est pourquoi il prendra ses responsabilités au cours du quinquennat.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette demande de rapport. Le temps n’est plus aux rapports, mais à l’action.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Madame la ministre, comme l’a dit le rapporteur, la question de la dette du système ferroviaire est fondamentale. Or, sur ce point précis, le Gouvernement est un peu court en termes d’information. Le Premier ministre n’en dit pas grand-chose, vous non plus. Vous nous dites simplement que le Gouvernement prendra ses responsabilités dans les cinq ans qui viennent. On aimerait en savoir un peu plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Cinq ans, c’est assez long. Comment les choses vont-elles s’organiser ? Qu’est-ce qui est envisagé ?

Si je pose ces questions, c’est non pas par curiosité malsaine, mais parce que, de leurs réponses dépendent un certain nombre de points, et vous le savez très bien, notamment la transformation de SNCF Réseau en société anonyme. On sait très bien que cette transformation est inenvisageable avec une telle dette.

Nous discuterons demain du devenir de Gares & Connexions. Je n’anticiperai pas ce débat, mais on sait très bien que mettre Gares & Connexions, comme vous l’envisagez, dans SNCF Réseau sera compliqué, voire impossible, si la question de la dette n’est pas réglée.

Je pense également, comme l’ont dit certains orateurs, notamment le rapporteur, que le précédent gouvernement – je le dis à mes collègues et amis socialistes – a eu une attitude vraiment coupable vis-à-vis de la SNCF en 2016. On a commencé par couper les pattes à une réforme sociale qui était à peu près aboutie…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… afin de ne pas déclencher de mouvements sociaux au moment de l’Euro de football, mais aussi parce que le projet de loi El Khomri avait commencé à créer quelques remous.

Le Premier ministre de l’époque a déclaré à l’Assemblée nationale qu’il ne fallait pas s’inquiéter – de mémoire, cela devait être au mois de juin –, car, en contrepartie, le problème de la dette allait être réglé. Puis, au mois de septembre, il nous a dit que, non, il n’y avait pas de problème de dette… Loin de moi l’idée de polémiquer sur ce sujet, mais la part de responsabilité du précédent gouvernement est colossale et terrifiante.

Ce n’est pas une raison pour reporter cette question à dans cinq ans. Nous avons besoin d’être un peu plus éclairés que nous ne le sommes aujourd’hui sur ce sujet. Il y a deux grands points d’interrogation dans les déclarations du Gouvernement : quand et comment ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Cet amendement soulève le problème, essentiel, de la dette. Cela me rappelle que nous avons adopté la loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014, dont Michel Teston était le rapporteur au Sénat. À l’époque, on parlait de RFF, devenue SNCF Réseau. Le groupe SNCF comprend également SNCF Mobilités et Gares & Connexions.

Le problème du financement des infrastructures et le poids de la dette sont évoqués chaque année en commission des finances au moment de l’examen du projet de loi de finances.

Une réforme est nécessaire, c’est sûr, comme Mme la ministre l’a rappelé. On comprend tout à fait que, sans réforme, la dette, qui est de l’ordre de 50 milliards d’euros aujourd’hui, pourrait être de 20 milliards d’euros de plus en 2025. Le président de la commission, Hervé Maurey, nous alerte, et il a parfaitement raison, car la question de la dette est cruciale pour l’avenir.

Des investissements ont été faits par SNCF Réseau, même si l’État et les collectivités territoriales sont intervenus à un titre ou à un autre. Mais le poids de la dette est très fort, pour ne pas dire inquiétant. Nous devons disposer de bonnes informations à ce sujet. Je voterai donc l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement sur la question de la dette, qui est tout à fait essentielle.

Je trouve mon collègue Hervé Maurey assez sévère avec le précédent gouvernement. Je rappelle, et M. Maurey le sait, qu’une réforme de l’organisation de la SNCF a été réalisée en 2014 et qu’elle a permis d’aboutir à des résultats très positifs. La création de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités fut une étape importante. Souvenez-vous de la confusion qui régnait auparavant. La règle d’or a également été instaurée, même si elle est encore insuffisamment appliquée.

En tout cas, je n’entends personne ici dire, comme on peut l’entendre dans d’autres sphères, que la dette serait celle des cheminots. C’est un point heureux de cette discussion. La dette est surtout le résultat des injonctions contradictoires auxquelles l’opérateur a dû céder depuis des décennies. D’un côté, on lui demandait de faire plus d’économies chaque année, de l’autre d’investir beaucoup dans les lignes à grande vitesse. En conséquence, aujourd’hui, nous héritons d’un excellent réseau de lignes à grande vitesse et d’une dette absolument considérable.

Cette question a été évoquée dans le rapport Spinetta, intéressant à bien des égards : comment mettre l’opérateur à l’abri des demandes parfois contradictoires du Gouvernement ? Afin d’éviter ces déséquilibres permanents, il faut renforcer l’autonomie de l’opérateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Désormais, à chaque fois qu’on légifère, on demande des rapports. C’est une maladie ! Franchement, un rapport ne nous apporterait pas grand-chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

On demande des rapports pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40 !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

En revanche, la dette est un vrai sujet. Pour compléter ce qu’ont dit le rapporteur et le président de la commission, je tiens à dire que la responsabilité de l’État est réelle. Elle ne date pas d’aujourd’hui, elle ne date pas d’hier, elle date aussi d’avant-hier !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Quelle que soit la couleur politique du gouvernement, la SNCF a connu de nombreuses injonctions : on lui demandait de réaliser des équipements, mais les crédits de l’État pour les financer étaient insuffisants. Cela a créé la dette, laquelle est aujourd’hui incontournable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Madame la ministre, vous êtes bien consciente qu’une réforme globale de la SNCF est nécessaire, et j’en suis tout à fait d’accord, mais, ce qui me gêne, c’est le délai que vous évoquez concernant la dette. Il ne faut pas oublier l’ouverture à la concurrence. Or on ne peut pas ouvrir le transport de voyageurs à la concurrence et faire supporter à SNCF Réseau une dette aussi importante. Pour résorber cette dette, SNCF Réseau serait en effet obligée de facturer des péages encore plus importants, ce qui rendrait la concurrence assez difficilement supportable.

Dire qu’on va peut-être faire quelque chose pour la dette dans un délai, excessif, de cinq ans me semble dangereux pour l’avenir de cette belle entreprise qu’est la SNCF. Le dossier de la dette est crucial. Nous le verrons lorsque nous aborderons d’autres sujets, comme le rattachement des gares. C’est un problème sérieux dont il faut absolument se préoccuper très vite.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je relisais les débats sur la création de l’EPIC SNCF : le ministre de l’époque évoquait déjà l’endettement excessif de la SNCF. Ce problème ne date donc pas d’hier. Reste qu’il faut le traiter rapidement.

Sachez simplement que, aujourd’hui, l’endettement croît de 3 milliards d’euros par an, dont 1, 5 milliard d’euros de frais financiers.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Même sans frais financiers, la dette continuerait à augmenter de 1, 5 milliard d’euros par an. C’est cette équation que nous devons résoudre, en travaillant avec l’entreprise. Personne ne comprendrait qu’on s’empare aujourd’hui du sujet de la dette tout en reconstituant une dette qui croîtrait de nouveau de 1, 5 milliard d’euros par an.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Nous devons traiter cette question rapidement et de façon durable. C’est bien ce à quoi travaille le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Permettez-moi d’intervenir quelques instants ce soir, madame la présidente, car il ne me sera pas possible de le faire demain matin, étant donné que je serai à votre place.

Si je partage la ligne directrice du projet du Gouvernement, et si cette proposition de loi contient des choses intéressantes, je pense qu’il faut aller au-delà et analyser les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là aujourd’hui en termes de dette et de dégradation du réseau. Il faut accepter que des gouvernements différents, comme cela vient d’être dit, de sensibilités variées, aient pu effectivement inciter la SNCF à commettre un certain nombre d’erreurs.

Pour ma part, je dis oui au changement de statut pour l’avenir, mais j’appelle votre attention sur un point : le statut n’est pas responsable de tout. On ne peut pas tout expliquer par cela ni même par la structuration juridique de la SNCF.

Je tiens à vous sensibiliser au problème de gouvernance de la SNCF. Dans certains domaines, elle travaille à flux tendu, comme le faisaient les grands groupes privés dans les années quatre-vingt, lesquels en sont très vite revenus, car ils se sont aperçus que le flux tendu fragilisait considérablement leur fonctionnement. Je pense ainsi à des constructeurs automobiles, qui, dès qu’il neigeait, recouraient immédiatement au chômage technique. La SNCF travaille à flux tendu, car elle n’a plus de matériel. Et je ne parle pas uniquement d’un problème de wagons, lesquels, du reste, ne sont pas aussi inconfortables qu’on le dit.

À titre d’exemple, sur la ligne Paris-Toulouse, il n’y a pas de matériel de rechange dans un rayon de 250 kilomètres en cas de panne de locomotrice. C’est là un véritable problème de gouvernance et d’organisation de la SNCF.

Madame la ministre, je rebondis sur ce que vous venez de dire : si les intérêts de la dette s’élèvent à 1, 5 milliard d’euros, pour une dette de 50 milliards d’euros, je vous invite à inciter les dirigeants de la SNCF à renégocier leur dette, car le taux d’intérêt me paraît un peu excessif !

Aujourd’hui, seuls les pompiers peuvent dépanner une locomotive ayant un problème métallique – pas mécanique : métallique, un chasse-pierres tordu – à 10 kilomètres d’Orléans. La SNCF n’en a plus les moyens ! Ceux qui prennent le train toutes les semaines pourraient remplir un livre avec des exemples comme celui-là.

Je pense donc qu’il y a un véritable problème d’organisation interne et de gouvernance au sein de la SNCF, en dehors des problèmes de statuts et d’endettement. Une réflexion en profondeur doit être conduite sur cette grande entreprise qu’est la SNCF, qui remporte de grands succès, mais qui a aussi de graves lacunes.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mes chers collègues, nous avons examiné 6 amendements au cours de la soirée ; il en reste 61.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 29 mars 2018, à dix heures trente, à quinze heures quinze et le soir :

Suite de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs (711, 2016-2017) ;

Rapport de M. Jean-François Longeot, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (369, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 370, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 29 mars 2018, à zéro heure trente.

La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d ’ administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection des données personnelles a été publiée conformément à l ’ article 12 du règlement.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 9 du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. Philippe Bas, Mmes Sophie Joissains, Jacky Deromedi, Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jérôme Durain, Jean-Yves Leconte, Arnaud de Belenet ;

Suppléants : Mmes Esther Benbassa, Maryse Carrère, M. Mathieu Darnaud, Mme Catherine Di Folco, M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de la Gontrie, M. Loïc Hervé.