Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 28 mars 2018 à 21h30
Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs — Question préalable

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier :

Ce refus de débat est préjudiciable à l’expression démocratique et à la Haute Assemblée, qui utilise pleinement le pouvoir d’initiative donné aux parlementaires par la réforme constitutionnelle de 2008, laquelle a vraiment renforcé le pouvoir du Parlement.

La proposition de loi que nous examinons a été préparée par le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey, et notre ancien collègue, Louis Nègre, grand spécialiste des questions relatives aux transports, au cours de l’année 2017. Elle a pour objet de définir un cadre juridique adapté à la réforme ferroviaire, sans en anticiper les échéances.

À l’origine, cette initiative visait à permettre aux parties prenantes de se préparer en amont, alors que l’insuffisante préparation de la libéralisation du fret ferroviaire a eu, nous le savons tous, des conséquences très négatives, surtout pour l’opérateur historique.

Pour préparer ce texte, les auteurs ont recueilli, lors de plusieurs dizaines d’heures d’auditions, les positions des différents acteurs concernés : les usagers, les syndicats, les régions, l’ARAFER, l’Autorité de la concurrence, le groupe public ferroviaire, les nouveaux entrants, les ministères concernés. Ils ont aussi entendu des universitaires et ont ensuite procédé à une consultation par voie écrite.

Cette proposition de loi a été déposée le 6 septembre 2017. À la demande du président du Sénat, elle a fait l’objet d’un avis du Conseil d’État, rendu le 22 février 2018 et publié, ce qui est rare. Cette procédure a permis d’identifier les améliorations possibles du texte sur le plan juridique.

Le travail en commission, avec l’adoption d’amendements inspirés de l’avis du Conseil d’État, nous a permis d’aboutir à un texte juridiquement solide. Il nous paraît donc important que nous puissions examiner cette proposition de loi, afin d’avoir un vrai débat parlementaire, chose que le projet de loi d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, je le répète, ne nous permettra pas.

Mes chers collègues, par de nombreux aspects, notre système ferroviaire a été une réussite : un vaste réseau, une grande vitesse très développée, un transport régional et local dense. Et nous savons combien le transport ferroviaire peut être facteur de compétitivité, d’attractivité pour nos territoires et gage de mobilité pour tous ! Malheureusement, à la veille de l’ouverture à la concurrence, les performances de notre système ferroviaire apparaissent clairement insuffisantes et nécessitent modernisation et adaptation.

La qualité de service s’est dégradée au fil des années et plusieurs accidents majeurs ont également terni l’image du groupe public ferroviaire en matière de sécurité. Le réseau demeure vieillissant, malgré les travaux de régénération.

Après vingt ans de réformes successives, notre système ferroviaire ne semble toujours pas prêt pour la concurrence. Pourtant, il y a urgence. Le quatrième paquet ferroviaire, adopté en deux temps dans le courant de l’année 2016, généralise le droit d’accès au réseau, jusqu’à présent réservé aux services internationaux de transport de voyageurs et aux dessertes intérieures effectuées dans le cadre de ces services, à l’ensemble des services de transport de voyageurs à partir du 1er janvier 2019, pour une application effective à partir du 14 décembre 2020, soit au début de l’horaire de service 2021. De plus, ce texte européen enjoint les États membres à en assurer la transposition au plus tard le 25 décembre 2018.

Il est donc urgent de fixer le cadre juridique de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires, conventionnés ou non, non seulement pour respecter les échéances européennes, mais aussi pour permettre aux différentes parties prenantes, y compris l’opérateur historique, de s’y préparer dans des conditions convenables, tant pour ses personnels que pour les usagers. Nous ne pouvons plus faire la « politique de l’autruche » en nous focalisant sur des dérogations ou en feignant de ne pas voir que, si la concurrence progresse partout en Europe sur le trafic intérieur des États membres, la France ne pourra rester isolée, a fortiori lorsque la SNCF opère sur les marchés étrangers en étant compétitive !

Nous le savons bien, cette ouverture à la concurrence sera sans doute limitée et progressive, mais la prudence et la lucidité obligent tous les opérateurs à s’y préparer. La concurrence de sociétés privées sur le marché ferroviaire ouvert aura des conséquences pour la SNCF, mais il n’y a pas de raison pour que la SNCF ne profite pas, à son tour, de l’ouverture, en assurant des dessertes intérieures dans d’autres pays.

Par ailleurs, si le réseau à grande vitesse est d’ores et déjà ouvert à la concurrence sur les lignes internationales depuis plusieurs années, qu’il s’agisse de Paris-Bruxelles ou de Paris-Londres, aucun concurrent ne s’est manifesté… L’ouverture du marché peut donc être source de gains si l’entreprise SNCF fait valoir ses atouts.

On le voit, tous les pays qui ont mené des ouvertures à la concurrence réussies ont, en parallèle, mis en place les conditions d’un équilibre économique global du système ferroviaire et ont renforcé sa gouvernance. La France n’a toujours pas effectué cette nécessaire « remise à plat », avec une dette ferroviaire qui continue d’augmenter, un effort de modernisation qui reste insuffisant et des services qui pourraient être renforcés dans certaines zones. Cette nouvelle réforme du système ferroviaire français semble donc plus que nécessaire.

L’ouverture à la concurrence, que nous appelons de nos vœux, permettra, nous en sommes convaincus, de renforcer la compétitivité de l’opérateur historique et sera également bénéfique aux usagers du transport ferroviaire comme aux contribuables français.

Pour toutes ces raisons, nous désapprouvons cette motion de procédure, qui marque le refus de poursuivre le débat sur un sujet essentiel pour notre pays. En conséquence, le groupe Les Républicains votera contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion