Intervention de Olivier Jacquin

Réunion du 28 mars 2018 à 21h30
Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs — Discussion générale

Photo de Olivier JacquinOlivier Jacquin :

La question est bien de savoir si nous abordons ce dossier de manière dogmatique, en préconisant d’ouvrir au maximum et le plus rapidement possible à toute concurrence, quitte à surtransposer la directive européenne – c’est un risque !

Il y a une autre solution : pour notre part, nous sommes favorables à une ouverture raisonnée et maîtrisée, qui préserve l’opérateur historique. Nous préférons dynamiser plutôt que dynamiter !

Je ne tiendrai pas un discours manichéen sur le sujet de l’ouverture à la concurrence. En effet, elle a pu bien fonctionner dans certains pays et être catastrophique dans d’autres, l’un des pires exemples étant la libéralisation du fret ferroviaire dans notre pays en 2006, mal préparée, mal évaluée, mal anticipée. Résultat : un effondrement du volume de transport et une explosion du nombre de camions sur nos routes, déjà trop nombreux à l’époque. Pas de dogme, donc, en la matière !

La SNCF a d’ailleurs anticipé l’ouverture à la concurrence en augmentant et en diversifiant son offre de transport, notamment au travers de Ouigo, et en proposant des services renforcés à des prix parmi les plus faibles d’Europe, il faut le répéter, bien que ceux-ci restent trop élevés pour la moyenne de nos concitoyens.

Autre constat qui montre que tout n’est pas noir : depuis 2004 et la régionalisation, le nombre de passagers des TER a augmenté de 44 % et l’offre a été décuplée, et ce malgré un dialogue parfois difficile entre nos collègues élus régionaux, la SNCF et ses différentes composantes.

Une fois que la loi sera votée, il faudra du temps aux acteurs, aux autorités organisatrices et aux opérateurs pour bien préparer l’ouverture raisonnée à la concurrence. C’est pourquoi il nous semble primordial de garder 2023 comme date limite d’ouverture à la concurrence pour les régions tant les situations sont diverses. Surtout, gardons-nous de surtransposer en retenant l’hypothèse la plus rapide proposée par la Commission européenne !

Pour cette ouverture à la concurrence, le mode opératoire sera déterminant. C’est pourquoi nous serons nuancés et prudents devant votre proposition reprenant le principe dominant des franchises, philosophiquement intéressant, mais dans les faits difficile à mettre en œuvre, aux niveaux tant de la répartition des lots que des continuités de service entre eux. Il pourrait également impacter fortement l’opérateur actuel. Le libre accès, pour autant, nécessite de très fortes régulations, qui restent encore à imaginer, pour éviter l’écrémage. Il y aura certainement des candidats pour reprendre le Paris-Nancy, mais qui voudra de son prolongement vers Mirecourt, voulu par les élus locaux et le président Poncelet ?

Concernant le personnel, cette proposition de loi a été rédigée avant que le Premier ministre n’annonce la fin du statut pour les nouveaux recrutements. Il y aura à dire ! Je note que, s’agissant des mouvements entre opérateurs, il est proposé ici de garantir les conditions d’origine au-delà du premier transfert, là où le rapport Spinetta ne parle que du premier transfert. En revanche, nous nous inquiétons du durcissement de la législation actuelle, qui est inscrite à l’article 8. Si le mythique statut prémunit les cheminots contre le licenciement économique, ils peuvent d’ores et déjà être licenciés en cas de refus de mobilité, mais seulement au bout du troisième refus. Nous ne pouvons donc accepter une disposition visant à mettre fin au contrat de travail dès le premier refus.

Vous proposez également de rendre publiques les données de la SNCF, y compris celles qui seraient couvertes par le secret industriel ou commercial. Nous présenterons un amendement dont l’adoption permettrait, je pense, de mieux garantir le risque de fuites de données essentielles vers les concurrents de notre opérateur actuel.

Il en va de même concernant le matériel roulant ou les ateliers de maintenance. Il conviendra de veiller à un meilleur équilibre entre deux risques : celui qui verrait la SNCF devoir gérer seule les parties les moins intéressantes et celui qui verrait les nouvelles autorités organisatrices hériter d’une charge trop lourde. Nous avons besoin d’approfondir la question.

Je terminerai par un dernier sujet, et pas des moindres : les gares. Nous nous inquiétons de la volonté de transformation de l’entité Gares & Connexions en société anonyme. Nous plaidons résolument pour le maintien de la maîtrise publique des gares. Elles font partie du patrimoine national.

Madame la ministre, chers collègues, vous l’aurez compris, nous sommes heureux d’entamer ce débat, qui nous offre la possibilité de nous exprimer sur le ferroviaire, mais nous le voyons comme un hors-d’œuvre, un galop d’essai avant d’aborder le contenu des futures ordonnances et des textes importants à venir en matière de mobilité. En effet, c’est bien ainsi qu’il faut aborder la question : sortir de la logique des transports pour entrer dans celle des mobilités du XXIe siècle. Sur ces sujets, nous nous positionnerons selon trois axes de progrès.

D’abord, il y a l’aménagement du territoire et la poursuite de la décentralisation. Ces réformes doivent permettre plus d’égalité entre les hommes et entre les territoires, car il n’y a pas de petits territoires : il y a la République française !

Ensuite, il convient de respecter les cheminots et les travailleurs des transports. Alors que certains rêvent de précarisation et de dumping social, nous pensons qu’il doit y avoir une véritable continuité dans la protection des travailleurs des transports, qu’ils soient dans un train, un tram, un bus. Je vous pose la question, chers collègues : pourquoi ne pas imaginer une convention collective des transports terrestres ?

Enfin, nous nous battrons pour conserver une maîtrise publique des services publics : pas question de brader au plus offrant notre patrimoine commun !

Alors, je vous le répète, il nous faut dynamiser, sans dynamiter !

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