Intervention de Emmanuel Capus

Réunion du 28 mars 2018 à 21h30
Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs — Discussion générale

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quatre-vingts ans, un peu plus même, le 1er septembre 1937, la presse française annonçait fièrement la création prochaine de la Société nationale des chemins de fer français, la SNCF. Créée par un décret-loi du Front populaire et effectivement mise en place en janvier 1938, cette société fusionnait les activités et le personnel de l’État, les grandes compagnies ferroviaires privées et les réseaux d’Alsace-Lorraine administrés par l’État. L’aventure ferroviaire tricolore entrait dans une nouvelle ère de son histoire.

« La convention assurer une heureuse conciliation entre l’autorité de l’État et le maintien nécessaire des souples méthodes de gestion […] d’un grand service industriel et commercial », expliquait Camille Chautemps, chef du gouvernement, à L ’ Écho de Paris. Aujourd’hui, la convention semble définitivement remise en question. Le groupe est durablement endetté, la qualité de service fortement discutée et le grand public s’exaspère des grèves et de retards à répétition.

D’abord, le groupe ferroviaire est aujourd’hui dans une situation financière catastrophique. Si la SNCF a présenté d’excellents résultats en 2017, avec une hausse de 4, 2 % de son chiffre d’affaires, à 33, 5 milliards d’euros, et un bénéfice net de 1, 33 milliard d’euros, la dette est abyssale : 46, 6 milliards d’euros pour SNCF Réseau et 7, 9 milliards d’euros pour SNCF Mobilités. Pour beaucoup d’analystes, cette dette constituerait même un risque pour le contribuable. Madame la ministre, comme vous l’avez dit, nous ne pouvons pas ignorer cet état de fait.

Ensuite, la situation de ce groupe ferroviaire n’est plus tenable. Le rapport Spinetta, remis au Gouvernement mi-février, tire la sonnette d’alarme sur des réformes nécessaires : fin du statut de cheminot et de ses avantages – garantie à vie de l’emploi, retraite anticipée, facilités de circulation, etc. – ; évolution du statut de la SNCF vers celui d’une société anonyme ; renforcement, enfin, des moyens de l’AFITF, dont un Angevin, Christophe Béchu, prendra prochainement la présidence, après un avis favorable de notre commission donné hier soir.

Surtout, la SNCF devra affronter demain l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. Inutile de rappeler ce qu’un manque de préparation à l’ouverture à la concurrence signifierait pour ce secteur et pour la qualité du service, cela a déjà été fait lors d’un récent débat sur le secteur du fret ferroviaire. Nous sommes prévenus !

Le calendrier politique fait que l’examen de cette proposition de loi intervient quelques semaines avant le projet du Gouvernement. Devant l’urgence de la situation, il est essentiel que chacun prenne ses responsabilités pour débloquer la situation et envisager l’avenir du rail français. Pour s’adapter et ne pas disparaître, la SNCF devra irrémédiablement changer.

Alors, madame la ministre, mes chers collègues, pour paraphraser l’un des anciens présidents de la SNCF, Louis Armand, où en est le chemin de fer français ? Ce débat doit être l’occasion de poser de nouveaux jalons en prévision du projet de loi du Gouvernement.

La proposition de loi nous semble intéressante, perfectible. Il nous paraît ainsi nécessaire de prendre en compte le besoin de maintenir les petites lignes au nom de la vitalité de nos territoires.

En commission, sur proposition du rapporteur, notre collègue Jean-François Longeot, et avec un large soutien politique, nous avons introduit un nouveau mécanisme liant des contrats de lignes de TGV et des petites lignes. À l’avenir, cela doit être la norme. Oui à l’ouverture à la concurrence de nos lignes ! Oui, en même temps, à la continuité de nos politiques d’aménagement du territoire !

Notre groupe, vous le verrez, a d’ailleurs proposé un certain nombre d’amendements pour compléter cette proposition de loi. Ces amendements s’inscrivent dans une triple approche : protéger les territoires en introduisant dans la loi les dérogations autorisées par le règlement européen et en sollicitant l’avis de la Conférence nationale des territoires sur cette ouverture à la concurrence ; assurer une transition transparente et respectueuse de tous en privilégiant des politiques d’open data – le rapporteur en a parlé – et en programmant des points d’étape avec les représentants locaux ; enfin, saisir l’opportunité de réformer le régime ferroviaire en ne forçant pas les nouveaux entrants à reproduire les mécanismes aujourd’hui défaillants.

Tels sont, loin des caricatures, les trois piliers sur lesquels fonder la réforme du secteur ferroviaire.

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