Intervention de Nadia Sollogoub

Réunion du 28 mars 2018 à 21h30
Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs — Discussion générale

Photo de Nadia SollogoubNadia Sollogoub :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens, en préambule, comme les orateurs qui m’ont précédée, à remercier MM. Hervé Maurey et Louis Nègre, qui, par cette proposition de loi, nous placent dans une démarche vertueuse d’anticipation de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire français. Une attitude frileuse, une attitude de blocage ou un manque d’anticipation pourraient nous faire manquer ce qui doit être une opportunité. Si nous attendons en rentrant la tête dans les épaules une ouverture subie comme une contrainte, nous regarderons passer le train, ce qui est un jeu de mots facile…

Au contraire, et puisque nombre d’entre nous n’ont guère envie de plaisanter sur le sujet, il faut que cette ouverture à la concurrence conduise à une amélioration du service pour les usagers et à une réduction des coûts. Il faut que ce changement soit une stimulation positive et saine, y compris pour l’opérateur historique. Voilà le fond de ce texte, et il ne peut faire que l’unanimité !

Cela étant, nos débats posent une question de forme sur laquelle je souhaite revenir pour clarifier la position du groupe Union Centriste.

Le Gouvernement, qui invoque des arguments de calendrier, propose de légiférer par ordonnances. Or nous venons de perdre des mois précieux qui auraient dû être destinés à un travail de fond collectif sur ce sujet capital. La proposition de loi d’Hervé Maurey et de Louis Nègre a en effet été déposée au mois de septembre. Il s’agit d’un texte abouti, qui a d’ores et déjà recueilli un avis favorable du Conseil d’État. Ce texte n’est pas concurrent de la loi sur les mobilités, il est concurrent des ordonnances.

Nous ne remettons pas en cause le principe du recours à l’ordonnance, c’est une modalité constitutionnelle de législation qui est encadrée. D’ailleurs, nous sommes probablement nombreux dans cet hémicycle à avoir soutenu, au moins une fois, un gouvernement qui se proposait de légiférer par ordonnance. La question, c’est l’opportunité d’utiliser ce procédé sur ce sujet particulier. Ce qui est choquant, c’est de réformer le système ferroviaire par ordonnances. Nous sommes les représentants des territoires. Nous avons trop à dire sur ce sujet stratégique d’aménagement du territoire. Nous ne pouvons pas être privés de ce débat !

Les Assises nationales de la mobilité ont exclu le sujet du ferroviaire au motif que des rapports importants étaient attendus. Et maintenant, il serait trop tard ? C’est la mission du Sénat de faire entendre la voix des territoires. Le Gouvernement ne peut pas se priver de ses contributions, vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, le débat doit porter ses fruits et nourrir la réforme. Il doit avoir lieu, et il s’engage ce soir, grâce au texte de Louis Nègre et d’Hervé Maurey.

Sur le fond, les ordonnances gouvernementales semblent devoir ne proposer qu’une transposition sèche du droit européen. Or ce serait purement et simplement rééditer la même erreur que nous avons commise en matière de couverture numérique du territoire et que nous ne cessons de payer et d’essayer de réparer.

Voici la principale divergence entre les ordonnances et notre texte : tandis que les rapports Borne et Spinetta préconisent une ouverture à la concurrence en open access pur, nous proposons des « packages territoriaux », des « lots ». Autrement dit, il ne faut pas mettre sur le marché les lignes les plus rentables que tout le monde voudra, sans contrepartie de desserte territoriale. Ce que propose le présent texte est de n’attribuer les lignes rentables qu’en contrepartie d’engagements d’exploitation et de desserte du réseau secondaire sur une zone géographique donnée.

Nous sommes à l’heure où la logique comptable étouffe les territoires ruraux, à l’heure où, en brandissant une implacable calculette, on nous explique qu’il n’y a pas d’autre choix que de fermer des écoles et des classes, de fermer des services hospitaliers et des maternités, de fermer des trésoreries et des bureaux de poste, et même de diminuer le nombre de parlementaires ! Faisons le choix, pour une fois, de protéger sciemment certains services « non rentables », en les considérant comme des éléments structurants indispensables des territoires ruraux. Faisons ce choix avant que les lignes secondaires n’aient disparu !

Madame la ministre, entendez notre inquiétude. Nous connaissons bien, nous qui sommes élus ruraux, le sens du terme « redéploiement », qui ne signifie, dans nos campagnes, que fermetures et éloignement des services. Nous n’en pouvons plus ! Les électeurs perdent patience et confiance !

Cette réforme pose d’autres problèmes sur lesquels nous allons nous pencher : celui, bien évidemment, des modalités de transfert des salariés, celui de l’accès aux données de l’opérateur historique, celui du degré d’exigence en termes de normes environnementales, celui du transfert des gares et du matériel, celui de la dette chronique et croissante de SNCF Réseau. Mais le seul cap que nous devons avoir, c’est l’amélioration du service aux usagers, à l’occasion de ce qui doit être une impulsion nouvelle. Le groupe Union Centriste votera donc la proposition de loi Maurey-Nègre, qui est, pour une fois, un vrai texte d’aménagement du territoire.

Je souhaite, pour conclure, citer notre auteur nivernais, Jules Renard, qui disait, au début du XXe siècle : « Le train, l’automobile du pauvre. Il ne lui manque que de pouvoir aller partout. »

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