Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 28 mars 2018 à 21h30
Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs — Discussion générale

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je tiens à remercier notre collègue Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre du travail qu’ils ont accompli dans le cadre de cette proposition de loi pour anticiper, préparer la mise en œuvre de l’ouverture à la concurrence. Je veux aussi saluer les objectifs qui ont guidé ce travail, qui sont les mêmes que les vôtres, madame la ministre : améliorer la qualité et réduire le coût du service, plaçant ainsi l’usager, le voyageur au cœur de nos préoccupations.

Deux sujets parmi tant d’autres qui pourraient être traités ont particulièrement retenu mon attention.

Le premier, c’est l’aménagement du territoire. L’article 4 introduit très clairement cette notion d’autant plus importante qu’elle est trop souvent mise de côté – nous l’avons tous affirmé – au profit de logiques financières ou économiques. Afin d’éviter la disparition de liaisons dites « déficitaires », mais indispensables à l’aménagement du territoire, le texte prévoit – je cite l’exposé des motifs, parce qu’il est important sur ce point – que « L’État accordera aux entreprises ferroviaires des droits exclusifs pour l’exploitation des services de transport ferroviaire de voyageurs à grande vitesse, en contrepartie de la réalisation d’obligations de service public définies en fonction des besoins d’aménagement du territoire ».

Une telle disposition répond aux préoccupations que j’ai pu moi-même, comme d’autres, exprimer dans cet hémicycle à plusieurs reprises. La desserte fine de nos territoires par le TGV ne doit pas être remise en cause. La logique purement financière ne doit pas se substituer à l’aménagement du territoire. Je le dis avec d’autant plus de force que les 230 dessertes de TGV actuelles sont bien souvent le résultat d’accords entre, d’une part, l’État et, d’autre part, la SNCF et les collectivités qui ont cofinancé ces lignes de TGV, comme dans le cas qui m’est cher, celui du TGV Est.

Madame la ministre, vous m’aviez assurée, lors d’un précédent débat, qui a eu lieu le 16 janvier, et vous l’avez redit tout à l’heure, que ces dessertes ne seraient pas remises en cause. Toutefois, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, il est important que des mesures soient prévues pour garantir le maintien de ces dessertes. Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiendrai l’article 4, tout en vous demandant si vous êtes favorable à cette mesure. Dans le cas contraire, qu’êtes-vous prête à mettre en place pour garantir le maintien de l’ensemble des dessertes de TGV ?

Le deuxième sujet concerne les fameuses petites lignes, très souvent évoquées dans nos débats. Ce qui nous inquiète, c’est, bien sûr, le maillage de nos territoires par les trains régionaux qui relient les territoires les uns aux autres. Je pourrais citer l’exemple de la liaison Strasbourg-Saint-Dié, laquelle est une ville moyenne importante. Cette liaison, qui passe par la Vallée de la Bruche, permet de désenclaver et d’irriguer tout un territoire.

Si les petites lignes relèvent certes des compétences régionales, nous savons néanmoins que SNCF Réseau assure leur entretien et participe très souvent aux investissements de régénération. Il est donc important d’encadrer l’ouverture à la concurrence afin d’éviter que, là aussi, la logique financière ne domine.

Vous avez affirmé que vous étiez opposée à cette fermeture des « petites lignes », une expression que vous n’aimez pas, vous avez tenu à le rappeler. Une expression, il est vrai, particulièrement malvenue, car il n’y a pas de petites lignes, toutes les lignes sont importantes. Je vous pose donc la question : qu’êtes-vous prête à mettre en place pour garantir leur survie après l’ouverture à la concurrence ?

Madame la ministre, chers collègues, la proposition de loi est examinée dans un contexte particulier, puisque nous en discutons quelques semaines après la présentation du projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire » et en plein mouvement social – j’ai envie de dire « dans l’œil du cyclone » – des cheminots.

Le texte du Gouvernement que vous portez, madame la ministre, a également pour objectif de préparer l’ouverture à la concurrence, en application du quatrième paquet ferroviaire adopté par l’Union européenne. La méthode n’est pas la même, mais ces deux textes partagent des objectifs communs. Je formule donc le vœu, madame la ministre, que les discussions qui vont avoir lieu, aujourd’hui et demain, dans le cadre de cette proposition de loi seront prises en compte à l’avenir. Je pense en particulier aux deux points que j’ai évoqués, notamment l’aménagement du territoire, qui, pour l’instant, ne figure pas dans votre texte. Êtes-vous prête à prendre en compte cet aspect, qui nous semble essentiel, dans la future organisation ferroviaire française ? Je vous pose la même question sur les petites lignes : quels engagements êtes-vous prête à prendre dans le cadre du projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances ?

Madame la ministre, notre équilibre du territoire et la desserte des villes moyennes, comme des petites villes, méritent tout votre engagement !

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