Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le réseau ferroviaire de notre pays s’étend sur une longueur totale de près de 30 000 kilomètres, ce qui en fait le deuxième réseau ferroviaire d’Europe. Il a également été reconnu comme étant le cinquième meilleur réseau du monde, derrière la Suisse, le Japon, Hong Kong et Singapour. Malgré cela, des défaillances sont régulièrement constatées, et les récents incidents nourrissent une appréciation mitigée des Français envers l’opérateur historique.
Si la qualité du service doit être améliorée, l’ouverture à la concurrence constitue l’opportunité pour l’opérateur historique d’aller dans ce sens. Celle-ci est une obligation européenne depuis l’adoption du quatrième paquet ferroviaire, comme cela a été rappelé. Ce corpus de textes européens impose l’ouverture à la concurrence des TER et des trains d’équilibre du territoire dès le 3 décembre 2019. Pour les services commerciaux, c’est-à-dire les TGV, cette libéralisation devra être prévue par la loi à partir du 1er janvier 2019, pour une application effective à partir du 14 décembre 2020.
La proposition de loi de notre collègue et président de commission Hervé Maurey et de l’ancien sénateur Louis Nègre, dont nous débutons l’examen ce soir, est le fruit de nombreuses auditions et consultations. Elle vise à mettre en œuvre cette ouverture à la concurrence et à garantir son effectivité.
Les Français regardent outre-Manche et aspirent à une concurrence différente de celle qui a été instaurée au Royaume-Uni, pays qui ne brille pas par son transport ferroviaire. Regardons plutôt chez nos voisins italiens, allemands ou suédois et voyons ce qui marche.
Il faut s’y prendre tôt pour réussir cette transformation, mais les craintes sont nombreuses, les freins aussi. Le texte que nous abordons tend à lever les obstacles à une ouverture effective du transport ferroviaire à la concurrence, en ce qui concerne notamment l’accès des entreprises ferroviaires aux données nécessaires à la préparation des candidatures aux appels d’offres et à l’exploitation des services, sans oublier le transfert du personnel, la propriété des matériels roulants, l’accès aux ateliers de maintenance et aux gares.
Je n’entrerai pas dans le détail des dispositions de cette proposition de loi, car cela a été fait avant moi. Je tiens néanmoins à rappeler la problématique de l’aménagement du territoire.
Certes, certaines lignes sont rentables et d’autres le sont beaucoup moins. Mais nous devons veiller à toujours maintenir ces lignes, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, même si elles sont déficitaires, pour ne pas abandonner le milieu rural. L’activité économique, la vitalité des territoires ruraux en dépendent.
La desserte des territoires ruraux doit continuer à être effectuée. Dans le cas contraire, si les lignes étaient amenées à disparaître, certains départements verraient leur population décroître progressivement.
Si l’amélioration des lignes existantes constitue un objectif, il n’est jamais question des projets de réouverture de ligne. Or ces projets doivent être encouragés par l’État. Dans mon département, la Haute-Savoie, la croissance démographique explose. Avec 820 000 habitants, la population haut-savoyarde a augmenté de plus de 20 % en moins de dix ans.
Madame la ministre, je reparlerai d’un projet qui m’est cher, mais qui n’a toujours pas eu de réponse de votre part : la réouverture de la ligne du Tonkin ou RER Sud-Léman. Il s’agit d’un projet franco-suisse. La ligne ferroviaire d’Évian-les-Bains à Saint-Gingolph est le dernier maillon dans la boucle ferroviaire du lac Léman, en continuité du Léman Express, qui verra le jour en décembre 2019.
SNCF Réseau a donné son feu vert à ce projet de réouverture aux voyageurs, qui permettra de désenclaver l’est du Chablais. Il est soutenu par les collectivités françaises et suisses. La région a reconfirmé son engagement. Considérant l’importance de ce projet pour notre territoire, la réaffirmation des soutiens du côté français – je pense surtout à celui du Gouvernement – serait un bon signal envoyé à nos voisins suisses à l’heure où ils choisissent leurs orientations ferroviaires 2030 via l’appel à projets PRODES, programme de développement stratégique de l’infrastructure ferroviaire.
En tant que président du comité de pilotage ferroviaire, je suis évidemment fier de ce projet que nous portons avec Marion Lenne, députée du Chablais, mais également avec les élus français et suisses et les associations. Il est fondamental de penser à la mobilité du futur.
Sur le plan écologique, soulignons aussi que, si le rail reste l’un des modes de transport les plus écologiques, les usagers s’en détournent aujourd’hui peu à peu en raison du coût élevé, des retards et, désormais, des grèves. Ils ont d’autres options à leur disposition : le transport par bus, le covoiturage en sont quelques-unes. La libéralisation me semble indispensable à la survie du transport ferroviaire de voyageurs, face à la concurrence exacerbée des autres modes de transport.
Je voterai en faveur de cette proposition de loi. C’est pourquoi je souhaite à mon tour remercier notre collègue rapporteur, Jean-François Longeot, pour la qualité de son travail.
Pour conclure, je rappellerai que supprimer le monopole de la SNCF ne signifie pas s’opposer à cette entreprise. Je tiens, au passage, à saluer l’investissement des femmes et des hommes qui y travaillent. L’arrivée de nouvelles entreprises ferroviaires sur le marché doit certes permettre l’émergence de nouveaux services, de meilleure qualité et à un moindre coût, mais elle doit aussi encourager l’opérateur historique à offrir des services plus performants.