Il est intéressant que nous ayons ce débat, même si cela n'est ni la première ni, sûrement, la dernière fois. La cause des victimes ne se trouve pas, j'en suis convaincu, dans l'allongement du délai de prescription. Comment d'ailleurs enquêter et juger convenablement si longtemps après les faits ? Les preuves risquent d'être dégradées et les témoignages incertains. Comment, dès lors, assurer le caractère équitable d'un procès et éviter une erreur judiciaire ? Il pourrait également y avoir une incompréhension de la victime si la peine prononcée n'était pas élevée ; l'agresseur, quarante ans après des faits, peut en effet avoir changé. Comment juger la personne qu'il fut autrefois ? Je crains que nous ne devions veiller à ne pas nous donner bonne conscience...
Le véritable sujet n'est en réalité pas celui du délai de prescription, mais de la libération immédiate de la parole de la victime, afin de disposer de preuves tangibles. Dans ce changement sociétal réside la principale avancée de ce texte ! Au contraire, je crains que nous n'assurions pas une défense efficace des victimes si les preuves manquent quarante ans après une agression. Qu'en sera-t-il de la mise en cause d'un individu, qui serait finalement acquitté faute de preuve ? Les hypothèses dans lesquelles une preuve serait utilisable après un délai si long seront rares et je crains que les acquittements ne soient plus fréquents que les condamnations. N'abandonnons pas la raison pour la répression !
Nous ne servirons pas les victimes en allongeant déraisonnablement le délai de prescription. Déjà, les juges ont la possibilité de suspendre la prescription. Dans l'objet de votre amendement, vous faites état, monsieur Buffet, des effets dissuasifs qu'aurait une telle mesure. Mais ils sont inexistants, comme ils le sont pour la peine de mort, ainsi que l'avait constaté Robert Badinter !
Je suis, vous l'aurez compris, opposé à ces amendements, qui, en donnant un temps infini à la justice, risquent d'entraîner son désengagement en faveur d'une instruction des faits dans un délai raisonnable.