Madame la ministre, je tiens d’abord à saluer le riche travail du Conseil d’orientation des infrastructures.
Pour cause de financement multipartite, le rapport ne s’est pas saisi du projet Lyon-Turin. Cependant, il se prononce tout de même sur la partie française, c’est-à-dire les liaisons entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne : « la démonstration n’a pas été faite de l’urgence d’engager ces aménagements dont les caractéristiques socio-économiques apparaissent à ce stade clairement défavorables » et « ces travaux […] seront à engager après 2038 ». Cette date est postérieure à la durée maximale de validité de la déclaration d’utilité publique, soit août 2028…
Ce faisant, les constats officiels franco-italiens reconnaissent que les prévisions de fret routier ont été largement surévaluées. Ainsi, on constatait en 2017 moins de la moitié du volume prévu en 2006. De même, les circulations de fret ferroviaire franco-italiennes ont été divisées par six depuis trente ans, malgré 1 milliard d’euros d’investissements entre Lyon-Dijon et Turin.
Les analyses démontrent d’ailleurs que le réseau ferré existant offre la possibilité, moyennant quelques investissements, d’accroître considérablement cette offre de fret. Le rail pourrait ainsi accueillir les marchandises d’un million de poids lourds par an dans les Alpes.
Pourtant, après la pause décrétée au début de l’été, le Gouvernement, soufflant le chaud et le froid, a prorogé la déclaration d’utilité publique de cinq années. Nous peinons donc à comprendre s’il souhaite ou non engager la réalisation de ce tunnel, dont chaque kilomètre coûtera 150 millions d’euros.
Cela est d’autant moins compréhensible que, sans les accès français et italiens, il est impossible de rentabiliser un tel ouvrage dont le modèle économique est déjà plus qu’incertain. J’aurais tendance à dire que l’on met la charrue avant les bœufs.
Enfin, alors que l’incertitude politique italienne pèse également sur le tunnel, ce double discours paraît d’autant plus curieux. Si la finalité est l’abandon du projet, autant éviter d’enfouir 10 milliards d’euros dans 57 kilomètres de galeries sous les Alpes !
Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser la logique sur laquelle s’appuierait le maintien d’un tel projet ?