Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 3 avril 2018 à 14h30
Constitutionnalisation de l'ivg — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Constitution et l’interruption volontaire de grossesse : ces deux sujets doivent-ils se rejoindre ?

Notre Constitution est le texte le plus éminent de notre République. Elle nous réunit et doit continuer à nous réunir largement. Elle doit rester bien sûr le texte des principes, des valeurs et des règles qui explicitent en quoi la République française est une démocratie sociale assurant l’égalité de tous ses citoyens.

Depuis 1958, son texte a largement évolué. Il s’est précisé et compte désormais 89 articles, auxquels s’ajoutent la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004.

On ne peut que le constater à la lecture du texte actuel, au regard des items et des thèmes qui y sont traités, la question du droit des femmes est largement plus signifiante qu’un certain nombre de points, parfois de scories, qui l’alourdissent et l’encombrent, sans apport réel. En effet, elle porte des valeurs fortes, conformes à notre idéal républicain.

Certes, notre Constitution n’est pas un fourre-tout. En revanche, c’est un texte qui doit savoir intégrer les grandes évolutions des droits des citoyens qui traduisent les grandes évolutions de l’identité républicaine de notre peuple.

Incontestablement, au-delà de la simple proclamation d’égalité, fondamentale, mais insuffisante, les droits des femmes représentent une profonde et heureuse évolution des dernières décennies.

Puisse le Gouvernement se rappeler, à l’heure où il souhaite revoir le texte constitutionnel, qu’il n’est pas de modification légitime qui ne fasse sens pour tous nos concitoyens. Or les progrès des droits des femmes peuvent se parer de cette vertu.

Les principes relatifs aux droits des femmes figurent dans la Constitution, à l’article 1er, qui proclame l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux responsabilités professionnelles et sociales.

C’est la seule référence précise, et c’est bien peu, alors qu’un large consensus existe dans notre pays pour affirmer que ces valeurs sont bien constitutives de notre identité républicaine.

C’est la seule référence, et c’est bien peu, à l’heure où le mouvement d’affirmation des droits des femmes, tout en rassemblant largement au sein de notre société, se trouve confronté à de nouvelles oppositions.

Et c’est bien peu, à l’heure où un nouveau débat sur l’Europe va s’ouvrir, à l’occasion des échéances de 2019, et où l’Union est elle aussi confrontée à des velléités rétrogrades.

Le chef de l’État, qui souhaite – je l’en félicite – marquer son quinquennat d’un engagement européen fort, ne saurait rester indifférent à ce que la France s’affirme en leader des valeurs des droits des femmes. Il y a là, en effet, sujet à donner à l’Europe un contenu qui renouerait avec ses grands combats progressistes et la sortirait de son image actuelle, affaiblie par des choix que ses citoyens ne comprennent plus.

À cet égard, l’inscription du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution française serait un message puissant adressé aux autres pays européens, particulièrement à ceux où les femmes sont en butte à des tentations de négation de leurs droits.

Oui, la question de l’interruption volontaire de grossesse est bien d’un niveau constitutionnel.

Oui, elle témoigne de l’évolution de notre société et de ses valeurs fondamentales.

Oui, elle peut et elle doit donc être inscrite dans notre loi fondamentale, comme le fut il y a quelques années l’abolition de la peine de mort.

Et c’est commettre un étrange sophisme que de prétendre que cette inscription dans la Constitution ne serait pas suffisante. C’est une évidence ! Quelle inscription serait suffisante là où il s’agirait de faire face à une évolution autoritaire de notre pouvoir politique ?

Mais il n’y a pas de garantie supérieure à celle de l’inscription dans la Constitution. Une loi simple peut être votée contre l’assentiment de la majorité de notre population ; concernant une transformation de la Constitution, les choses sont un petit peu plus complexes.

Oui, donc, les droits des femmes seraient légitimes à entrer dans notre Constitution par le biais du droit à l’interruption volontaire de grossesse.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion