Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 4 avril 2018 à 14h30
Sortie de l'indivision successorale et politique du logement en outre-mer — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, déposée à l’Assemblée nationale le 6 décembre dernier, vise à répondre à un certain nombre de problèmes, et pas des moindres, concernant les logements ultramarins. C’est un texte de bon sens – je salue le travail de notre rapporteur –, ce dont je me réjouis pour mes collègues ultramarins.

Les pratiques traditionnelles et familiales en outre-mer sont la raison d’une indivision bien plus importante qu’en métropole. Cette spécificité territoriale, conjuguée à une insuffisance des registres et des actes notariés, multiplie les situations de blocage des successions de biens. La forte émigration des indivisaires n’arrange pas les choses, puisque ceux-ci sont parfois inconnus, absents ou réticents à la cession du bien. Par conséquent, les successions prennent de nombreuses années et donnent lieu à des situations aberrantes, avec des dossiers parfois centenaires à la suite d’une cascade de successions.

S’ajoutent au grave problème d’indisponibilité du foncier des conséquences sur le plan sanitaire : les bâtiments non entretenus deviennent de véritables nids à épidémie où prolifèrent les moustiques vecteurs de la dengue, de la fièvre jaune et du chikungunya. Il faut aussi relever les répercussions en termes d’aménagement ainsi que de rentrées fiscales pour les collectivités, ce qui a pour effet de compromettre le développement économique.

Les tribunaux locaux ont développé une jurisprudence au fil des situations rencontrées de manière à réduire autant que possible le nombre de litiges. Pour autant, et malgré tous leurs efforts, ce n’est pas suffisant face à l’ampleur du problème. Il fallait remédier à cette situation. C’est pourquoi la présente proposition de loi est la bienvenue.

L’article 1er dispose que les indivisaires titulaires de plus de la moitié en pleine propriété des droits indivis pourront désormais vendre, alors qu’il fallait jusqu’à présent obtenir l’accord de toutes les personnes concernées. Imaginez la situation lorsque cela concerne une famille nombreuse, avec une succession qui s’éternise.

Une sécurité juridique a été prévue : il faudra attendre cinq années après la succession pour faire valoir ce droit et le notaire interviendra systématiquement, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant. Nul ne pourra arbitrairement, au lendemain de l’ouverture de la succession, décider de bloquer la situation et prendre au dépourvu les autres indivisaires sans laisser le temps de trouver un compromis.

De plus, ce nouveau régime serait valable pour une période de dix ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2028, de manière à ouvrir provisoirement ces possibilités et à permettre par dérogation le déblocage de nombreuses situations. Il s’agit en quelque sorte d’étendre et d’adapter aux territoires d’outre-mer la « solution corse » de la loi du 6 mars 2017.

Les nouvelles dispositions, en outre, ne laissent pas impuissant l’indivisaire hostile à la vente ou au partage, puisque celui-ci pourra faire connaître son hostilité sous trois mois. Il reviendra alors au tribunal de grande instance de trancher après saisine des indivisaires majoritaires.

Des dispositions spécifiques ont également été comprises dans cet article afin d’empêcher qu’une vente s’opère lorsqu’elle risquerait de léser certaines personnes vulnérables. Cela concerne les locaux d’habitation occupés par des conjoints survivants au défunt, des indivisaires mineurs et majeurs protégés ou des indivisaires présumés absents.

De telles mesures, a priori, peuvent paraître constituer un empiètement sur les droits de propriété des indivisaires mis en minorité lors de la prise de décision. Mais elles sont au contraire un moyen de stabiliser la situation des droits de propriété de la majorité des indivisaires.

Une telle mesure garantit aussi la paix publique, parce qu’elle apaise les familles, qui peuvent parfois malheureusement se déchirer à la suite d’une succession. C’est pourquoi je voterai en faveur de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, qui me semble utile pour répondre à la situation.

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