Cet amendement vise à supprimer l’article 5 A portant sur le partage par souche en Polynésie française. Je m’en suis déjà expliquée dans mon propos introductif.
Je rappelle que la souche est un mode de partage du patrimoine quand l’héritier légal est lui-même décédé, permettant que les petits-enfants succèdent à leurs grands-parents par représentation de leur père ou de leur mère prédécédés. Ces héritiers, qui viennent en représentation de leur auteur prédécédé, constituent donc une souche. Pour autant, ils ne se représentent pas entre eux et ils sont tous parties au partage de la succession.
L’article 5 A, en affirmant un principe de partage par souche, manque son objectif, qui est de pouvoir permettre un partage judiciaire sans besoin d’identifier ni d’appeler tous les héritiers à la cause. Je le répète, un partage par souche n’induit aucune représentation procédurale des héritiers au sein d’une même souche et chacun des héritiers a le droit d’être appelé au partage. Permettre la réalisation d’un partage judiciaire à l’insu de l’un des intéressés est une atteinte directe au droit au recours et à l’accès aux juges, qui sont des principes dont la protection est assurée, vous le savez, tant par la Constitution française que par la convention européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, l’article 5 A n’a aménagé aucune garantie ni aucun garde-fou destiné à préserver les droits des héritiers omis du partage judiciaire, alors même que les successions sont justement un domaine dans lequel les divergences d’intérêts entre les parties sont fréquentes.
Il sera relevé que le rapport sénatorial du 23 juin 2016 avait, à juste titre, insisté sur la nécessité d’établir des garde-fous pour garantir les droits des indivisaires omis et d’éviter que « l’introduction d’une présomption de représentation au sein d’une souche dispense de rechercher le plus d’indivisaires possible pour les attraire au partage, et aboutissent à des partages iniques à l’insu de certains indivisaires ».
L’organisation d’une présomption de représentation au sein de la même souche suscite également un certain nombre de questions auxquelles il n’est apporté aucune réponse. Par exemple, comment et par qui le représentant de la souche est-il désigné ou choisi ? Quel rôle exact joue le membre de la souche choisi par le demandeur au partage pour représenter procéduralement cette souche ? Doit-il aussi être considéré comme représentant d’autres membres de la souche dans la gestion du lot revenant à celle-ci, etc. ?
En l’état, vous l’aurez compris, la disposition envisagée dans la proposition de loi se heurte à de nombreuses difficultés juridiques qui rendraient son application impossible. Le Gouvernement propose donc de la supprimer. Néanmoins, comme je vous l’ai déjà dit, je souhaite que la question de l’indivision en Polynésie française et du partage par souche soit examinée sérieusement par mes services, en lien avec ceux du ministère des outre-mer. Mon cabinet a donc déjà commencé ce travail avec les élus polynésiens.
Je crois nécessaire que nous allions plus loin rapidement pour mesurer clairement les enjeux juridiques et apporter des solutions concrètes aux difficultés rencontrées en Polynésie. Il serait utile que nous avancions dans cette réflexion que le rapport Pastorel, en lien notamment avec le tribunal foncier qui vient d’être créé à Papeete, avait soulevée. Il s’agit d’un sujet sérieux, sur lequel nous devons trouver un équilibre entre le respect des principes, comme le droit de propriété et l’efficacité.