Intervention de Gilles de Margerie

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 5 avril 2018 à 8h30
Audition de M. Gilles de Margerie commissaire général de france stratégie

Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie :

Nous avons récemment publié un document qui montre que la connaissance des droits de succession et de leurs réalités au sein de la population est extrêmement imparfaite.

Je voudrais revenir sur un point relatif à l'équité intergénérationnelle. À tout moment, le groupe central, constitué des actifs, finance les autres. Reste à savoir quelle est sa taille, combien il contribue et quand il devient bénéficiaire. Le séquencement des âges de la vie s'est fait plus complexe, même au sein de la retraite : celle-ci est différente selon que l'on a ou non des charges de famille sur ses parents, ses enfants ou ses petits-enfants, selon que l'on est dépendant ou non. Notre pays se pose depuis vingt ans la question du cinquième risque et bricole des solutions qui, certes, fonctionnent assez convenablement, mais nous avons le plus grand mal à expliciter ces questions. Cela a aujourd'hui certains impacts indirects.

Ainsi, nous avons assez bien réussi une première étape, celle de la politique de maintien à domicile des personnes âgées. Cela a néanmoins eu pour conséquence que les personnes qui arrivent en EHPAD sont dans un état de dépendance nettement dégradé par rapport à celles qui y entraient il y a vingt ans. Le personnel de ces établissements a donc vu son métier se transformer largement et devenir plus lourd. Une politique de gestion des âges de la vie est donc nécessaire.

L'évolution du montant des successions par rapport au PIB est impressionnante. Un petit nombre de facteurs l'explique. Tout d'abord, en France, le taux d'épargne est élevé. Nous ne disposons certes pas de fonds de pension, mais le taux de propriété du logement est élevé chez les personnes âgées, et les assurances-vie représentent des sommes importantes au regard du PIB. Dans le même temps, la valeur des actifs, notamment immobiliers, a beaucoup augmenté. Tout cela fait que le poids relatif du patrimoine détenu par les personnes âgées a augmenté par rapport au PIB. Cela explique certaines évolutions que nous constatons et qui deviendront des sujets de société majeurs.

Ces évolutions ne sont pas neuves, mais elles sont mal connues ; elles seront perçues par nos concitoyens comme un facteur de plus en plus important dans leur cycle de vie. La génération qui prendra sa retraite dans 5 à 10 ans pourra considérer à bon droit qu'elle a eu moins de chance que celle qui l'a prise il y a dix ans. La notion d'équité est à relier à la rentabilité du cycle de vie des cotisations de retraite. Lorsque l'on parle de taux implicite du compte notionnel, on ne parle pas d'autre chose. Tôt ou tard, le débat public portera sur ces sujets. Les travaux que vous menez y contribueront, et France Stratégie a bien l'intention d'y travailler. Il faut faire le lien avec ce que chacun vit tous les jours : soutien des grands-parents aux petits-enfants, enfants qui restent de plus en plus longtemps chez leurs parents - même si cela est encore peu important en France, malgré le film dont tout le monde se souvient, Tanguy. Dans les pays du Sud, les solidarités nationales ont joué un rôle majeur : on ne peut pas comprendre sans elles comment l'Espagne a pu traverser une telle crise, avec un taux de chômage double du nôtre. Ce que vous faites et ce que nous allons faire devrait permettre de fonder sur des données plus sûres les politiques publiques qui seront menées dans les années qui viennent.

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