Intervention de Edouard Sauvage

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 avril 2018 à 11h00
Audition de M. Edouard Sauvage directeur général de gaz réseau distribution france grdf

Edouard Sauvage, directeur général de Gaz Réseau Distribution France (GRDF) :

Cela existe aussi. J'ai visité en Alsace une usine qui a, en sous-produits, de l'hydrogène et du CO2 et qui espère voir venir un appel d'offres qui lui permettrait de recombiner avec la garantie d'un tarif de rachat - car cela lui coûte malheureusement moins cher, pour l'instant, de renvoyer le CO2dans l'atmosphère que de le réinjecter en circuit propre. Ce qui rejoint la question de la taxe carbone...

Beaucoup de questions m'ont été posées sur le développement du réseau. Vous savez qu'il n'a jamais existé d'obligation de desserte pour les réseaux de gaz, pour cette raison que le gaz est une énergie substituable : il n'y a jamais nécessité impérative de raccord.

En tant que gestionnaire de réseau, nous sommes convaincus que le développement du biométhane est l'opportunité d'élargir le maillage du réseau de distribution. Cela fait partie de nos discussions avec le régulateur et l'administration, pour déterminer dans quelles conditions économiques et législatives il faut le faire. Car le périmètre de concession étant ce qu'il est, nous n'avons pas aujourd'hui la possibilité de tirer des canalisations au-delà. Nous en avons parlé au sein du groupe de travail sur la méthanisation, animé par le ministre Lecornu : il faut une légère modification législative pour faciliter les raccordements d'installation qui ne sont pas situés dans des périmètres en concession. L'autre possibilité étant, lorsqu'une zone rurale est couverte par un syndicat départemental, de voir si l'autorité concédante peut lancer un appel d'offres pour élargir le périmètre de la concession. Ces deux possibilités doivent pouvoir se compléter mais dans tous les cas de figure, il y faut un ajustement législatif et la fixation de nouvelles règles pour élargir la desserte.

Vous m'interrogez sur les infrastructures de stockage. Notre capacité, sur le territoire, est très importante : 15 milliards de mètres cubes environ, soit plus d'un tiers de la consommation annuelle, ce qui permet d'amortir la très grande variation de la demande entre l'été et l'hiver.

Vous me demandez si l'on peut injecter du biométhane dans les stockages, la réponse est oui. Les deux opérateurs présents en France ne voient aucune raison de s'y opposer. Cela suppose de mettre en place des compresseurs rebours. Selon nos analyses, 30 % de consommation de gaz via la méthanisation correspondent à un potentiel déjà existant dans l'agriculture, sans qu'il y ait à changer quoi que ce soit dans son organisation. Nous continuons à affiner les choses dans notre partenariat avec la FNSEA et l'Inra. À combien s'élèveraient les investissements rebours permettant de renvoyer ce gaz vers le réseau de distribution ? Pour atteindre les 30 %, l'investissement nécessaire serait de 250 millions d'euros, à mettre en regard des 800 millions que nous investissons chaque année sur le réseau. Le coût est moindre que celui d'un terminal méthanier et beaucoup moins cher qu'une grande infrastructure de desserte. Plutôt que tirer de nouveaux gazoducs, comme nos homologues espagnols nous demandent de le faire à travers les Pyrénées, mieux vaut mettre en place ces compresseurs rebours, en France et dans toute l'Europe, ce qui améliorerait notre indépendance et supprimerait certaines limites à l'injection auxquelles se heurtent les promoteurs de projets de biométhane. Il reviendrait aux gestionnaires réseau de se mettre d'accord pour faire ces investissements, pour éviter les goulots d'étranglement. Sachant que la consommation d'été est limitée, on arrive vite, à défaut de compresseurs rebours dans les zones où existe un gros potentiel, à une saturation du réseau de distribution. On a réussi à limiter cette saturation en connectant des zones de distribution les unes avec les autres, mais il faut aller plus loin, d'où les trois projets pilotes que nous avons lancés avec nos collègues de GRTgaz, pour un coût, encore une fois, très modique au regard de nos investissements annuels. À titre de comparaison, Enedis déclare investir chaque année 700 millions d'euros pour raccorder des énergies renouvelables électriques.

J'en viens à la réglementation. La loi sur les hydrocarbures a permis de réguler les stockages et toutes les capacités ont été souscrites pour l'hiver prochain. Il reste à définir de combien de stockage nous avons durablement besoin. À titre personnel, j'ai tendance à penser que dans un monde incertain, supprimer des infrastructures de stockage d'énergie existantes serait dommageable, car leur existence nous permet de faire face à toute surprise liée à un problème de réseau ou à une difficulté d'ordre géopolitique liée à l'importation en provenance de tiers fournisseurs. Il appartiendra au Gouvernement et au législateur de se prononcer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion