Commission des affaires économiques

Réunion du 4 avril 2018 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • gaz
  • hydrogène
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  • Énergie

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous accueillons M. Edouard Sauvage, directeur général de Gaz Réseau Distribution France (GRDF), accompagné de M. Bertrand de Singly, délégué stratégie, et de Mme Muriel Oheix, chargée des relations institutionnelles.

Le monde de l'énergie évolue rapidement et le gaz a vocation à occuper une place particulière dans cette transition. La dernière actualisation du bilan prévisionnel pluriannuel réalisée par les gestionnaires de réseaux apparait de ce point de vue particulièrement éclairante : selon ces projections, d'ici à 2035, la consommation totale de gaz hors production d'électricité devrait diminuer, tout en permettant de chauffer un nombre croissant de logements et de surfaces tertiaires grâce, à la fois, aux gains en matière d'efficacité énergétique et au déploiement d'équipements plus performants. Dans le même temps, le gaz devrait continuer à remplacer, dans l'industrie et dans la production d'électricité, des énergies plus carbonées comme le fioul et le charbon et contribuer ainsi, avec l'essor des énergies renouvelables, à la décarbonation de notre économie. Quelle sera la place du gaz dans ce monde nouveau et quelles sont vos attentes, à cet égard, dans le cadre de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) en cours de discussion ?

Les réseaux, qui devront accompagner cette évolution, sont déjà confrontés à un double défi : accueillir de nouveaux sites d'injection décentralisés, à commencer par les méthaniseurs, et développer de nouveaux points d'avitaillement en gaz naturel véhicule (GNV) et bio-GNV. Comment la France se positionne-t-elle par rapport aux autres pays européens en matière d'injection de biométhane dans les réseaux et d'usage du gaz dans les transports ? Comment est-il envisageable d'accélérer le développement de ces filières ?

Au-delà de ses investissements récurrents sur les réseaux, GrDF doit également déployer, d'ici à 2022, 11 millions de compteurs communicants Gazpar, qui permettront la relève à distance quotidienne des consommations. Fin mars, vous indiquiez avoir installé un million de ces nouveaux compteurs, avec un taux de refus des clients inférieur à 1 %. Mais dans le même temps, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) indiquait que, parmi les clients déjà équipés, guère plus de 2 % avaient ouvert un espace client sur le site de GrDF pour exploiter ces données nouvelles et mieux maîtriser leur consommation. Pourriez-vous nous entretenir du modèle économique retenu, du mode de fonctionnement concret du système, de la nature des oppositions rencontrées sur le terrain et des bénéfices attendus pour le consommateur ? Comment communiquez-vous sur ce dossier auprès de vos clients ?

Debut de section - Permalien
Edouard Sauvage, directeur général de Gaz Réseau Distribution France (GRDF)

Je vous remercie de me permettre d'évoquer devant votre commission les multiples sujets d'actualité de notre société. GRDF opère, depuis la nationalisation de cette activité en 1946, le réseau de distribution de gaz sur la très grande majorité du territoire, soit 200 000 kilomètres de réseau, près de 11 millions de clients et plus de 9 500 communes raccordés. Son chiffre d'affaires, stable, s'établit à 3,5 milliards d'euros par an et dépend de la formule tarifaire fixée pour quatre ans par le régulateur avec des exigences de productivité. Pour la période en cours, cette trajectoire tarifaire correspond ainsi à l'inflation - 0,8 %. En 2017, nous avons réalisé 858 millions d'euros d'investissements, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2016, essentiellement destinés à la modernisation du réseau et à la sécurité, ainsi qu'à l'installation des compteurs communicants, qui monte en puissance et se poursuivra jusqu'en 2022.

Le gaz s'inscrit pleinement dans la transition énergétique. Quel que soit le scénario envisagé de substitution d'énergies au profit du gaz, la consommation diminue, ce qui dégage à la fois des marges de manoeuvre pour moderniser notre réseau et pour profiter des atouts d'une énergie qui peut se stocker et se transporter sur tout le territoire, notamment dans la perspective des variations saisonnières de consommation. Vous le savez, les infrastructures gazières ont été conçues pour faire face aux hivers les plus rigoureux mais aussi à des ruptures d'approvisionnement majeures.

Ce recul de la demande tient principalement à l'efficacité énergétique croissante dans le secteur résidentiel, liée pour partie à l'amélioration de l'isolation des bâtiments et, surtout, des processus gaziers eux-mêmes. À titre d'illustration, les chaudières à condensation améliorent de 30 % l'efficacité énergétique par rapport aux matériels précédents et de nouvelles générations de chaudières (micro-cogénérations, piles à combustibles ou solutions hybrides) devraient offrir prochainement des performances encore supérieures, le tout occasionnant des gains très importants par le simple remplacement d'appareils existants sans qu'il faille mener de lourdes opérations de rénovation du bâti.

C'est donc un levier pour la transition énergétique qui est aisé et relativement peu coûteux à mettre en oeuvre (3 000 à 4 000 euros pour un remplacement standard), d'autant que peuvent être sollicitées des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour les ménages aux revenus modestes. Si je compare à un véhicule, le remplacement d'une chaudière reviendrait à améliorer les capacités du moteur, et donc à produire la plus grande part de la performance énergétique, quand le renforcement de l'isolation du bâti correspondrait davantage au travail sur l'aérodynamisme du véhicule.

L'efficacité énergétique passe aussi par une meilleure appropriation de leur consommation par nos clients et c'est précisément la raison pour laquelle nous investissons environ un milliard d'euros dans notre programme d'équipement en compteurs communicants. Vous avez raison de le souligner, madame la présidente, l'acceptabilité de ce compteur est aujourd'hui très élevée car la promesse faite au client est simple : c'est celle d'un relevé quotidien de la consommation qui doit permettre, ensuite, de réaliser des économies d'énergie, toute la question étant de savoir qui délivre ces conseils au client.

Dans la mesure où les directives européennes ont clairement séparé les rôles, les gestionnaires de réseau ne peuvent conseiller les consommateurs ; il importe donc que les fournisseurs ou les opérateurs de services qui se positionneraient sur ce créneau se saisissent de cette opportunité en offrant à leurs clients des services complémentaires, par exemple de comparaison des consommations d'une année sur l'autre, et des conseils pour adapter, le cas échéant, leur installation. Les particuliers mesureront d'autant mieux l'intérêt de ces nouveaux compteurs.

Il convient cependant de veiller à l'équilibre entre la nécessaire confidentialité de ces données personnelles et l'envie d'un grand nombre d'opérateurs d'en disposer. Cet accès aux données doit selon nous être limité à une décision volontaire des clients, d'où la nécessité de les convaincre de l'intérêt, pour eux, d'une telle transmission. En matière d'agrégation des données, GRDF, en sa qualité de tiers de confiance, doit fournir aux autorités concédantes et aux collectivités territoriales des données agrégées qui leur permettent de cibler des zones de leur territoire dans lesquelles une opération globale de rénovation de l'habitat se justifierait.

La diminution annoncée de la consommation de gaz devrait favoriser les nouveaux usages, notamment en matière de transport au profit d'une meilleure qualité de l'air dans les agglomérations. La France a, longtemps, accusé un retard en la matière au regard d'autres pays européens comme l'Italie, en limitant, faute de stations, l'usage de GNV à des flottes captives à l'instar des véhicules de ramassage de déchets et des bus, qui peuvent être rechargés dans un entrepôt. Pour autant, deux tiers des villes utilisent au moins partiellement ce type de technologies, qui se développe aussi dans le transport de marchandises, en particulier pour la livraison au client final selon un système qui diffère finalement assez peu de la flotte captive : on voit bien que, pour alimenter, par exemple, la ville de Paris à partir du marché de Rungis, il suffit d'installer une station à la sortie du marché pour que les véhicules puissent faire la navette sans difficulté.

Grâce aux initiatives lancées par des syndicats d'énergie et par des énergéticiens (distributeurs de carburants ou fournisseurs de gaz), nous disposons désormais d'un grand programme de développement de stations de GNV sur le territoire national et il existe une vraie volonté de la filière, représentée par la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), de s'engager dans cette voie, d'autant qu'il n'existe guère, pour les véhicules de grande taille, d'alternative électrique. En votant la stabilisation de la fiscalité sur le GNV pendant cinq ans et la prolongation du suramortissement sur deux ans, le législateur a donné de la visibilité et permis à la filière de décoller : ainsi, 50 % des véhicules GNV nouvellement immatriculés en Europe le sont désormais en France. S'agissant du transport en car sur longues distances, le développement du GNV est désormais possible ; il avait longtemps été freiné par le fait que le réservoir était installé en partie en lieu et place des soutes à bagages, ce qui n'est plus le cas.

Vous l'aurez compris, nous sommes sereins sur le développement du transport au gaz pour les véhicules lourds. D'ailleurs, plusieurs enseignes, en particulier dans la grande distribution, s'engagent en faveur du biométhane, et donc du bioGNV, pour leurs livraisons afin de réduire la pollution. Alors que le GNV avait déjà l'avantage de diviser par deux le volume sonore et de réduire de 90 % l'émission de particules fines et d'oxydes d'azote (NOx) par rapport au gazole, le bioGNV est aujourd'hui l'unique solution renouvelable disponible qui permette aussi de réduire de 90 % les émissions de dioxyde de carbone.

Comment, dans ce contexte de croissance des usages, développer la production de biométhane ? La France était historiquement en retard par rapport à l'Allemagne et aux pays du Nord de l'Europe mais la filière est en plein développement. Désormais 44 méthaniseurs injectent du gaz dans notre réseau, tandis que 361 projets, correspondant à 8 TWh de production, sont au stade des études détaillées et ont donc déjà fait l'objet d'un investissement financier du promoteur, ce qui atteste de leur sérieux. Dans ces conditions, l'ambition affichée par la PPE pour 2023 sera atteinte.

Pour savoir ce qu'il en sera à plus longue échéance, GRDF a apporté son soutien à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dans le cadre d'une étude relative à la possibilité de disposer d'un gaz 100 % renouvelable à l'horizon 2050. Les résultats indiquent que cet objectif est atteignable avec la ressource existante grâce à plusieurs techniques, permettant chacune de couvrir environ un tiers des besoins : la méthanisation des déchets, principalement agricoles mais aussi en provenance des stations d'épuration, des décharges existantes ou du tri sélectif des déchets dans les zones urbaines ; les technologies, qui restent à développer, de pyrogazéification de matières ligneuses, ce qui évite en particulier d'avoir à transporter le bois sur de longues distances, et le « power to gas », c'est-à-dire la fabrication d'hydrogène rendue possible par l'excès de production d'électricité à certaines périodes de l'année, qui ira croissant avec le développement des énergies renouvelables intermittentes. Nous testons cette troisième voie dans le cadre d'un pilote qui démarrera avant l'été, à Dunkerque, et permettra d'alimenter en hydrogène une flotte de bus et un lotissement en l'injectant dans le réseau de gaz naturel existant. L'hydrogène peut également être recombiné à du dioxyde de carbone pour créer du méthane, avec cette même logique de profiter des réseaux et des stockages existants pour le distribuer.

L'étude de l'Ademe indique, en outre, que les investissements sur le réseau seront très limités pour parvenir à ce 100 % de gaz renouvelable en 2050, étant entendu qu'il n'existe aucune problématique d'intermittence ou de stockage avec le biométhane. Il s'agira d'une énergie disponible toute l'année moyennant un investissement tout à fait minime en compresseurs rebours vers le réseau de transport, dont nous testons actuellement trois pilotes avec GRTgaz.

Quant au coût du biométhane lui-même, il sera certes supérieur à celui du gaz fossile disponible sur les marchés internationaux mais sera parfaitement comparable à celui envisagé par l'Ademe dans son scénario pour une électricité 100 % renouvelable. Et c'est surtout, d'après l'Ademe, un coût qui apparaît totalement pertinent en 2050 si l'on tient compte de la raréfaction des ressources fossiles et d'un montant de taxe carbone qui ira croissant. À court terme, le tarif de rachat moyen du gaz renouvelable est inférieur de 30 % à celui de l'électricité renouvelable. Le choix en faveur du gaz semble donc évident, d'autant qu'il offre des revenus complémentaires aux agriculteurs et qu'il permettra aussi d'étendre, par la même occasion, le réseau de gaz pour apporter une alternative au fioul domestique à un plus grand nombre de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous vous remercions, monsieur le directeur général, pour votre propos liminaire aussi précis que passionnant.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Vos propos ont effectivement été d'une grande clarté s'agissant de la stratégie de GRDF. L'usage de gaz est en plein essor pour les différents types de mobilité mais quelle politique industrielle développez-vous en faveur des particuliers ? Le gaz constitue-t-il pour eux une véritable alternative à l'électrique et au gazole ? Comment en développer l'usage chez nos concitoyens alors que, déjà, des investissements considérables ont été déployés pour favoriser les véhicules électriques en installant des bornes de rechargement sur l'ensemble du territoire national ?

Vous nous assurez pouvoir atteindre l'ambitieux objectif fixé par la programmation pluriannuelle de l'énergie pour 2023, mais dans quelles conditions alors que notre production de biométhane n'est aujourd'hui que de 0,5 TWh ? Quelle stratégie prévoyez-vous de développer concernant l'hydrogène ? Les projets dans ce domaine sont anciens ; la région Lorraine fut même pionnière en la matière...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le gaz naturel, grâce à un contenu carbone moindre que celui du charbon ou du pétrole, devrait contribuer pleinement à la transition vers des systèmes énergétiques moins carbonés. Dans ce cadre, l'industrie gazière peut-elle développer des technologies encore moins carbonées, donc plus propres ? GRDF, GRTgaz et l'Ademe ont travaillé ensemble pour voir s'il serait faisable de disposer d'un gaz 100 % renouvelable à l'horizon 2050 ; un tel objectif permettrait d'éviter l'émission de 63 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an et contribuerait à assurer l'indépendance énergétique de la France, qui importe chaque année pour 10 milliards d'euros de gaz. Quel est le degré de maturité des trois filières de production de biométhane que vous nous avez présentées ? Les deux dernières, me semble-t-il, sont encore loin d'être au point... Le seront-elles en 2050 ?

Le biogaz constitue une ressource décentralisée dont le potentiel de production demeure éloigné des réseaux. Est-il prévu de développer les raccordements et, plus globalement, de renforcer le réseau ? De nouveaux stockages seront-ils créés ? L'étude de l'Ademe a-t-elle évalué les coûts d'adaptation éventuels des infrastructures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Vous espérez atteindre, en 2030, une part de marché de 30 % pour le biométhane dans la consommation totale de gaz de l'Hexagone, ce qui nécessiterait le rattachement de plus de 3 000 sites de production au réseau dans les douze prochaines années. Quelles sont vos estimations de gisements de déchets agricoles mobilisables pour alimenter la filière ? Dans quelle mesure celle-ci pourrait se structurer selon les principes de l'économie circulaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Comment anticipez-vous l'extinction des tarifs réglementés ? Dans le cadre de la séparation des activités d'intervention de votre entreprise en 2018, le nombre de zones élémentaires de première intervention devrait être réduit de 30 %. Or, déjà, les préfets estiment que les délais d'intervention se sont allongés... Que pensez-vous de cette situation ?

Quels sont par ailleurs vos projets en matière de soutien au développement de la méthanisation dans la filière agricole, insuffisante en de nombreux territoires ? Entretenez-vous des relations avec General Electric, qui verra arriver à échéance en 2018 la protection de ses sites français ? Envisagez-vous de nouer des partenariats d'innovation, afin de préparer l'avenir des nouvelles énergies ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Lorsque j'étais maire de l'une des 9 500 communes desservies par le gaz, j'ai connu nombre de problèmes de délais de raccordement lorsque nous souhaitions effectuer ces opérations à l'occasion de travaux de voirie. Compte tenu notamment des délais d'autorisation, j'ai parfois dû renoncer à raccorder des habitations. Comment est-il possible de réduire ces délais ?

Par ailleurs, j'avais, en 2012, mené un projet de gazéification par pyrolyse dans ma commune, qui m'a valu une campagne municipale houleuse en 2014 avec trois listes pour 2 500 habitants. Ne croyez-vous que le développement à grande échelle de cette technologie risque de se heurter à l'opposition des riverains ?

Enfin, vous avez évoqué le développement de la méthanisation, qui, à mon sens, pose question pour les territoires ruraux : en matière de distribution car l'injection de gaz n'est réalisée qu'à proportion de son utilisation par les personnes raccordées, et de transport, qui, le long des grands axes, ne sied pas aux exigences de la ruralité. Comment favoriser le raccordement de ces territoires au réseau gazier ? Un récent arrêté du ministère de l'environnement crée une aide pour favoriser leur raccordement au réseau électrique ; ne pourrait-on pas envisager une procédure similaire pour le gaz ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

La préservation de nos capacités de stockage souterrain représente un enjeu essentiel pour la sécurité d'approvisionnement de notre système énergétique. Depuis l'adoption de la loi sur les hydrocarbures, les infrastructures de stockage nationales ont basculé dans un nouveau régime. Prenons garde que la prochaine révision de la PPE ne conduise à des fermetures de sites, notamment en territoires ruraux ! Nous devons, à cet égard, demeurer vigilants dans nos négociations avec l'Union européenne. J'ai alerté Mme Loiseau, ministre chargée des affaires européennes, sur ce dossier mais n'ai pas encore reçu de réponse à mon courrier...

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

En attendant sa possible indépendance énergétique en 2050, la France importe du gaz de différents pays. J'ai néanmoins cru comprendre que les contrats avec certains pays courraient désormais sur de plus courtes durées. Cela pourrait-il conduire à des difficultés d'approvisionnement ?

S'agissant du stockage, la situation est, cette année, plus favorable. Cette différence est-elle la conséquence d'un hiver plus clément ou d'une augmentation de nos capacités de stockage grâce, notamment, aux dispositions que le Sénat a contribué à faire adopter dans la loi sur les hydrocarbures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Vous avez évoqué, s'agissant de l'utilisation de gaz naturel par des véhicules moins carbonés, vos actions en faveur des véhicules lourds. À quelle échéance cette technologie sera-t-elle utilisable par tous ? En d'autres termes, quand un nombre de stations de recharge suffisant sera-t-il installé sur le territoire national ? Les constructeurs automobiles et les gestionnaires de flottes sont-ils sensibilisés à cette évolution ?

En France, environ 400 installations de méthanisation fonctionnent, dont 50 % dans des fermes. Mais les territoires ruraux souhaitent pouvoir consommer le gaz qu'ils produisent localement. Travaillez-vous à cet égard sur le développement des circuits courts ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Les terminaux méthaniers et les stockages souterrains jouent un rôle stratégique majeur. La part correspondant à ces fonctions dans les tarifs d'acheminement suffit-elle à assurer les nécessaires investissements sur ces installations ? Les stockages souterrains ont-ils vocation à stocker du biométhane ? La production de ce gaz étant largement répartie sur le territoire national, comment l'acheminer au mieux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

L'installation de compteurs communicants inquiète, tant en matière de risque sanitaire que de coût financier. Quelle est la réalité des économies espérées ? Comment sera assurée la protection des données personnelles des particuliers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Quelle excellente nouvelle : en 2050, 100 % du gaz sera renouvelable ! Mais si la méthanisation fait d'ores et déjà ses preuves, la distribution du gaz ainsi créé n'est guère satisfaisante. En effet, alors que les stations de méthanisation agricoles transforment majoritairement le gaz en électricité, les exploitants préfèreraient l'injecter dans le réseau mais ne le peuvent pas en raison de leur éloignement. Par ailleurs, vous avez utilisé le terme de « déchets » agricoles ; je préfère, pour ma part, celui de « coproduits » agricoles...

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

L'hydrogène représente une énergie parfaitement décarbonée en ce qu'elle produit de l'eau en brûlant, alors que le méthane produit du dioxyde de carbone. D'où provient le dihydrogène que produit la France ? À Cologne, j'ai pu observer le fonctionnement d'une flotte de bus directement équipés en dihydrogène, technologie aussi écologique qu'efficace. Pourquoi préférons-nous utiliser l'hydrogène pour fabriquer du méthane au lieu de l'utiliser directement dans les véhicules ? Nous gagnerions à nous intéresser à l'exemple allemand.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cuypers

Quels sont le niveau et le coût de nos capacités de stockage en gaz ? Je m'inquiète également, compte tenu de la multiplication des normes les concernant, du risque de fermeture des sites nationaux au profit d'un stockage à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Les territoires ruraux souffrent d'une véritable discrimination en matière de fourniture de gaz entre les communes raccordées et celles qui dépendent de citernes gérées par des fournisseurs. Des conseils départementaux s'engagent auprès des méthaniseurs en faveur de l'équilibre des territoires et du développement des circuits courts. Envisagez-vous d'étendre votre réseau de distribution à ces territoires, qui produisent du gaz sans en profiter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Dans mon département, après six ans d'errance et quatre de démarches administratives, cinquante-huit agriculteurs ont enfin pu lancer leur projet de méthanisation à hauteur de 8,5 millions d'euros d'investissement pour une puissance de 1 MW. Vous participez au développement de cette technologie et avez noué, à cet effet, des partenariats avec, notamment, l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Pourriez-vous nous préciser le contenu de ces collaborations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

La mode est à la libéralisation, le rail constituant le dernier exemple en date. L'énergie fut l'un des premiers secteurs concernés. Estimez-vous que cette évolution ait représenté un avantage pour les consommateurs ? Quant au découpage de l'opérateur gazier historique en plusieurs entités, comment jugez-vous ses conséquences en matière de gouvernance pour l'entreprise, mais également pour les salariés et les usagers ? Comment, enfin, anticipez-vous la fin des tarifs réglementés du gaz ? Par qui sera amorti le coût d'une éventuelle augmentation du prix du gaz ?

Debut de section - Permalien
Edouard Sauvage, directeur général de Gaz Réseau Distribution France (GRDF)

Votre intérêt, en particulier pour le développement du biométhane, est manifeste ; j'imagine qu'il aura une traduction dans de prochains textes de loi... La réglementation européenne a effectivement imposé la séparation de la fourniture et de la gestion des réseaux gaziers. Ce fut, en l'absence de véritable consensus et d'une ambition partagée entre les États membres, un processus long et tortueux, qui accoucha d'un compromis que je qualifierais de bâtard. Depuis lors, GRDF ne peut, en tant que gestionnaire de réseau, ni produire ni vendre de l'énergie, pas plus qu'il ne peut apporter des conseils rémunérés. Je ne peux vous dire, monsieur Gay, quelle serait la situation si cette réglementation n'avait pas existé. Nous ne faisons qu'appliquer la loi...

Nous avons, à plusieurs reprises et, notamment, lors de contentieux devant le Conseil d'État et auprès du régulateur, fait état de notre position s'agissant de l'extinction des tarifs réglementés. Nous estimons que les compteurs communicants faciliteront par définition le passage d'un fournisseur à l'autre grâce à l'indexation journalière de la consommation des clients, dès lors que les difficultés les plus fréquentes tenaient jusqu'à présent à la nécessité d'une relève sur place de l'index ou à des contentieux entre opérateurs entrant et sortant sur le niveau de cet index. Cela ne veut pas dire que la bascule des données est simple à réaliser mais nous investissons depuis l'ouverture des marchés dans notre système d'information afin d'être en capacité de gérer les données ainsi générées. Nous serons au rendez-vous, d'autant que le Gouvernement a indiqué qu'une période de transition serait prévue. La capacité technique du gestionnaire de réseau ne sera pas un obstacle.

L'intérêt, pour un particulier, de changer de fournisseur, dépendra ensuite des offres commerciales et des habitudes des consommateurs, certains étant plus fidèles à leur fournisseur que d'autres, qui en changent régulièrement. Mais, quoi qu'il en soit, les compteurs communicants amélioreront la vie des usagers, qui pourront plus aisément gérer leur consommation. Ils reposent sur une technologie simple qui renvoie, deux fois par jour, l'index vers un concentrateur. Le compteur lui-même n'a pas changé, pas plus que sa durée de vie ; seule la capacité de lire et d'envoyer l'index lui a été ajoutée. GRDF demeure dans l'obligation de changer les compteurs tous les vingt ans. Le déploiement des compteurs communicants a certes conduit à une légère accélération du remplacement, mais nous l'avions à vrai dire anticipé pour les compteurs posés récemment, sur lesquels nous n'avons plus qu'à ajouter un émetteur. C'est du reste un matériel qui se recycle facilement et pour lequel nous avons mis en place un circuit de recyclage.

La relève quotidienne des données préserve la confidentialité des détails de la vie privée. C'est le propre du choix qui a été fait après une longue concertation, sous l'égide du régulateur, avec les fournisseurs et les associations de consommateurs et qui permet de répondre par la négative à la question, qui m'est encore parfois posée, de savoir si le compteur communicant permet de connaître l'heure à laquelle un client prend sa douche... Avec un index journalier, c'est par définition impossible !

Quant au risque sanitaire, le compteur émet en fréquence radio de 169 mégahertz. Lorsque nos clients nous interrogent, nous leur répondons que les émissions correspondent à l'activation d'une télécommande deux fois par jour et que la dangerosité de ces fréquences radio, dont nous sommes inondés, aurait été démontrée depuis bien longtemps si elle était avérée. Le concentrateur prend quant à lui la forme d'une antenne installée sur le toit qui n'est pas plus haute qu'un bureau et la réémission se fait quinze minutes par jour sur un téléphone portable. Ces éléments sont rassurants et, lorsqu'ils sont compris par nos clients, nous n'essuyons guère de refus d'installation. La moitié des dossiers présentés au médiateur de l'énergie concerne des relevés d'index et des problèmes de facturation, qui devraient en partie disparaitre avec les nouveaux compteurs.

Le législateur avait initialement prévu que les salariés de GRDF et d'Enedis, qui gère le réseau électrique, opèrent conjointement sur les zones d'intervention. Ces intervenants, respectivement gaziers ou électriciens, étaient au nombre de 4 000, soit 10 % des effectifs réunis des deux entreprises. Or, les nouveaux compteurs électriques ne nécessitent plus l'intervention directe d'Enedis. Cette synergie n'a donc plus guère de sens, d'autant que la difficulté de maîtriser tant les problématiques électriques que gazières conduisait à des interventions réduites, comme l'indiquent un certain nombre d'incidents récents. Désormais, réalisées par le seul personnel spécialisé de GRDF pour ce qui concerne le gaz, elles seront plus efficaces. Toutefois, la réduction à 1 000 du nombre d'intervenants a nécessité l'élargissement des zones d'intervention. Dans ce contexte, la géolocalisation des véhicules permettra de réduire les délais de réponse, qui ne dépassent pas l'heure dans 90 % des cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Les préfets notent un temps d'intervention beaucoup plus long.

Debut de section - Permalien
Edouard Sauvage, directeur général de Gaz Réseau Distribution France (GRDF)

Ce n'est pas le cas. Nous disposons de statistiques précises. Toutes nos équipes sont à disposition des autorités concédantes. Les critères d'intervention représentent un enjeu clé du service public de distribution de gaz, et je puis vous garantir qu'ils ne se dégraderont pas : plus de 90 % des interventions ont lieu dans l'heure, et cela va continuer.

Sur la méthanisation, l'étude que nous avons menée avec l'Ademe n'est pas un scénario au sens de l'agence. Il s'agit de répondre à la question : peut-on avoir du gaz d'origine renouvelable à l'horizon 2050 ? Pour l'Ademe, la priorité est d'éliminer le fioul et le pétrole avant d'entreprendre de décarboner le gaz naturel à 100 %, et c'est pourquoi la plupart de ses scenarios ne retiennent pas l'horizon de 2050. L'idée, ici, est avant tout de dire que cela est possible techniquement et économiquement, en retenant le bon mix, en prévision des débats sur la PPE.

Vous avez raison, monsieur le président Courteau : la technique de la méthanisation fonctionne et sa productivité peut encore, d'après nous, s'améliorer de 30 %. Je m'excuse, monsieur le sénateur Raison, d'employer l'expression de « déchets agricoles », mais tous les Français ne sont pas aussi experts que vous. Alors que certains accusent la filière de vouloir transformer une production alimentaire en énergie - pratique que l'on a vue dans un pays voisin, et que nous déconseillons formellement - le choix des mots est important et c'est pourquoi, dans un souci de bonne communication, je préfère parler de valorisation des déchets. Le partenariat signé avec la FNSEA et les chambres d'agriculture vise à les accompagner pour améliorer la formation des agriculteurs. Nous recherchons des méthaniseurs pilotes dans les lycées agricoles, avec l'idée que la formation des acteurs est essentielle, car ils sont les mieux à même de porter le message.

S'agissant des deux autres filières, le power to gas et la pyrogazeification, des pilotes existent à travers le monde. Nous en avons évalué, avec l'Ademe, la faisabilité. Nos anticipations ont montré que leur coût nous semble raisonnable, ce qui nous confirme dans l'idée que ces filières peuvent se développer. Mais nous n'en sommes encore qu'à une phase de prototype.

Sur l'hydrogène, GRDF est tenu par un principe de spécialité : nous ne pouvons ni en fabriquer ni en vendre. Avec le prototype testé à Dunkerque, nous souhaitons, évaluer notre capacité à injecter durablement de l'hydrogène dans nos réseaux et à apporter à terme à nos clients un mix méthane-hydrogène.

L'hydrogène aujourd'hui utilisé en France, madame Préville, est exclusivement fabriqué à partir de méthane fossile reformaté. Le jour où l'hydrogène propre, d'origine renouvelable, se développera, via le power to gas, comment sera-t-il utilisé dans l'industrie ? Telle est la question à se poser. Faut-il l'utiliser directement ou le combiner avec le CO2 me demandez-vous. Pour moi, il est intéressant d'engager la recherche dans ce domaine pour réutiliser le CO2 produit par l'industrie, plutôt que le laisser émettre dans l'atmosphère afin de produire du méthane qui peut être injecté dans les réseaux existants. Nous sommes là dans une logique d'économie circulaire. Comme pour le bois, il s'agit de répondre au principe qui veut que l'on recrée autant que l'on consomme. Quand on brûle du biométhane, on émet du CO2 mais avec l'idée de le réutiliser dans la chaîne. Travailler sur la recombinaison d'un hydrogène renouvelable avec du CO2 fatal est donc un moyen d'éviter les émissions de CO2 et de remettre cet hydrogène dans une économie circulaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

En Allemagne, il s'agit d'un sous-produit de l'industrie chimique. Qu'en est-il en France ?

Debut de section - Permalien
Edouard Sauvage, directeur général de Gaz Réseau Distribution France (GRDF)

Cela existe aussi. J'ai visité en Alsace une usine qui a, en sous-produits, de l'hydrogène et du CO2 et qui espère voir venir un appel d'offres qui lui permettrait de recombiner avec la garantie d'un tarif de rachat - car cela lui coûte malheureusement moins cher, pour l'instant, de renvoyer le CO2dans l'atmosphère que de le réinjecter en circuit propre. Ce qui rejoint la question de la taxe carbone...

Beaucoup de questions m'ont été posées sur le développement du réseau. Vous savez qu'il n'a jamais existé d'obligation de desserte pour les réseaux de gaz, pour cette raison que le gaz est une énergie substituable : il n'y a jamais nécessité impérative de raccord.

En tant que gestionnaire de réseau, nous sommes convaincus que le développement du biométhane est l'opportunité d'élargir le maillage du réseau de distribution. Cela fait partie de nos discussions avec le régulateur et l'administration, pour déterminer dans quelles conditions économiques et législatives il faut le faire. Car le périmètre de concession étant ce qu'il est, nous n'avons pas aujourd'hui la possibilité de tirer des canalisations au-delà. Nous en avons parlé au sein du groupe de travail sur la méthanisation, animé par le ministre Lecornu : il faut une légère modification législative pour faciliter les raccordements d'installation qui ne sont pas situés dans des périmètres en concession. L'autre possibilité étant, lorsqu'une zone rurale est couverte par un syndicat départemental, de voir si l'autorité concédante peut lancer un appel d'offres pour élargir le périmètre de la concession. Ces deux possibilités doivent pouvoir se compléter mais dans tous les cas de figure, il y faut un ajustement législatif et la fixation de nouvelles règles pour élargir la desserte.

Vous m'interrogez sur les infrastructures de stockage. Notre capacité, sur le territoire, est très importante : 15 milliards de mètres cubes environ, soit plus d'un tiers de la consommation annuelle, ce qui permet d'amortir la très grande variation de la demande entre l'été et l'hiver.

Vous me demandez si l'on peut injecter du biométhane dans les stockages, la réponse est oui. Les deux opérateurs présents en France ne voient aucune raison de s'y opposer. Cela suppose de mettre en place des compresseurs rebours. Selon nos analyses, 30 % de consommation de gaz via la méthanisation correspondent à un potentiel déjà existant dans l'agriculture, sans qu'il y ait à changer quoi que ce soit dans son organisation. Nous continuons à affiner les choses dans notre partenariat avec la FNSEA et l'Inra. À combien s'élèveraient les investissements rebours permettant de renvoyer ce gaz vers le réseau de distribution ? Pour atteindre les 30 %, l'investissement nécessaire serait de 250 millions d'euros, à mettre en regard des 800 millions que nous investissons chaque année sur le réseau. Le coût est moindre que celui d'un terminal méthanier et beaucoup moins cher qu'une grande infrastructure de desserte. Plutôt que tirer de nouveaux gazoducs, comme nos homologues espagnols nous demandent de le faire à travers les Pyrénées, mieux vaut mettre en place ces compresseurs rebours, en France et dans toute l'Europe, ce qui améliorerait notre indépendance et supprimerait certaines limites à l'injection auxquelles se heurtent les promoteurs de projets de biométhane. Il reviendrait aux gestionnaires réseau de se mettre d'accord pour faire ces investissements, pour éviter les goulots d'étranglement. Sachant que la consommation d'été est limitée, on arrive vite, à défaut de compresseurs rebours dans les zones où existe un gros potentiel, à une saturation du réseau de distribution. On a réussi à limiter cette saturation en connectant des zones de distribution les unes avec les autres, mais il faut aller plus loin, d'où les trois projets pilotes que nous avons lancés avec nos collègues de GRTgaz, pour un coût, encore une fois, très modique au regard de nos investissements annuels. À titre de comparaison, Enedis déclare investir chaque année 700 millions d'euros pour raccorder des énergies renouvelables électriques.

J'en viens à la réglementation. La loi sur les hydrocarbures a permis de réguler les stockages et toutes les capacités ont été souscrites pour l'hiver prochain. Il reste à définir de combien de stockage nous avons durablement besoin. À titre personnel, j'ai tendance à penser que dans un monde incertain, supprimer des infrastructures de stockage d'énergie existantes serait dommageable, car leur existence nous permet de faire face à toute surprise liée à un problème de réseau ou à une difficulté d'ordre géopolitique liée à l'importation en provenance de tiers fournisseurs. Il appartiendra au Gouvernement et au législateur de se prononcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci pour vos réponses et pour votre enthousiasme.

La réunion est close à 12h15.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.