Intervention de François-Bernard Huyghe

Commission d'enquête menace terroriste après chute de l'Etat islamique — Réunion du 6 mars 2018 à 15h00
Audition de M. François-Bernard Huyghe directeur de recherche à l'institut de relations internationales et stratégiques iris

François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l'IRIS :

En préalable, je voudrais dire que je ne suis pas commentateur de télévision, je n'ai pas de boule de cristal, ma connaissance du phénomène djihadiste est limitée à ce que disent ses acteurs. J'ai travaillé sur plusieurs groupes - la Rote Armee Fraktion ou les Brigades rouges, par exemple - en lisant leurs productions ou en regardant leurs images en partant du principe que le terrorisme n'est pas seulement un acte de violence, mais également un acte de défi symbolique et de communication politique. En posant des bombes, ils posent des questions, selon les mots d'un célèbre avocat.

Dans cette perspective, mon intérêt s'est attaché au djihadisme et à la très abondante communication de Daech en français à destination de leur - malheureusement - riche public français, étudié d'un point de vue rhétorique. Quel message transmettent-ils, comment le rendent-ils efficace ? Comme médiologue, je me suis intéressé aux moyens matériels mis en oeuvre à cette fin. Le terrorisme a recours à deux moyens : tuer des gens, car l'acte de violence est un acte de communication, et diffuser du contenu dans des médias, des vecteurs de communication au sens classique.

En France, le terrorisme est apparu autour de 1890, avec la mouvance anarchiste qui suivait les nihilistes populistes russes. Ravachol et les autres publiaient des textes dans de petites revues imprimées. Le plus grand livre sur le terrorisme, Les Possédés, de Dostoïevski, commence par l'évocation d'une presse clandestine dans une cave en Crimée.

La communication de Daech m'a semblé très spécifique, y compris en comparaison de celle d'Al-Qaïda. Elle est plus sophistiquée et, parfois, talentueuse. Elle comprend, par exemple, des chroniques littéraires de bonne qualité sur certains livres de Scott Atran ou de Michel Onfray, par exemple.

Elle est toutefois en pleine mutation, parce qu'il est plus difficile de maintenir ce niveau aujourd'hui, alors que Daech a perdu Raqqa et beaucoup de moyens matériels et que certains moyens de lutte contre la diffusion de cette propagande ont montré leur efficacité, en particulier ceux que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ont mis en oeuvre et qui ont obtenu plus de résultats que ceux des gouvernements. Selon moi, d'ailleurs, les GAFA sont aujourd'hui plus puissants que beaucoup de gouvernements.

Je sais lire et regarder des images, donc, mais je n'ai pas de connaissance particulière de ces groupes, je ne les ai pas infiltrés, et je ne sais rien de plus du fonctionnement des services de renseignement que ce que j'ai lu.

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