Annoncé il y a quelques mois par le Gouvernement, ce projet de loi a pour principal objet de modifier l'organisation de l'élection des représentants français au Parlement européen. Il s'agit de remplacer les huit circonscriptions interrégionales en vigueur depuis 2003 par une circonscription nationale unique. Dès les prochaines élections européennes de mai 2019, les électeurs seraient donc appelés à voter pour des listes nationales.
Depuis 1979 et l'élection au suffrage universel direct des représentants au Parlement européen, le débat s'est toujours posé en ces termes : comment aménager la procédure électorale de manière à concentrer l'intérêt et l'engagement des votants sur la place de la France en Europe et sur les objectifs généraux de la construction européenne ?
Parallèlement, une autre question se pose. Le Parlement européen, par définition plurinational, compte aujourd'hui 751 membres issus de vingt-huit États différents. Comment assurer, en son sein, l'influence des représentants français sur le vote d'un certain nombre de directives et de règlements ?
Pour les prochaines élections européennes, il faut aussi tenir compte des dispositions relatives à la limitation du cumul des mandats, et notamment des règles de succession des mandats en cas d'incompatibilité. Désormais, on aura l'assurance d'avoir affaire pendant la campagne aux véritables têtes de liste, non à des personnalités « locomotive », qui dans l'heure suivant leur succès, se trouvant en situation d'incompatibilité, pouvaient quitter le Parlement européen pour privilégier leurs mandats nationaux. Désormais les élus devront conserver le plus récent mandat obtenu, ce qui empêchera de facto ce genre de pratiques.
Une partie de nos collègues préféreraient conserver une base régionale pour l'élection européenne, dans le cadre des treize nouvelles grandes régions créées par la loi du 16 janvier 2015. Même pour ceux qui sont favorables aux listes nationales, se pose nécessairement le problème de la représentativité géographique des candidats inscrits sur chaque liste, notamment vis-à-vis des outre-mer.
J'ai testé, par simulation, divers modes de scrutin s'inscrivant dans cette logique régionale. Souvenons-nous qu'il s'agit d'élire, en tout, soixante-quatorze députés européens. Dès lors, si l'on tente d'assurer une sous-répartition régionale à l'intérieur de listes nationales de candidats, on a tous les risques d'aboutir au résultat suivant : que les régions très peuplées soient représentées au sein de toutes les listes et que les régions peu peuplées ne le soient dans aucune.
Aussi, le projet de loi implique de renvoyer aux responsables politiques qui forment les listes de candidats la charge d'assurer une représentation équilibrée de celles-ci, afin que l'ensemble des citoyens puissent être représentés.
Le seuil d'élection serait maintenu à 5 % des suffrages exprimés. C'est la tradition française pour la majorité des scrutins de liste, et pour cause, car il s'agit d'un seuil de crédibilité. De surcroît, il garantit « l'utilité marginale » des députés français au Parlement européen ; le quota pour y disposer d'un groupe est de vingt-cinq parlementaires élus dans au moins un quart des États membres et, dans les faits, la quasi-totalité des groupes comptent entre 40 et 200 élus. Si l'on optait pour un seuil d'élection à 3 % des suffrages exprimés, représentant environ deux élus sur les soixante-quatorze sièges, les représentants français au Parlement européen risqueraient de devoir se contenter d'une participation très limitée à la constitution des groupes. Ce ne serait pas cohérent : ces représentants français doivent être à même de jouer le rôle le plus décisif possible.
Actuellement, les circonscriptions régionales totalisent entre cinq et huit sièges de député européen. Pour un ensemble de soixante-quatorze sièges, une circonscription nationale unique permettrait une représentation légèrement meilleure aux listes de candidats totalisant entre 5 % et 10 % des suffrages exprimés. Le système proposé par le projet de loi serait donc un peu plus pluraliste.
Dans nombre de pays européens, on donne aux électeurs le droit de choisir à l'intérieur des listes proposées. Or cette procédure, dite « du vote préférentiel », est tout à fait contraire à la tradition française. De nombreux scrutins de liste existent dans notre pays, pour les élections sénatoriales, régionales ou encore municipales. Sous la Ve République en tout cas, il n'a jamais été question de donner à l'électeur le pouvoir de choisir au sein des listes.