Intervention de Hélène Périvier

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 avril 2018 à 9h35
Politiques de lutte contre la pauvreté — Audition de Mme Valérie Albouy de l'insee et de Mme Hélène Périvier de l'observatoire français des conjonctures économiques

Hélène Périvier, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) :

Dans mon état des lieux et ma présentation des politiques, j'insisterai particulièrement sur les spécificités de la pauvreté et les mesures de la pauvreté. Les indicateurs, très importants, passent parfois à côté de certains phénomènes.

Les facteurs de la pauvreté sont d'abord le chômage ou les situations de précarité qui facilitent le basculement dans la pauvreté. La pauvreté est un phénomène dynamique, même si certaines personnes se trouvent structurellement en état de pauvreté. De nombreuses personnes sur les franges du marché du travail, travaillant ou non selon les aléas de ce marché, deviennent pauvres par intermittence. La situation familiale et le nombre d'enfants - malgré une politique familiale très développée -importent beaucoup. Les familles nombreuses sont les plus touchées, avec également un phénomène de reproduction de la pauvreté chez les enfants issus de ces familles. La pauvreté est souvent la conséquence d'une séparation, d'un divorce ou d'une rupture familiale, même si cet événement permet de s'émanciper de sa famille. Souvent, des mères isolées sont touchées. L'organisation des couples est souvent défavorable aux femmes dont l'insertion dans l'emploi est plus complexe et moins continue que celle des hommes. Lors d'une séparation, il y a une perte d'économies d'échelles, notamment avec deux logements au lieu d'un. Les politiques sociales et familiales sont inadaptées à ces configurations et accompagnent mal ces situations pouvant conduire à la pauvreté. Selon l'Insee, la perte de niveau de vie après un divorce concernait les deux conjoints, mais davantage les femmes. La garde des enfants revient souvent à la mère et la pauvreté se répercute sur les enfants. Les couples avec deux actifs sont beaucoup moins sujets à la pauvreté, à l'inverse des mères isolées. Entre les deux se trouvent les femmes et les hommes seuls pouvant être dans une grande précarité en marge du marché du travail et les couples où un seul travaille - souvent le père.

La mesure de la pauvreté dépend du niveau de vie mais aussi de la taille de la famille : des échelles d'équivalences - les unités de consommation - reposent sur un calcul de l'OCDE un peu modifié. La première personne compte pour un, la deuxième 0,5, la troisième 0,3. La mesure de la pauvreté est donc très sensible à l'utilisation de ces échelles qui prennent très mal en compte la situation des foyers monoparentaux. Un couple seul a besoin d'une chambre, une mère avec un enfant de deux chambres... Les outils ne sont pas adaptés.

Les politiques de lutte contre la pauvreté sont de deux types. Les aides monétaires de soutien au revenu sont principalement les minimas sociaux, avec des bonifications spécifiques en cas de famille monoparentale, de situation de handicap ou de chômage de longue durée. C'est un mille-feuille complexe mais qui cible davantage des populations spécifiques. Une réflexion pour fusionner certains minimas sociaux est en cours. Depuis les années 2000, ces politiques sont axées sur les soutiens aux revenus du travail, dans une logique d'incitation au travail des bénéficiaires des minimas sociaux, alors que les revenus des minimas sociaux comme le RSA-socle (revenu de solidarité active) sont indexés sur les prix et non sur le niveau de vie moyen ou les salaires, ce qui aboutit à un décrochage. Certaines personnes pauvres éloignées du marché du travail et qui ont du mal à y accéder - notamment dans une période de crise - sont donc moins prises en compte. Cela pose la question de l'indexation des minimas sociaux.

Les mères isolées peinent à percevoir des pensions alimentaires, malgré le dispositif des Garanties contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA) qui aide au recouvrement des pensions et compense en partie le niveau de vie après une séparation. Souvent, le père n'a pas les moyens de payer la pension et la mère se retrouve en grande difficulté...

Autre type de politique, les services publics financés par l'impôt sont des garde-fous contre la pauvreté : l'accès à des modes de garde accessibles et subventionnés permet d'émanciper la femme pour qu'elle travaille et de lutter contre la pauvreté de la mère et de l'enfant ; les aides de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) favorisent l'accès aux loisirs, à la culture et aux vacances ; les aides pour les transports sont essentielles pour accéder à l'emploi et vivre décemment ; les aides au logement soulagent cette part importante du budget et aident à trouver un emploi. Les situations de pauvreté sont souvent multifactorielles avec l'accumulation d'une séparation, d'un problème de chômage ou de logement, et nécessitent une bonne articulation des politiques publiques.

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