Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Polynésie française dispose de compétences étendues au titre de l’article 74 de la Constitution. Elle est dotée de l’autonomie. Dans un grand nombre de matières, c’est donc le Pays qui est chef de file. Il lui appartient de fixer des orientations et de définir les grands axes des politiques publiques.
C’est à ce titre que la Polynésie française s’est dotée, par les lois du pays du 24 juin et du 23 février 2015, d’une réglementation des pratiques commerciales et d’un code de la concurrence.
Cette initiative louable répond à des enjeux communs à tous les territoires d’outre-mer : faire vivre la concurrence est un défi dans des territoires insulaires – à l’exception de la Guyane, bien sûr –, souvent relativement coupés de leur environnement économique régional.
Cette coupure peut être historique ; elle peut être aussi liée à la distance ; elle peut enfin résulter d’un niveau de développement sans commune mesure avec les territoires des environs.
La Polynésie française a donc décidé de développer sa réglementation et des outils adaptés pour faire vivre cette concurrence indispensable à la lutte contre la vie chère. Car finalement, c’est bien le consommateur qu’il s’agit de protéger.
À cette fin, la Polynésie a notamment institué une autorité polynésienne de la concurrence, l’APC, dotée d’un statut d’autorité administrative indépendante.
Afin que cette autorité de la concurrence puisse exercer son activité, des dispositions complémentaires relevant de la compétence de l’État étaient nécessaires pour assurer l’effectivité des procédures de contrôle menées par elle.
C’est l’objet de l’ordonnance du 9 février 2017, prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, et entrée en vigueur le 30 juin 2017.
Vous le savez, la Constitution prévoit une ratification expresse dans les dix-huit mois suivant la publication du texte, en l’occurrence avant le 10 août 2018. À défaut, l’ordonnance deviendra caduque.
C’est l’enjeu du projet de loi soumis à votre examen.
Sans revenir sur chacun des points de l’ordonnance en question, je crois utile de rappeler qu’elle permet notamment aux agents intervenant pour l’Autorité de procéder à des visites en tous lieux ou à la saisie de documents sur autorisation du juge des libertés et la détention du tribunal de première instance de Papeete.
Elle permet aussi à ces agents d’accéder à tout document ou élément d’information détenu par les services et établissements de l’État et par les services et établissements des collectivités publiques de la Polynésie française, sans se voir opposer le secret professionnel.
Elle prévoit également les modalités de collaboration entre cette autorité locale et l’autorité nationale de la concurrence ou les services du ministère de l’économie : communication mutuelle des informations ou documents nécessaires, délégation de certaines enquêtes.
L’APC disposera donc d’une panoplie d’outils de vérification et de contrôle identique à celle de l’autorité nationale de la concurrence. Les garanties en termes de voies de recours juridictionnel contre ses décisions seront également d’un niveau comparable.
La commission des lois du Sénat a enrichi le texte par l’adoption de deux amendements.
Le premier a étendu l’obligation de dépôt d’une déclaration de situation patrimoniale et d’une déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique aux membres des collèges et aux cadres dirigeants des autorités administratives indépendantes calédoniennes et polynésiennes. Cette mesure de mise en cohérence est la bienvenue.
La commission des lois a également tenu à introduire dans le texte la détermination des délais de procédure et la fixation de la juridiction compétente pour connaître des recours contre les décisions de l’autorité de la concurrence. Ces éléments de nature réglementaire faisaient partie du projet de décret en Conseil d’État qui viendra compléter l’ordonnance, et dont la publication est prévue pour la fin du mois de mai. Je comprends toutefois que vous ayez voulu sécuriser le bon fonctionnement du dispositif institué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi, l’État tente d’accompagner au mieux la Polynésie française dans l’exercice de ses compétences. Je vous remercie de l’attention que vous voulez bien lui accorder.