Intervention de Josiane Costes

Réunion du 10 avril 2018 à 14h30
Élection des représentants au parlement européen — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Josiane CostesJosiane Costes :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les dernières élections législatives italiennes et, plus récemment encore, le scrutin qui s’est déroulé le week-end dernier en Hongrie sont des indicateurs effroyables du déclin de l’enthousiasme européen à travers le continent.

Ici et là, les partis eurosceptiques gagnent du terrain et menacent l’équilibre pacifique qui se construit en Europe depuis plus d’un demi-siècle.

C’est dans ce contexte inquiétant que le Gouvernement nous propose de préparer le prochain renouvellement du Parlement européen, selon une philosophie qui ne nous est pas étrangère. Vous vous en souvenez, dès 2010, sur l’initiative du groupe du Rassemblement Social et Démocratique Européen, la Haute Assemblée avait voté le rétablissement de la circonscription unique, avant que cette mesure ne disparaisse dans les limbes de la navette parlementaire.

Il a fallu huit ans pour que cette idée ressorte des cartons et que nos collègues députés l’adoptent des deux mains. Mieux vaut tard que jamais ! Vous ne serez donc pas étonnés d’apprendre que nous restons convaincus de la nécessité de cette réforme. Depuis le traité de Lisbonne, les règles françaises de désignation des membres du Parlement européen ne sont plus adaptées aux nouvelles prérogatives de ces parlementaires. Comment expliquer que des élus, dont le rôle est dorénavant déterminant, soient si mal identifiés par nos concitoyens, que leurs travaux fassent l’objet d’une si faible médiatisation et ne préoccupent que quelques spécialistes ?

Aucun système électoral n’est parfait ; nos collègues des territoires d’outre-mer ont souligné leur situation particulière au sein de l’Union européenne. La sortie de celle-ci du Royaume-Uni et de ses propres territoires d’outre-mer renforce leur crainte de se trouver isolés.

À titre personnel, j’ai été convaincue par les débats qui se sont déroulés en commission des lois : la protection des intérêts des territoires d’outre-mer revient, comme celle des intérêts de tous les territoires de l’Union européenne, à l’ensemble des membres du Parlement européen. S’ils le désirent, les citoyens résidant dans ces territoires pourront orienter leurs votes vers les listes qui feront de l’outre-mer une priorité. Plusieurs de mes collègues soutiendront, au contraire, la création d’une circonscription spécifique pour l’outre-mer, conformément à la liberté de vote qui régit notre groupe.

Plusieurs d’entre nous auraient souhaité que la possibilité de recourir à des listes transnationales figure dans le texte, nonobstant la portée peu normative de cette disposition. La réforme de l’acte électoral européen est toujours en discussion et cette évolution nous paraît nécessaire pour renforcer la démocratie européenne et faire émerger des groupements politiques transnationaux, susceptibles de défendre des projets politiques pour l’ensemble des citoyens européens. Nous soutenons tous les efforts du Président de la République en ce sens.

Cette évolution n’est pas incompatible avec l’attachement à la République qui est le nôtre ni avec le rétablissement d’une circonscription unique qui nous est aujourd’hui proposé. Elle est au contraire en totale cohérence avec notre défense de la démocratie parlementaire. Notre ambition est de rapprocher l’Union européenne du citoyen en renforçant la légitimité du Parlement européen.

Si nous nous apprêtons à voter ce texte, nous regrettons toutefois que son examen se fasse dans le cadre de la procédure accélérée, qui ne nous permet pas d’avoir des débats plus longs sur les moyens à développer pour sensibiliser davantage nos concitoyens aux enjeux européens.

De plus longues réflexions auraient, par exemple, permis de se pencher sur une meilleure conciliation du principe d’égalité devant le suffrage et de l’objectif d’intelligibilité des débats lors de la campagne européenne.

Si l’on peut comprendre la volonté du Gouvernement de limiter le temps de parole minimal attribué à chaque liste de candidats quand de telles listes se multiplient, l’établissement d’un système de parrainage aurait pu constituer une solution alternative, plus respectueuse du pluralisme auquel nous sommes très attachés.

La question de l’éducation des jeunes générations d’Européens est également occultée. Elle est pourtant cruciale. Lors des dernières élections européennes, 73 % des électeurs français de moins de trente-cinq ans se sont abstenus.

Depuis sa création, l’école républicaine a toujours eu pour ambition de former nos jeunes, de leur permettre non seulement d’exercer un métier, mais également d’exercer convenablement leur citoyenneté. C’est pourquoi nous présenterons un amendement visant à renforcer la dimension européenne de l’enseignement moral et civique, en particulier au collège.

D’autres réflexions pourraient également être conduites sur les difficultés matérielles susceptibles d’entraver l’exercice effectif du droit de vote qui affectent les étudiants comme les jeunes travailleurs particulièrement mobiles.

Enfin, au-delà des écoles, nous devrions aussi réfléchir aux outils à mettre en place pour renforcer la convergence des débats nationaux et européens dans nos assemblées comme dans les médias. C’est le sens des amendements que je défendrai pour modifier la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui vise à renforcer les obligations des sociétés nationales de programme en matière d’actualité politique européenne.

Lors des débats relatifs à la révision constitutionnelle, nous pourrons également proposer des solutions pour améliorer la coordination de nos travaux aux échelons national et européen.

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