Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi rétablit la circonscription unique comme cadre de l’élection des représentants de la France au Parlement européen, mais il est aussi marqué par deux atteintes fortes au pluralisme – j’y reviendrai.
Lors des débats sur la loi du 11 avril 2003, qui instaura des circonscriptions interrégionales au nombre de huit, nous avions vivement protesté contre une évolution que nous ressentions alors contraire aux intérêts de notre peuple et de notre pays.
Selon nous, établir des circonscriptions interrégionales avait en effet pour conséquence de favoriser les plus grandes forces qui sont les seules capables d’assurer une présence européenne sur l’ensemble du territoire.
Nous avions dit et répété avec quelques autres – trop rares – que les élections européennes ont pour objet la représentation de notre peuple au Parlement européen et non pas celle de telle ou telle région.
Nous le savons bien, l’Europe des régions, à laquelle nous nous opposons, pour notre part, est de longue date la visée des partisans d’un fédéralisme absolu permettant, au nom d’une hypothétique souveraineté européenne, de briser les résistances nationales au projet libéral, qui – ne l’oublions jamais – fut gravé dans le marbre des traités européens année après année, malgré l’opposition exprimée de manière forte en 2005 en France et dans de nombreux pays européens comme l’Irlande, le Danemark ou les Pays-Bas.
Deux autres raisons pourraient susciter un grand scepticisme à l’égard de la régionalisation du scrutin. La première est que l’on ne peut espérer faire du scrutin européen un enjeu national en le disséminant de la sorte, et la seconde, très importante, est que la très grande majorité des États membres de l’Union européenne avait fait le choix de la circonscription unique, ce qui est toujours le cas aujourd’hui pour vingt-trois pays sur vingt-huit, et même vingt-quatre, l’Italie procédant à une comptabilisation nationale des résultats.
Avant de conclure sur ce sujet, je souhaite rappeler que l’argument principal des partisans de la régionalisation du scrutin était que celle-ci améliorait la participation et le rapprochement entre élus et citoyens. Comme d’autres orateurs l’ont déjà dit, l’échec fut patent sur ces deux points, puisque le taux d’abstention fut respectivement de 39, 3 % en 1979 lors de la première élection au suffrage universel direct, de 50, 2 % en 1999, de 59, 4 % en 2009 et de 57, 4 % en 2014. Il est donc certain que la régionalisation n’a pas permis de remédier à une abstention massive.
Quant à rapprocher les citoyens des élus, la bonne blague ! Bien peu nombreux sont les électeurs qui connaissent, dans une région, les noms de leurs députés européens.
Dans son discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron a dit sa volonté de revenir à la circonscription unique alors que, dans le même temps – comme dirait l’autre –, il ne dissimule pas, ou en tout cas masque très mal, sa vision purement fédéraliste axée en particulier sur la notion de souveraineté européenne. Il propose pourtant de revenir à une circonscription unique, qui, a priori, permet de mieux exprimer la voix de la Nation.
Or nous savons que La République En Marche n’arrive pas à s’implanter localement faute de militants et de structures. C’est une organisation totalement verticale, portée par le chef de l’État et les soutiens médiatiques.