Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la circonscription électorale unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen est techniquement justifiée et politiquement nécessaire.
Premièrement, trois mots clés permettent de comprendre en quoi cette réforme est techniquement justifiée : lisibilité, liberté – au sens de pluralisme – et légitimité.
Tout d’abord, lisibilité. L’élection majeure, dans notre pays, est l’élection présidentielle dont la circonscription est, par définition, nationale. Que nous soyons convaincus ou non de l’importance de la poursuite de la construction européenne, selon les travées où nous siégeons, notre réflexion se situe au niveau du bien commun, de l’intérêt national. Il ne s’agit ni d’enjeux individuels ni d’enjeux locaux.
Comme l’a remarquablement souligné notre rapporteur, le taux d’abstention, dans le cadre des circonscriptions dites « eurorégionales », n’a cessé de s’élever lors des dernières élections européennes de 2004 et de 2009 pour aboutir aux tristes chiffres de 2014, également rappelés par M. Gattolin.
Pour le deuxième mot clé, j’avoue avoir eu du mal à trouver un synonyme de pluralisme commençant par la lettre « l ». Le mot « liberté » me permet d’insister sur la volonté de préservation de la diversité d’opinion qui a prévalu dans l’organisation de l’élection des représentants au Parlement européen telle que nous la connaissons, fixée par la décision du 20 septembre 1976 instaurant un scrutin à la proportionnelle intégrale et un seuil d’éligibilité maximum de 5 % des suffrages exprimés.
Le calcul est évident : un score de 6 %, par exemple, dans une circonscription nationale, c’est environ 4 à 5 sièges pour la liste concernée ; dans chacune des huit eurorégions actuelles, c’est zéro siège. Cette réforme est donc bien pluraliste et aucunement « jupitérienne ».
La légitimité est le plus important des trois mots clés que j’évoquais. Il s’agit de donner la priorité aux grands enjeux du pays. Et les intérêts européens de notre pays ne sont pas la seule somme des intérêts régionaux : il existe une différence de nature.
Cette différence est également marquée par notre citoyenneté, à la fois nationale et européenne. Si l’on peut agir localement, et c’est fort heureux, l’horizon du citoyen est au minimum national. Comme d’autres orateurs qui m’ont précédé, je crois qu’une circonscription nationale donnera plus de légitimité à ces représentants que des circonscriptions locales.
La critique la plus récurrente à l’encontre d’une circonscription nationale est l’absence de proximité : les électeurs ne connaîtront pas les députés européens et seules les grandes villes ou les grandes régions auront des représentants.
Cette critique, que l’on entend fréquemment, ne porte pas sur la loi électorale, mais sur le comportement politique historique de nos partis qui n’ont toujours pas toujours eu une vision à long terme de l’acquisition des compétences ou de l’investissement nécessaire dans la durée pour permettre aux députés européens de peser sur les débats.
C’est dire si l’instauration d’une circonscription nationale et un changement de comportement des partis remettant l’élection européenne à sa juste place sont complémentaires.
Dans cette balance avantages-inconvénients, le groupe centriste est très favorable à la circonscription nationale, même s’il faut reconnaître que nous aurions apprécié l’instauration de listes transnationales.
Nous regrettons la position réductrice du Parlement européen, tout en reconnaissant la validité juridique de sa décision dont les motifs ne sont pas de nature européenne.
Deuxièmement, cette réforme est politiquement nécessaire pour que l’Europe revienne au cœur du débat politique français.
La question n’est pas tant de savoir – c’était d’ailleurs le propos de M. Leconte voilà quelques instants – quel est le niveau d’engagement des uns et des autres dans la construction européenne – chacun aura légitimement son opinion –, l’essentiel est que le débat ait lieu au bon niveau, que la France puisse s’exprimer, que les priorités soient fixées, que les moyens et ambitions soient définis dans un débat partagé par nos concitoyens.
Nous soutenons la démarche du Président de la République, exprimée entre autres dans ses discours d’Athènes ou de la Sorbonne, mais aussi lors de l’initiative dite des « consultations citoyennes », de vouloir remettre le débat européen au cœur de la vie politique française, comme il l’a fait à l’occasion de l’élection présidentielle.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les centristes croient à l’idéal européen. Il ne s’agit pas d’un totem : nous croyons à une Europe du concret. Le temps n’est plus au débat entre fédéralistes et souverainistes. Nous croyons à une souveraineté partagée, à la force du « bloc européen » aujourd’hui à vingt-neuf – les vingt-huit États membres et l’Union européenne partageant moyens, actions et objectifs. En 2018, la souveraineté de la France trouve sa pleine expression dans la construction européenne.
J’exprimerai enfin, madame la ministre, un regret sur la question de l’outre-mer.
Nous comprenons les raisons pour lesquelles Gérard Poadja, sénateur de Nouvelle-Calédonie, a déposé des amendements, cosignés par d’autres sénateurs, tendant à reconnaître la spécificité de l’outre-mer.
Nous possédons la deuxième zone économique exclusive au monde. La seule notion de « régions ultrapériphériques » ne suffit pas à réduire le débat européen.
Mon groupe est partagé entre le cœur et la raison : nous suivrons notre cœur, qui nous conduit à soutenir ces amendements pertinents pour l’outre-mer, même si notre raison nous fait entendre les réserves que vous avez exprimées quant à leur constitutionnalité.