Le risque est souvent mal cerné au moment du démarrage du projet. Il y a un risque supplémentaire fréquent d'instabilité budgétaire pour les projets financés sur le rythme budgétaire. Toutes les DDE ont connu cela durant les dernières décennies : vous organisez un allotissement, lancez des appels d'offre, et tout est arrêté faute d'autorisations ou de crédits de paiement nécessaires. Il faut couper le projet en tranches, le relancer, et cela coûte cher. La SGP a l'avantage d'avoir une fiscalité dédiée. Le financement doit être mis au service du planning - il y aura déjà suffisamment à faire avec les risques techniques. Dans certaines zones, on peut devoir congeler le sol pour faire des trous, et plus cette nécessité multipliera, plus cela sera long et coûtera cher. L'évaluation de ces risques peut être plus ou moins respectée... C'est un projet d'aménagement, et non une science exacte ni un produit manufacturé à la chaine.
Comment, face à chaque risque, définir un plan B ou C, une solution qui peut éventuellement coûter moins cher ? La maîtrise d'ouvrage doit être très réactive. Lorsqu'un aléa est rencontré, il faut pouvoir décider rapidement sur la base d'une expertise fiable, et en toute autonomie, sur le terrain. Le Premier ministre s'est engagé à investir les moyens nécessaires. Le plafond d'emplois doit disparaître. Je ne suis pas capable d'estimer le nombre de personnes nécessaires - un audit est en cours. Il devra à la fois préciser le nombre de personnes nécessaires, à quel moment, et avec quels profils, afin de ne pas totalement dépendre des entreprises extérieures sur le plan technique, mais aussi de pouvoir gérer les marchés publics - si l'on traite dix fois plus de contrats qu'on ne le peut, on fera preuve de moins de vigilance.
L'équilibre entre l'Île-de-France et la province est un sujet éminemment sensible. En tant que candidat à la présidence du directoire, je ne suis pas légitime à me prononcer sur ce sujet. Mais à l'automne dernier, j'ai pu mesurer lors des Assises de la mobilité que contrairement à une idée assez erronée, ce n'est pas parce que notre pays est équipé qu'il n'a pas besoin d'équipements...
Les besoins d'équipement sont de plus en plus coûteux, à Paris comme à Lyon, Toulouse ou Marseille. Le Grand Paris a pour particularité d'être financé par la fiscalité de ses entreprises et de ses habitants : c'est une des conditions posée dès son lancement.
Les estimations sont-elles fiables ? Je n'ai pas fait la tournée de tous les acteurs, mais j'imagine que le travail réalisé par les équipes de la Société du Grand Paris est sérieux, et je n'imagine pas que les chiffres donnés n'aient pas été communiqués avec sincérité.
Quant aux évaluations du risque, il est possible qu'elles soient encore révisées : c'est pourquoi il faut mener à bien, en parallèle, un plan de recherche d'économies, afin d'être prêts à réagir lorsque les aléas se matérialiseront. Il ne s'agit pas de revenir sur les fonctionnalités du projet mais d'examiner son ordonnancement : il suffit parfois de réorganiser un appel d'offres pour optimiser les coûts et faire disparaître un risque.
J'ai évoqué en introduction la crise de confiance : c'est l'un des éléments-clés. Sans confiance, impossible d'avancer ni de prendre les décisions nécessaires. Ce sera donc pour moi une question prioritaire. Mais la confiance, cela ne se décrète pas ! J'aurai besoin, en tant que maître d'ouvrage, d'un tableau de suivi des risques. Le document qui existe est illisible car trop technique. J'aimerais en faire quelque chose de simple, de transparent et de communicable, pour que les risques que nous allons gérer au fil de l'eau soient partagés et suivis.
L'un des gros enjeux sera la tutelle de l'État car, si l'État est unique, il a tendance à être pluriel. La chance de ce projet est qu'il suscite une préoccupation très forte à la tête du gouvernement. Cela aidera à obtenir des arbitrages rapides si besoin. De fait, nous sommes dans une course contre la montre. Ce projet est en fait une combinaison entre un cent mètres et un marathon : il faut tenir sur la distance, mais ne pas passer six mois à se poser des questions à chaque étape.