La communication publiée par la Commission européenne le 29 novembre 2017 a symboliquement marqué l'ouverture du débat public sur l'avenir de la PAC. La Commission y propose de conserver une PAC à deux piliers, avec une aide au revenu qui relèverait du premier pilier et des mesures en faveur de l'investissement, de la gestion des risques ou des zones rurales rattachées au second pilier. Il n'y aurait aucun bouleversement en matière d'organisation des marchés agricoles et d'intervention sur ceux-ci. Le document rappelle que la PAC doit rester orientée vers le marché et évoque simplement un renforcement du rôle des organisations de producteurs. Les innovations proposées consistent, pour l'essentiel, en un nouveau mode de mise en oeuvre de la PAC. Ce schéma simplifierait drastiquement cette politique, en retenant une approche par les résultats, plutôt que par les moyens, concernant le verdissement et la conditionnalité environnementale. La Commission souhaiterait ainsi que les États membres s'engagent sur un plan stratégique de mise en oeuvre de la PAC, couvrant désormais les deux piliers. L'éco-conditionnalité, le verdissement et le dispositif des mesures agroenvironnementales seraient remplacés par des mesures définies dans chacun des vingt-sept pays de l'Union. Les aides distribuées seraient conditionnées à l'engagement des agriculteurs sur le respect des pratiques vertueuses. Les pratiques seraient définies et contrôlées au niveau de chaque État membre. Concrètement, la Commission européenne propose de supprimer l'approche uniforme en matière d'application de la PAC pour davantage de subsidiarité.
Les orientations de la Commission ont reçu, dès le mois de novembre 2017, un accueil très réservé. Les craintes exprimées portaient aussi bien sur le risque de distorsions de concurrence que sur celui d'une « renationalisation » de la PAC. Paradoxalement, le nouveau mode de mise en oeuvre de la PAC semble désormais ne plus être remis en cause par les États membres, car le débat se focalise sur d'autres aspects de la négociation. Ainsi, lors de la dernière réunion du Conseil « agriculture et pêche », qui s'est tenue le 19 mars dernier, la présidence bulgare n'est pas parvenue à obtenir un accord sur le schéma général de la PAC après 2020. Ses propositions de conclusions n'ont été soutenues in fine que par vingt-trois États membres : la Pologne, la Slovaquie et les trois États baltes ont exigé que l'objectif d'une convergence externe « rapide et complète » entre les niveaux d'aides directes dans les différents pays de l'Union soit inscrit dans le texte. A contrario, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède, l'Italie, l'Autriche et, dans une moindre mesure, la Belgique et l'Allemagne refusaient la moindre mention de ce dispositif, qui dépend d'abord du cadre financier pluriannuel. Les aides couplées ont également fait débat, mais de manière moins virulente : les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et, surtout, l'Allemagne demandaient qu'elles restent limitées.
En définitive, la réforme de la PAC demeurera dans le flou tant que le contexte budgétaire d'ensemble restera incertain. Or les propositions de la Commission européenne sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 ne sont pas attendues avant le 2 mai 2018, soit moins de deux mois avant le Conseil européen des 28 et 29 juin. L'annonce du président Bizet sur les informations glanées lors de son déplacement à Bruxelles confirme les éléments dont nous avions connaissance.