Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en avril 2011, il y a sept ans maintenant, commençait ce qu’on appelle le conflit syrien. Déjà, Bachar al-Assad employait la force contre son propre peuple, en tuant des civils lors de manifestations.
En sept ans, au gré de la multiplication des fronts, notamment contre Daech, au gré du secours des alliés russes et iraniens du dictateur syrien, la guerre syrienne a connu de nombreuses époques et évolutions. Mais un élément n’a jamais changé dans ce conflit : Bachar al-Assad continue, mois après mois, massacre après massacre, d’user de la force contre son peuple, contre des civils.
Les chiffres ont été rappelés : en sept ans de conflit, tous les observateurs dénombrent plus de 340 000 morts, dont au moins 100 000 civils et 19 000 enfants – 19 000 enfants ! Le nombre de déplacés est colossal puisque 12 millions de Syriens ont quitté leur lieu de vie habituel, dont près de 5 millions, leur pays. Vous connaissez les conséquences en termes migratoires.
Mais, plus que les chiffres, c’est l’inhumanité de ce conflit qui nous interpelle. L’emploi d’armes chimiques, cette attaque n’ayant pour but que de tuer des civils, des non-combattants, des innocents, a retiré à tout jamais tout honneur à Bachar al-Assad. Comment pourrions-nous accepter de voir mourir, au comble de la souffrance, ces innocents ? Comment ne pas réagir face à ces méthodes de terreur aux portes de l’Europe ?
La France a pris part très tôt, en 2012 et en 2013, aux discussions diplomatiques pour régler ce conflit, mais aussi pour protéger les populations. Les frappes qui ont touché l’arsenal et les moyens de production chimique du régime syrien le 14 avril s’inscrivent pour nous dans la continuité de la position de la France depuis toutes ces années.
La priorité de notre pays reste double : régler le conflit de manière diplomatique et tout mettre en œuvre pour protéger les populations.
En 2013 déjà, en août, après le massacre et l’usage avéré d’armes chimiques par Bachar contre des civils de la Ghouta, le président François Hollande avait exhorté ses alliés à intervenir. À l’époque, malheureusement, le Parlement britannique d’abord, puis le président américain avaient reculé, nous empêchant de frapper, l’unilatéralisme n’ayant jamais été une voie défendue par notre pays. L’Histoire, mes chers collègues, en aurait certainement été modifiée.
La répétition des massacres depuis lors, avec ou sans armes chimiques, notamment en 2017 et ces derniers mois, ont cette fois amené la coalition à intervenir, mettant fin à l’impunité meurtrière du dictateur syrien.
Ces frappes étaient un devoir pour la coalition, un devoir humanitaire, un devoir eu égard au droit international contre l’utilisation d’armes chimiques, un devoir de notre pays, celui des droits de l’homme, d’arrêter un tyran qui extermine son peuple.
En dépit de la protection indéfectible de la Russie et de ses douze veto, les preuves de l’usage de ces armes existent et sont connues du monde entier. Par ces veto répétés, la Russie a mis à bas la résolution 2118 du 27 septembre 2013 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée à l’unanimité, et qui qualifiait déjà à l’époque l’arsenal chimique syrien de « menace contre la paix et la sécurité internationales ».
Le rejet, samedi, par le Conseil de sécurité de l’ONU, de la résolution russe visant à condamner les frappes est d’ailleurs significatif : malgré le blocage russe à l’ONU, la communauté internationale soutient la coalition et son action.
À ceux qui craignaient un isolement français en tenant tête aux Russes ces dernières années ou en frappant la Syrie dans la nuit de vendredi à samedi, le rejet de cette résolution est une réponse : non, mes chers collègues, la France n’est pas isolée, elle dispose d’alliés et de soutiens.
C’est au contraire la Russie qui s’est peu à peu isolée. Oui, c’est elle qui s’est isolée en soutenant coûte que coûte Bachar al-Assad. Notre pays devra donc continuer à tenir une position ferme face aux Russes ces prochains mois pour que le conflit syrien trouve un débouché, avec eux.
Nous soutiendrons le Gouvernement, monsieur le ministre, sur cette ligne de fermeté face aux attaques chimiques. Mais nous considérons que ces frappes ne sont pas la solution définitive, loin de là.
Alors, monsieur le ministre, quelles initiatives permettant le dialogue et la négociation politique allez-vous engager, notamment en coordination avec nos partenaires européens ? Force est de constater que ces frappes montrent une nouvelle fois la nécessité d’une coordination européenne aux niveaux diplomatique et militaire. En l’occurrence, le compte n’y est toujours pas.
Ces frappes sont aussi un message envoyé à ceux qui furent nos alliés dans la lutte contre Daech. Le peuple syrien et certains rebelles syriens ont fait partie de nos alliés contre le terrorisme islamiste ces dernières années. Il y va donc de l’honneur de notre pays, et de ses alliés, de défendre un peuple qui a combattu Daech.
Abandonner ses alliés ne saurait être une position de notre pays. Il en est ainsi du peuple syrien.
Mais je voudrais évoquer solennellement une autre situation.
Notre soutien aux peuples alliés doit s’appliquer également aux Kurdes syriens du Rojava attaqués par la Turquie.