Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 184 de l'Organisation internationale du travail relative à la sécurité et la santé dans l'agriculture.
Cette convention a été adoptée, le 21 juin 2001, par la Conférence générale de l'Organisation internationale du travail (OIT), en même temps que la recommandation n° 192 sur la sécurité et sur la santé dans l'agriculture. Ratifié par 16 pays, elle est en vigueur depuis 2003. Depuis sa fondation en 1919, l'OIT se préoccupe de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs en promouvant une approche favorisant la coopération entre les gouvernements et les partenaires sociaux dans l'élaboration des stratégies et des programmes nationaux. Compte tenu de la dangerosité du secteur de l'agriculture - un des trois secteurs les plus dangereux au monde avec les industries extractives et la construction - la Conférence internationale du travail a choisi de fixer les principes de base en matière de sécurité et de santé des travailleurs agricoles dans la présente convention afin de prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles mais aussi de garantir aux travailleurs du secteur agricole la même protection que celle dont bénéficient les travailleurs d'autres secteurs. L'agriculture reste une importante source d'emplois dans le monde, surtout dans les pays en développement. Près d'un tiers des travailleurs du monde entier, soit plus d'un milliard de personnes, sont employés dans l'agriculture, dont 25 % de femmes. Plus de 50 % des enfants de 5 à 17 ans qui travaillent dans le monde sont employés dans le secteur de l'agriculture. L'agriculture est un des secteurs qui compte le plus grand nombre d'accidents de travail dans le monde. On estime que les accidents du travail mortels touchant les travailleurs agricoles représentent environ 50 % de tous les accidents mortels dans le monde. Par comparaison en France, en 2016, 172 salariés et non-salariés agricoles sont décédés suite à un accident ou une maladie professionnelle. Toujours en 2016, dans le secteur agricole, ont été déclarés 70 132 accidents du travail. Les facteurs de risque sont nombreux et sont notamment liés à l'utilisation d'engins agricoles ainsi qu'à l'exposition aux pesticides et autres produits chimiques, sans compter les maladies transmissibles par les animaux et les troubles musculo-squelettiques. En France, les principaux risques ont été analysés et font l'objet des priorités du 5e plan santé-sécurité au travail 2016-2020 ainsi que du plan santé et sécurité au travail des actifs agricoles 2016-2020 (salariés et non-salariés agricoles), adopté par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et approuvé par le ministre chargé de l'agriculture fin 2015. Voyons maintenant les normes minimales fixées par cette convention. Je vous indique d'emblée que ces normes sont déjà applicables dans les exploitations agricoles françaises et que, d'une manière générale, le droit social français présente un niveau de garantie supérieur à celui exigé par la convention. En outre, elles s'inscrivent parfaitement dans l'ensemble de la politique européenne en matière de santé et de sécurité au travail en agriculture. Son champ d'application englobe non seulement les activités agricoles et forestières menées - il y a beaucoup d'accidents dus à des chutes d'arbre - dans des exploitations agricoles mais aussi la production végétale, les activités forestières, l'élevage des animaux et des insectes, la transformation primaire des produits agricoles et animaux, l'utilisation et l'entretien de machines, d'équipements, d'appareils, d'outils et d'installations agricoles y compris tout procédé, stockage, opération ou transport effectué dans une exploitation agricole qui sont directement liés à la production agricole. En revanche, sont expressément exclus l'agriculture de subsistance, les procédés industriels qui utilisent des produits agricoles comme matières premières et les services qui leur sont liés ainsi que l'exploitation industrielle des forêts. Une clause de flexibilité permet aux Etats qui ratifient cette convention, après consultation des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs concernés, d'exclure de son application ou de certaines de ses dispositions certaines exploitations agricoles ou des catégories limitées de travailleurs, lorsque des problèmes particuliers et sérieux se posent. Tout d'abord, la convention met à la charge des États l'obligation, après consultation des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs intéressées, de définir, de mettre en application et de réexaminer périodiquement une politique nationale cohérente en matière de sécurité et de santé dans l'agriculture ainsi que de mettre en place un système d'inspection des lieux de travail agricoles doté des moyens adéquats qui réponde aux exigences de la convention n°129 de l'OIT de 1969 concernant l'inspection du travail en agriculture et ratifiée par la France. Elle impose également une coopération en matière de sécurité et de santé au travail entre employeurs et travailleurs indépendants dès lors qu'ils exercent leurs activités sur un même lieu de travail agricole. Si cette obligation de coopération existait déjà pour les employeurs, une adaptation de la législation française a été nécessaire s'agissant de la coopération entre les employeurs et les travailleurs indépendants. Elle a été réalisée par la loi de 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt Enfin, la convention prévoit une série de mesures de prévention et de protection spécifiques : utilisation des machines et ergonomie, manipulation et transport d'objet, gestion rationnelle des produits chimiques, contact avec les animaux, risques biologiques et installations agricoles. Elle exige également le respect de normes minimales en matière de logement, d'aménagement du temps de travail, de couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elles visent également des catégories vulnérables de travailleurs agricoles : jeunes de moins de 18 ans, travailleurs temporaires et saisonniers, femmes.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Outre la réduction du nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles, cette convention devrait favoriser le développement d'une agriculture durable, notamment par la réduction des risques liés à l'emploi de pesticides et permettre de lutter contre le dumping social dans le secteur agricole. Les partenaires sociaux agricoles représentatifs au plan national ont approuvé sans réserve la ratification de cette convention. Par ailleurs, dans un contexte où l'influence de la France à l'OIT semble diminuer au bénéfice des pays anglo-saxons et où les ratifications des conventions de l'OIT sont de moins en moins nombreuses, il importe que la France continue d'y jouer un rôle moteur, en restant notamment parmi les pays qui ont ratifié le plus de conventions de l'OIT - la France occupe la deuxième place derrière l'Espagne et devant l'Italie.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 19 avril 2018, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.