Intervention de François Jacq

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 avril 2018 à 15h00
Audition de M. François Jacq candidat proposé à la fonction d'administrateur général du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives cea

François Jacq, candidat proposé à la fonction d'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) :

Le projet, encore au stade de la recherche, envisage effectivement, en 2050, la production d'une machine de démonstration, qui pourrait elle--même conduire à une éventuelle réalisation industrielle vers la fin du siècle. Cette perspective est lointaine et nécessite, sur une longue période, de faire coïncider avancées des connaissances et réalisations effectives, mais également de traiter les urgences sans injurier l'avenir. J'y ai aussi peu insisté car ITER est une opération internationale, certes installée sur le sol français, sous l'autorité de Bernard Bigot ; le CEA y contribue mais ne la pilote pas.

Monsieur Courteau, votre remarque sur le Dase est tout à fait pertinente et je la partage : la détection ne fait pas l'avertissement. Président-directeur général de Météo-France à l'époque de la tempête Xynthia, je ne le sais que trop bien... Entendu par une commission d'enquête sénatoriale sur ce sujet, j'avais ainsi indiqué que nous avions connaissance de la survenue d'une surcote et que les éléments d'avertissement avaient été envoyés aux préfectures. Seulement, il n'existait alors aucun dispositif de vigilance et d'avertissement similaire à celui créé après 1999 pour les tempêtes, la vigilance « vagues-submersion » n'ayant été généralisée qu'après.

Nous poursuivons effectivement, monsieur Decool, des travaux sur les miroirs de Fresnel, qui représentent un bon exemple de « diplomatie énergétique ». La France oeuvre en faveur de l'accord de Paris sur le climat, malgré un contexte quelque peu compliqué par le retrait américain ; cela suppose de proposer des voies de développement technologiquement accessibles aux différents pays en respectant les spécificités climatiques et énergétiques.

Monsieur Daunis pose la question majeure à laquelle un dirigeant d'organisme est confronté : on veut toujours lui en faire faire plus, surtout si ça se passe bien. Je ne crois pas que le CEA souffre à ce jour d'une perte d'identité ou intervienne en doublon, mais il convient de rester vigilant. Ainsi, dans le domaine de la recherche technologique, hors nucléaire et énergie, le CEA a certes déployé une capacité d'irrigation du tissu industriel mais s'est aussi, je crois, lancé dans une fuite en avant et s'est parfois éparpillé sur de nombreux sujets. À l'aune d'un examen des activités stratégiques, il conviendra donc de renoncer à certaines actions. Je crois en revanche à l'intérêt des partenariats, notamment avec l'Inserm et le CNRS, avec lesquels existe une réelle complémentarité. Le CEA n'a pas vocation à investir tous les domaines. Ainsi, s'agissant des énergies marines renouvelables, j'estime plus judicieux de miser sur l'Ifremer que de multiplier les acteurs. Toutefois, l'Ifremer elle-même ne peut tout gérer avec seulement 250 personnes ; elle y perdrait aussi son âme. L'ascèse est un exercice permanent, alors que la tentation inverse est grande.

Madame Procaccia m'interrogeait sur l'originalité de mon projet, question également posée hier par vos collègues de l'Assemblée nationale... Je ne crois pas, pour m'en être entretenu avec lui, qu'il existe une différence considérable entre la vision portée par Daniel Verwaerde et la mienne. J'estime néanmoins pouvoir apporter au CEA ma capacité, acquise au gré de mes précédentes responsabilités, à mobiliser les énergies et les équipes autour d'un projet et à conduire des changements. Je suis convaincu de l'intérêt du travail en commun et de la transversalité entre directions. Les équipes de la technologie, du nucléaire, des applications militaires doivent, par exemple, travailler ensemble sur les enjeux de la cyber-sécurité et de la guerre moderne. À l'Ifremer, je me suis ainsi attaché à rapprocher les océanographes, les biologistes et les ingénieurs.

S'agissant, monsieur Cabanel, du projet Astrid, je vous avoue ne guère croire à une quatrième génération de réacteurs sans troisième génération aboutie et exportable. Nous devons certes garder des perspectives pour l'avenir, mais le déploiement industriel d'une quatrième génération apparaît éminemment lointain.

Madame Férat a mentionné Areva et la manière dont le groupe s'est recomposé entre Orano sur le cycle, Framatome sur les réacteurs avec EDF et la structure qui porte le projet Olkiluoto. Nous devons conserver une proximité extrêmement forte avec ces entités mais cette proximité n'est pas nécessairement capitalistique. Je partage, à cet égard, le point de vue de Daniel Verwaerde. On a trop souffert, et j'ai connu cette situation à l'Andra, de rivalité entre acteurs dont la filière ne peut plus se permettre le luxe aujourd'hui ! Tant sur le volet réacteurs que sur le volet cycle, il faut encore plus et encore mieux collaborer et la volonté est là, de toutes parts.

Je répondrai enfin à Michel Raison, qui s'inquiétait de la situation à Bure. Lorsque j'ai pris mes fonctions en 2000 à l'Andra, 2 500 à 3 000 personnes y campaient l'été, abaissant les grilles, envahissant le site et détruisant des matériels. Nous l'avons oublié désormais, mais j'en garde, pour ma part, un souvenir douloureux ! Nous nous sommes alors lancés dans un ambitieux travail d'explicitation et avons fait progresser alors une compréhension partagée sur le sujet, évaporée depuis. Peut-être suis-je d'un optimisme béat ou d'une naïveté militante, mais je pense qu'il n'est d'autre solution que l'explicitation. Il y aura toujours des déchets : malgré les recherches et les analyses, le rêve ultime de la disparition des déchets déjà produits a vécu... Nous avons donc besoin d'une solution. À Bure, nous avons considérablement progressé, et, même si elle demande encore un long travail technique, notamment sur la réversibilité, et de conviction, je reste convaincu que cette solution doit être défendue.

En termes de déploiement industriel, il n'y a pas d'urgence. Nous devons poursuivre le travail d'explication dans le calme et la sérénité, en démontrant la faisabilité du projet et en continuant de progresser sur les aspects scientifiques et techniques.

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