J'y crois énormément ! À titre d'exemple, parmi les associations qui ont reçu, par voie d'appel d'offres la gestion d'un CEF, je voudrais citer une association d'origine espagnole, dont les références pédagogiques étaient clairement dépassées, et qui a pourtant obtenu la gestion de deux centres. Face à des jeunes aussi divers, sa gestion a été un échec, comme l'atteste le nombre de fugues constatées. À cet égard, il serait intéressant que la PJJ vous indique quel est le nombre de fugues au niveau national. L'absentéisme des membres du personnel, souvent élevé, est une autre expression du malaise constaté dans certains CEF.
Enfin, l'hospitalisation psychiatrique connaît de réelles difficultés. La pédopsychiatrie est encore en plus mauvais état. Je ne sais pas combien de jeunes entrent, chaque année, en hôpital psychiatrique sous contrainte, en l'absence de recensement par le ministère de la santé. On sait seulement que 3.000 mineurs étaient entrés en hôpital psychiatrique en 2003. Ce chiffre est très faible si on le compare à celui du nombre d'hospitalisation en soins sans consentement pour les adultes. En outre, je ne sais pas bien comment l'interpréter, dans la mesure où la pédopsychiatrie suit les jeunes jusqu'à l'âge de quinze ans. Les mineurs sont soignés en ambulatoire et, faute de places dans les services pédopsychiatriques, ils sont versés dans les services pour adultes. À l'hôpital de Marseille, nous avons ainsi découvert qu'un enfant de dix ans séjournait dans un service pour adultes, ce qui n'est pas acceptable.
S'agissant des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), je crois que la santé doit primer : il ne faut donc pas hésiter à placer en UHSA un mineur, si sa santé l'exige, quand bien même cela interromprait, provisoirement, son parcours de réinsertion. Aucune statistique n'est disponible à ce sujet. Toutefois, si l'on procède à une extrapolation à partir du nombre de détenus admis chaque année en soins sans consentement, on peut estimer que 78 mineurs environ sont concernés chaque année, ce qui est très faible.
Je terminerai en évoquant les mesures de rechange mises en oeuvre au Canada, qui ne sont pas limitées aux adultes et qui sont inscrites dans le code criminel depuis 1996. Le parquet peut décider, dans certains cas, que les poursuites judiciaires de droit commun ne s'appliqueront pas au prévenu qui pourra, par d'autres mesures, comme des rencontres avec les victimes ou des compensations financières, obtenir l'effacement de son délit. Au Québec, depuis quelques années, une expérimentation vise à étendre ces mesures de rechange aux mineurs. Une conférence de consensus, qui s'est tenue en 2016, a proposé de systématiser ces mesures de rechange, qui relèvent pour le moment d'une politique administrative. Néanmoins, ces mesures de rechange ressemblent beaucoup aux mesures alternatives que nous avons instaurées en France depuis les années 1990. Je ne crois donc pas qu'il faille attendre beaucoup de ces mesures par rapport à celles dont nous disposons déjà. Le problème réside surtout dans l'utilisation par les juges de ces mesures, compte tenu des contraintes logistiques que je viens de vous évoquer.